#692 13 Janvier 2024 13:28:51
@ My et Grominou Je crois que Mrs Dolloway est vraiment du même acabit. Par contre Orlando est peut-être un peu différent. La semaine prochaine je m'informerai au club de lecture, il y a là une admiratrice de Woolf qui se fera un plaisir de m'éclairer en long et en large !
Queen Lucia de E.F. Benson
Le ridicule ne tue pas et le personnage de Lucia le prouve bien. Auto proclamée reine du bon goût du petit village de Riseholme, cette mégère tient mordicus à toujours occuper le premier plan, à se considérer au-dessus des autres villageois en tout alors que dans les faits elle n’est qu’apparence, de mauvaise foi et d’un narcissisme abyssal.Son attitude royale suscite à la longue envie, jalousie et rancœur, ce qui animera cancans, complots et autres stratégies revanchardes. J’ai souri à chaque défaite de cette prétentieuse invétérée, été choqué à chaque mesquinerie de sa part et ravi par l’inventivité de l’auteur. Les personnages sont hauts en couleur, le récit bien rythmé, les situations cocasses abondent, les coups bas pleuvent; une bonne comédie à l’anglaise!
La maison verte de Martine Desjardins
Séraphin Poudrier, figure de proue de l’avarice et de la cupidité, peut bien aller se rhabiller. À côté de la famille Delorme, il est relégué au statut de piètre amateur. Car, pour ce clan, l’argent est une religion avec ses dogmes, ses rituels et même ses prières. La grande prêtresse en est Estelle Delorme, belle-fille de Prosper, le fondateur, dont l’intransigeance règle chaque geste de cette secte familiale. Tous les membres sont écrasés sous la botte despotique de cette mégère, sauf Vincent, son fils unique qui osera confronter la folie familiale. Et, bien sûr, les agissements criminels de la tribu engendreront des désirs de vengeance . . .
L’auteure nous entraîne dans un monde délirant où chaque nouveau geste d’économie, de rognage sur l’essentiel, de négation du bon sens le plus élémentaire, suscite étonnement, déni et dégoût. Ici c’est l’argent pour l’argent, la thésaurisation comme obsession, l’idée de la dépense comme péché impardonnable, un culte exclusif, démesuré, aliénant. La petite intrigue en filigrane n’a presque pas d’importance tellement l’univers dément dans laquelle elle se déroule a déjà monopolisé toute notre attention, rempli notre soif de découvertes et fourni son lot d’étonnements au-delà de toutes attentes. Une sorte de folie est poussée dans son extrême limite dans ce roman, et j’en redemande.
Elric à la fin des temps de Michael Moorcock
Des fois, dans une saga, on se demande si un tome était vraiment utile; c’est le cas ici. Navigant entre fantasy et science-fiction, ce très court roman voit notre héros catapulté dans une dimension temporelle lors d’un combat contre un puissant sorcier. Il peine à réintégrer son univers, aidé en cela par une vague organisation régulatrice, croyant, à tort, qu’il est devenu le jouet des princes du Chaos alors qu’il n’en est rien. Pourtant il échouera, victime d’un sort, dans cet univers d”où on ne s’échappe qu’avec l’autorisation de ces semi-dieux et devra prouver aux Seigneurs du Chaos qu’il est de taille à relever leur défi. Cette épopée se lit bien, n’est pas ennuyeuse, mais n’apporte pas grand-chose à la quête d’Elric. Les univers décrits sont à la hauteur du reste de la saga, l’action ne manque pas, les surprises sont au rendez-vous, mais , justement, il n’y a que cela. Où sont les questionnements existentiels qui sont le fonds de commerce de cette série? Qu’en est-il des états d’âme du prince de Malniboné ? À suivre quand même.
La détective de Noel de Anne Perry
La série «Petits crimes de Noël» met en scène des personnages présents dans les autres séries de l’auteure, ou reliés de près ou de loin à ceux-ci. Il y a une vingtaine de ces romans, généralement courts, plutôt légers, qui n’ont pas de liens entre eux. Dans celui-ci, une grand-mère de mauvais poil est parquée malgré elle chez son ex-belle-fille pendant un voyage des gens qui l’héberge habituellement. Elle y rencontrera, pendant une journée, une femme qui revient d’un exil de quarante ans et meure la nuit même dans son lit. Sur le coup d’une intuition, la mémé soupçonne un crime et s’improvise enquêtrice.
Cet opus m’a déçu. La transformation d’une vieille chialeuse en vaillante justicière n’est pas crédible pour deux sous. On voit la solution de l’intrigue dès son énoncé. Comment croire que deux personnes, dont les valeurs et les expériences sont aux antipodes, puissent nouer en une seule journée des liens d’amitié tellement forts qu’ils déclenchent une fidélité éternelle? Sur le fond je ne crois pas non plus, qu’au nom d’une espèce de justice universelle et d’un vague devoir d’honorer une mémoire, on doive à tout prix, car il y aura d’énormes conséquences néfastes, déterre une histoire vieille de quarante ans avec laquelle toute une famille a appris à composer depuis. Bref je ne reconnais pas ici l’auteure de la série Monk que j’aime tant ni celle qui nous a déjà pondu les deux petits crimes précédents, tellement meilleurs.