[Suivi lecture] Errant

 
  • Grominou

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    #661 20 Novembre 2023 03:47:51

    Contente que tu aies aimé Clara...!  Une jolie découverte pour moi aussi!
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #662 26 Novembre 2023 13:59:04

    Le chat qui voyait rouge de Lilian Jackson Braun

    Qwilleran est nommé critique culinaire alors qu'il débute une diète imposée par son médecin; on voit venir le coté comique, habilement exploité lors de ses nombreuses assignations. D'autre part, après avoir retrouvé par hasard un amour de jeunesse, celle-ci disparait mystérieusement; voici le coté intrigue policière. Ajoutons à cela Koko et Yom-Yom, les deux chats siamois, plus en forme que jamais, ainsi que le milieu de travail relax du héros, et vous avez là tous les ingrédients pour faire un bon opus de cette sympathique série. La recette a fonctionné, nous avons là un petit roman drôle, à l'intrigue principale assez bien imaginée, mettant en scène des personnages intrigants, bien rythmé.

    Le personnage central est agréable, son évolution au fil des tomes de la série intéressante à suivre. Son flair, combiné à son habileté à faire parler les gens, même ceux qui méfient des journalistes, lui permet d'enquêter dans la bonne direction, avec l'aide , bien sûr, du fameux Koko, dont les interventions provoquent le sourire et balisent clairement les intentions du livre. Dans cet épisode, l'auteure a situé l'action dans un genre de pension où réside des gens aux histoires reliées et dans le monde de la poterie, sujet sur lequel j'ai appris pas mal de choses. Bref je ne sais pas si le genre “policier feel good” existe comme genre littéraire, si oui, c'est l'étiquette que j'y collerais, sinon Lilian Jackson Braun l'a inventé !


    Cyrano de Bergerac de Edmond Rostand

    Ce classique des classiques manquait à ma culture; plus maintenant. Ai-je été séduit ? Partiellement conquis avec de légers bémols. De réputation, et par de vagues extraits, la tirade du nez ne m'était pas totalement inconnue; vrai qu'elle est admirable de verve, de subtilité et d'humour. Mais du coté des passages marquants, l'audace de Christian qui défie Cyrano, l'abnégation de celui-ci tout au long de la pièce et la sérénité de Roxane découvrant la supercherie m'ont encore plus impressionné. Peu habitué, en fait pas du tout, à lire des vers, le rythme se prend assez vite, d'autant plus que ceux-ci ne m'ont pas paru particulièrement complexes, bien que la technique suscite l'admiration.

    D'un autre coté, j'ai trouvé le début un peu brouillon. Les scènes de guerre détonnent de l'ensemble, même si elles permettent de mettre en valeur le courage et les qualités de meneur d'hommes de Cyrano ainsi que la perfidie de De Guiche. Reste que Rostand a créé là tout un personnage, quasi un super héros, autant au niveau de la grandiloquence que de la bravoure. Histoire d'amour, certes, mais aussi  de supercherie et de mesquinerie. La finale où De Guiche est récompensé, Roxane enfermée dans une tristesse sans nom et Cyrano dans la déche, m'a surpris sans entacher mon appréciation de cette œuvre qui m'a autant fait rigoler que réfléchir.



    Qimmik de Michel Jean

    L'auteur continue d'écrire des romans sur a vie traditionnelle des peuples autochtones du Québec et sur les méfaits du colonialisme. Ici il est question d'Inuit, ceux que nous appelions Esquimaux, et de l'abattage insensé par les forces de l'ordre de leurs chiens de traineau, indispensables à leur mode de vie ancestral qui suppose de longs déplacements dans une nature férocement hostile. Le premier aspect m'a comblé. Le quotidien de ce peuple est rendu avec simplicité, respect; c'est à la fois instructif et enchanteur. Les forces de la nature, la résilience des Inuits, l'immensité des paysages, la fragilité de l'homme, les liens indicibles entre l'inuit et sa meute, sont autant de thèmes sobrement évoqués par une écriture dépouillée, précise, tellement parlante.

    Par contre, l'autre aspect du roman est inutilement chargé; le fait d'abattre massivement ces chiens est en soi un acte cruel, barbare, injustifié et injustifiable; il comporte une telle dose d'horreur qu'il est inutile, et contre productif, de trop en mettre. Ainsi je ne suis pas certain que  les policiers en charge de ce carnage l'ait fait “en riant” ni qu'ils aient libéré les chiens d'un enclos pour pouvoir prétendre qu'ils se promenaient en liberté. Toutes les relations entre Blancs et Inuits sont teintées d'un manichéisme qui m'a dérangé, même si je ne nie d'aucune façon ce drame historique avoué par les deux paliers de gouvernements. En somme j'ai bien aimé cette lecture qui illustre bien la vie antérieure de ce peuple du Nord et les impacts négatifs de sa sédentarisation, malgré un léger bémol sur la façon dont les abus du colonialisme y sont relatés.
  • Grominou

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    #663 26 Novembre 2023 18:01:56

    Oh tu as aimé Cyrano, comme je suis contente, ça fait ma journée! :lol: Tu as raison sur le début qui est inutilement long.  D'ailleurs les deux fois où j'ai vu la pièce au théâtre, le début était raccourci, ne serait-ce que pour diminuer le nombre d'acteurs nécessaires (incluant un enfant!).  Mais sinon cette pièce est juste parfaite.  Je l'ai lue en entier au moins 5-6 fois et je retourne souvent lire des passages.

    Le Chat qui... peut se classer je pense dans le sous-genre Cosy-Mystery.  Tu les lis dans l'ordre?  J'en ai lu un il y a longtemps, j'avais bien aimé mais je n'y pense jamais quand j'ai envie d'une lecture légère. 

    Le nouveau Michel Jean, je ne pense pas le lire, le sujet est vraiment trop dur pour moi.  D'ailleurs je n'ai toujours pas lu ses autres romans, je vais commencer par Kukum probablement.
  • Claire C

    Chercheur de mots

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    #664 26 Novembre 2023 19:06:19

    Je savais quelle serait la réaction de Grominou au sujet de Cyrano...
    Moi aussi je suis contente que tu aies apprécié ce beau classique Errant !
  • Grominou

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    #665 26 Novembre 2023 19:09:10

    Hihi Claire on commence à bien se connaître! :-)
  • Claire C

    Chercheur de mots

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    #666 26 Novembre 2023 19:12:29

    Et oui ;) (et c'est un plaisir pour moi d'ailleurs !), du coup je t'ai laissé la primeur de la réaction sur Cyrano !
    Et merci Errant pour tes commentaires, toujours très joliment écrits !
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #667 30 Novembre 2023 19:02:41

    Marcel Proust: croquis d'une épopée de Jean-Yves Tadié

    Ce livre s'abreuve à l'ensemble de la production de Proust, donc incluant correspondances et autres écrits que la Recherche. La première partie traite de thèmes tel que l'amitié, la mer, la peinture etc. La deuxième s'attache à ses relations avec ou à propos d'autres personnes ou auteurs: Baudelaire, Montaigne, une étrange voisine et autres. La troisième est consacrée à l'art du roman en s'attardant sur “Jean Santeuil” et “Un amour de Swann”.

    Étant néophyte, je ne peux absolument pas juger de la pertinence ou de la qualité de cet essai. Mais je l'ai trouvé intéressant à divers titres. D'abord il donne un aperçu de l'ampleur de l'oeuvre, de la diversité des thèmes abordés, de la galerie de personnages qu'on y rencontrera. Il fait aussi des liens entre les différents tomes de la Recherche et les personnages réels dont Proust aurait pu s'inspirer. J'ai particulièrement apprécié les renseignements sur Santeuil puisqu'il annonce d'une certaine façon la Recherche, de même que la section sur Swann que j'ai lu; captivant de confronter mes perceptions avec ce qui y est rapporté. Bref je me suis instruit, même si je reste convaincu que je suis passé à coté de plusieurs commentaires.



    La maison du chat-qui-pelote de Honoré de Balzac

    Une jeune fille de dix-huit ans, élevée dans un cadre strict par des parents commerçants prospères, peut-elle trouver le bonheur dans un mariage d'amour avec un peintre aristocrate ? Voici la trame du premier tome de la grande aventure que sera “La comédie humaine”. Cette nouvelle je l'ai bien aimé. D'abord parce qu'elle dépasse cette simple histoire d'amour, hasardeuse, pour aborder aussi les différences de classes, le fondement des relations de couple, la prise de risque et les aléas de la parentalité. Ensuite, le portrait que dresse l'auteur de cette famille de négociants est tellement évocateur; on sent la rigueur, la sévérité, la prison, involontaire peut-être, mais cage pareil. À l'inverse, les aspirations d'Augustine et les élans passionnels de Théodore s'affranchissent de toutes considérations pragmatiques. Cette dualité sera bien rendue par l'évolution des couples des deux sœurs. Vers la fin, la brève illustration des pièges du vieillissement est aussi concise que frappante. Finalement que dire des conseils pour le moins insolites que prodigue la duchesse de Carigliano; à la fois surprenant et rafraichissant dans le contexte plutôt sombre de l'histoire. Globalement, la vie doit-elle être un long fleuve tranquille ou une aventure rock and roll ? Après “Vendetta” c'est ma deuxième rencontre avec Balzac, et ce ne sera certainement pas la dernière !
  • Grominou

    Modératrice

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    #668 30 Novembre 2023 23:47:11

    Tu vas devenir un spécialiste de Proust!  Mais tu ne te fais pas trop divulgâcher les tomes suivants de La Recherche?
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #669 01 Décembre 2023 07:57:10

    Peut-être oui, mais vraiment pour la Recherche l'histoire en soi me parait un peu secondaire. Savoir maintenant que Charlus aura éventuellement une relation orageuse avec (? Morel je crois) m'ôtera-y-il vraiment le plaisir de le lire quand je serai rendu là ?

    Par contre ces livres attirent mon attention sur des éléments que j'aurais peut-être pas perçu tellement c'est dense et cette lecture requiert de la concentration. De plus ces livres parlent beaucoup de l'époque, de la vie de Proust, de ses relations, donc des peintres, des musiciens et autres écrivains; je trouve tout ce monde fascinant.
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #670 07 Décembre 2023 16:40:55

    La bête humaine de Émile Zola

    Rarement un titre reflète aussi justement le contenu du roman. Quels emportements de tout un chacun dans cet univers ferroviaire où les passions entrainent rancunes, confrontations, meurtres et même un suicide ! J'ai été subjugué par le flot continuel de rancoeur, d'envie, de mesquinerie; aucun personnage n'a de comportement un tant soit peu tempéré, conciliant, raisonnable. D'une situation à l'autre, tout n'est qu'un maelstrom d'élans intempestifs, de gestes impulsifs quand ce n'est pas des plans machiavéliques savamment ourdis. Est-ce à dire que Zola tombe dans une surenchère lassante par son accumulation ? Pas du tout, j'ai lu cet opus avidement, presque figé par ce déferlement ininterrompu de coups, de coups de gueule et de coups de couteau.

    Les femmes n'ont pas de beaux rôles dans cette aventure. Séverine passe de manipulée à manipulatrice, Philomène constamment battue par son frère, Flore coupable au cube d'une infamie, Phasie victime de son scélérat de mari, madame Lebeu en reine d'écornifleuse, c'est à croire que naître femme condamne à la victimisation. D'un autre coté les personnages masculins ne sont mieux. La lente déchéance de Roubaud, l'obsession de Misart, le dévergondage de Pecqueux, la fourberie de Camy-Lamotte, autant de déplorables destins. Et cela s'étend même aux personages secondaires. Il n'y a que Cabuche, innocent, gauche,
    qui subit plus qu'il n'agit. Et que dire du fils de Gervaise, prisonnier de sa féroce maladie dont il croit se défaire . . .

    Quels moteurs derrière de tous ces débordements ? L'amour vient en tête, mais il s'agit plutôt de jalousie, de possession, de domination, de destruction. L'argent, bien sûr, que ce soit le petit pécule de Phasie, les francs maudits dérobés au président, les sommes perdues au jeu ou encore les héritages en vue. L'envie, méprisable comme dans la course au meilleur logement, chimérique comme le rêve de la fortune en Amérique. Sommes-nous vraiment condamnés à être contrôlés par nos bas instincts ? C'est la question qui se pose via cet imposant opus des Rougon-Macquart. Un grand roman.



    Douze arpents de Marie-Hélène Sarrasin

    Pour respecter les exigences d'un héritage, une jeune mère de famille monoparentale doit s'établir en campagne et exploiter un grand jardin. La voici donc transplantée à St-Didace où elle se découvrira peu à peu une vocation d'herboriste, aidée en cela par sa voisine de cent-quarante-six ans qui a littéralement pris racine dans son potager . . . Le ton est donné, on tombe dans le réalisme magique, la première dimension l'emportant sur la deuxième. Tout au long, on suit deux histoires dans le même village. D'un part l'arrivée et l'intégration de Marine, et éventuellement, sa lutte contre un promoteur immobilier qui veut lotir une partie de la forêt pour y construire un quartier résidentiel. D'autre part, la disparition mystérieuse, quatre-vingt ans auparavant, du maire du village qui magouillait pour qu'un chemin de fer passe à St-Didace afin de s'enrichir au dépens des intérêts de ses concitoyens.

    On se promène allègrement entre ces deux récits qui, évidemment, finiront par se rejoindre. Le tout est assez court, trop peut-être car les personnages principaux ne sont pas assez développés à mon goût, se lit bien et aborde un sujet d'actualité soit la protection de la nature versus le développement immobilier. Globalement j'ai aimé cette histoire de retour à la terre, un peu granola, entrecroisé d'un mystère ancien bien entretenu. La chute, inattendue, malgré son coté fleur bleue, fait quand même réfléchir au choc des cultures et au potentiel du dialogue et de l'empathie. Mais compte tenu de l'importance des thèmes abordés, j'aurais souhaité que l'auteure, dont c'est le premier roman, étoffe davantage son récit. D'autant plus qu'elle la plume pour le faire aisément.



    Les fous de Bassan de Anne Hébert

    Curieux village que celui de Griffin Creek où la luminosité des deux adolescentes, Olivia et Nora, contraste avec la perversité du pasteur, l'autorité abusive des frères et père d'Olivia, la concupiscence de Stevens et la curieuse folie de Perceval. Personne ne collabore vraiment avec les policiers après la disparition des filles car “Celui qui nous trahira nous fera tous basculer dans le déshonneur”. Pourtant, dans un sens, beaucoup y sont déjà du fait de leurs comportements abjects.

    Ce roman choral est envoûtant par les différentes perspectives présentées, par les non-dits, les allusions aguichantes, l'atmosphère trouble qui baigne ce coin perdu. À l'opposé, il y a cette nature, cette mer, magnifiquement évoquées, facteurs de force tranquille et de sérénité qui n'ont rien à cirer des déboires de l'homme. Anne Hébert pratique déjà le “nature writing” de la mode actuelle. Ce livre m'a fait songer à “Bondrée” de Andrée A. Michaud, pourtant écrit trente deux ans plus tard: même drame de fond, environnements semblables, excellence de l'écriture. Les deux valent amplement le détour. Pour en revenir au “Fous”, j'ai adoré ma visite dans ce village hermétique, découvert une autrice majeure et apprécié grandement cette chute qui nous rappelle trop les temps modernes.