#380 07 Novembre 2018 11:56:54
@Alhweder
Du coup tu m'as donné envie de lire cette BD qui traînait dans mes affaires depuis longtemps... Mais je n'avais que le premier tome sous la main, qu'on m'avait offert il y a un moment et que j'avais jamais lu ! Tu me hypes pour le second tome, merci à toi ;)
Pour le reste du sujet, pour le coup je suis moi-même assez militant, et je peux vous assurer qu'en milieu militant, il y a constamment un brassage d'idées et de réflexions. J'étais pas à cette conférence, je ne sais pas comment s'est comportée cette personne, je ne sais pas si elle était vraiment une Femen ou si c'est juste une manière de nommer toutes les féministes avec lesquelles on a un désaccord. (même si moi j'aime pas trop les Femen non plus, mais parce qu'elles sont super seconde gé et pas intersectionnelles du tout...)
Je faisais moi-même partie il y a plusieurs années des gens qui étaient partisans de "être sympa, être respectueux, être patient", mais au bout de plusieurs années à devoir te plier en quatre pour n'avoir ne serait-ce que du respect et de la décence basique de la part de tes interlocuteurs pour qui tout va bien dans le meilleur des mondes, de répéter mille fois les mêmes choses, et de te rendre compte qu'en fait, tu n'obtiens jamais rien en demandant gentiment... ben on change d'avis. Et je peux vous assurer que cette dernière réalisation a été très douloureuse pour un pacifiste comme moi, partisan de la discussion et du débat, ça m'a même fait tomber en dépression du coup c'est pour dire. Parce qu'en fait, au bout de plusieurs années dans le militantisme, tu réalises un truc : tu vas donner de ton temps, de ton énergie pour expliquer gentiment des trucs... qui vont rentrer dans une oreille et ressortir par l'autre. Et on te demande de faire ça pour tout le monde. Tout le temps. Du coup deux solutions : soit tu deviens un vieil aigri comme moi et tu te dessociabilises entièrement parce que sinon tu as envie de détester tout le monde. Soit tu continues à te battre, et tu deviens hargneux.
Par contre, juste un petit truc sur "la médecine, ce point de vue scientifique immuable" : moi je suis pas médecin mais historien. Avec un vieil ami ingénieur, on avait eu ce débat : la science peut-elle être partielle ?
Et on était arrivés à cette conclusion en comparant nos disciplines : oui. La science en tant qu'entité qu'on cherche à découvrir ne l'est pas, bien sûr. Mais le discours scientifique est produit par des gens, qui sont eux-mêmes produits par une société, par des codes, par des biais. Le fait que, par exemple, la recherche soit extrêmement avancée sur l'histoire de la guerre, et très peu en comparaison sur l'histoire des femmes (même si de plus en plus), c'est pas parce qu'il n'y a rien à dire sur ces sujets. C'est parce qu'on a commencé à s'y intéresser tardivement. Aux Etats-Unis, il existe plus de 200 instituts qui s'intéressent aux problèmes d'érection. Il en existe 5 sur les souffrances vaginales, pourtant extrêmement courantes. C'est pas que les méthodes pour la 2e sont plus compliquée, nécessite plus de connaissances ou des techniques plus futuristes : c'est que la recherche est moins avancée dans ce sujet, car elle ne s'y intéresse que peu. Et cet intérêt, il ne sort pas de nul part : il vient de l'intérêt des équipes de recherches, de l'intérêt de ceux qui les financent, d'un intérêt social et économique aussi : est-ce que l'on souhaite régler ce problème ?
Du coup je me méfie des discours du type "c'est un gynécologue, il a un discours scientifique". Un gynécologue est aussi un humain, est aussi un sujet qui est influencé par sa socialisation, ce n'est pas un être de lumière supérieur et sans aucun biais qui oeuvre comme un robot (robots qui sont eux-mêmes fabriqués par des sujets biaisés, mais passons...).
Dernière modification par Naviss (07 Novembre 2018 11:59:41)