[Suivi lecture] Errant

 
  • Grominou

    Modératrice

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    #691 06 Janvier 2024 22:52:59

    Sans vraiment m'ennuyer comme My, j'ai eu beaucoup de difficulté avec Mrs Dalloway, pour des raisons assez semblables à ce que tu décris, et même s'il y avait de fort beaux passages...  Du coup, ça me fait hésiter puisque je pensais donner une 2e chance à Woolf avec cette Promenade au phare...:S
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #692 13 Janvier 2024 13:28:51

    @ My et Grominou  Je crois que Mrs Dolloway est vraiment du même acabit. Par contre Orlando est peut-être un peu différent. La semaine prochaine je m'informerai au club de lecture, il y a là une admiratrice de Woolf qui se fera un plaisir de m'éclairer en long et en large !


    Queen Lucia de E.F. Benson

    Le ridicule ne tue pas et le personnage de Lucia le prouve bien. Auto proclamée reine du bon goût du petit village de Riseholme, cette mégère tient mordicus à toujours occuper le premier plan, à se considérer au-dessus des autres villageois en tout alors que dans les faits elle n’est qu’apparence, de mauvaise foi et d’un narcissisme abyssal.Son attitude royale suscite à la longue envie, jalousie et rancœur, ce qui animera cancans, complots et autres stratégies revanchardes. J’ai souri à chaque défaite de cette prétentieuse invétérée, été choqué à chaque mesquinerie de sa part et ravi par l’inventivité de l’auteur. Les personnages sont hauts en couleur, le récit bien rythmé, les situations cocasses abondent, les coups bas pleuvent; une bonne comédie à l’anglaise!


    La maison verte de Martine Desjardins

    Séraphin Poudrier, figure de proue de l’avarice et de la cupidité, peut bien aller se rhabiller. À côté de la famille Delorme, il est relégué au statut de piètre amateur. Car, pour ce clan, l’argent est une religion avec ses dogmes, ses rituels et même ses prières. La grande prêtresse en est Estelle Delorme, belle-fille de Prosper, le fondateur, dont l’intransigeance règle chaque geste de cette secte familiale. Tous les membres sont écrasés sous la botte despotique de cette mégère, sauf Vincent, son fils unique qui osera confronter la folie familiale. Et, bien sûr, les agissements criminels de la tribu engendreront des désirs de vengeance . . .

    L’auteure nous entraîne dans un monde délirant où chaque nouveau geste d’économie, de rognage sur l’essentiel, de négation du bon sens le plus élémentaire, suscite étonnement, déni et dégoût. Ici c’est l’argent pour l’argent, la thésaurisation comme obsession, l’idée de la dépense comme péché impardonnable, un culte exclusif, démesuré, aliénant. La petite intrigue en filigrane n’a presque pas d’importance tellement l’univers dément dans laquelle elle se déroule a déjà monopolisé toute notre attention, rempli notre soif de découvertes et fourni son lot d’étonnements au-delà de toutes attentes. Une sorte de folie est poussée dans son extrême limite dans ce roman, et j’en redemande.


    Elric à la fin des temps de Michael Moorcock

    Des fois, dans une saga, on se demande si un tome était vraiment utile; c’est le cas ici. Navigant entre fantasy et science-fiction, ce très court roman voit notre héros catapulté dans une dimension temporelle lors d’un combat contre un puissant sorcier. Il peine à réintégrer son univers, aidé en cela par une vague organisation régulatrice, croyant, à tort, qu’il est devenu le jouet des princes du Chaos alors qu’il n’en est rien. Pourtant il  échouera, victime d’un sort, dans cet univers d”où on ne s’échappe qu’avec l’autorisation de ces semi-dieux et devra prouver aux Seigneurs du Chaos qu’il est de taille à relever leur défi. Cette épopée se lit bien, n’est pas ennuyeuse, mais n’apporte pas grand-chose à la quête d’Elric. Les univers décrits sont à la hauteur du reste de la saga, l’action ne manque pas, les surprises sont au rendez-vous, mais , justement, il n’y a que cela. Où sont les questionnements existentiels qui sont le fonds de commerce de cette série? Qu’en est-il des états d’âme du prince de Malniboné ? À suivre quand même.


    La détective de Noel de Anne Perry

    La série «Petits crimes de Noël» met en scène des personnages présents dans les autres séries de l’auteure, ou reliés de près ou de loin à ceux-ci. Il y a une vingtaine de ces romans, généralement courts, plutôt légers, qui n’ont pas de liens entre eux. Dans celui-ci, une grand-mère de mauvais poil est parquée malgré elle chez son ex-belle-fille pendant un voyage des gens qui l’héberge habituellement. Elle y rencontrera, pendant une journée, une femme qui revient d’un exil de quarante ans et meure la nuit même dans son lit. Sur le coup d’une intuition, la mémé soupçonne un crime et s’improvise enquêtrice.

    Cet opus m’a déçu. La transformation d’une vieille chialeuse en vaillante justicière n’est pas crédible pour deux sous. On voit la solution de l’intrigue dès son énoncé. Comment croire que deux personnes, dont les valeurs et les expériences sont aux antipodes, puissent nouer en une seule journée des liens d’amitié tellement forts qu’ils déclenchent une fidélité éternelle? Sur le fond je ne crois pas non plus, qu’au nom d’une espèce de justice universelle et d’un vague devoir d’honorer une mémoire, on doive à tout prix, car il y aura d’énormes conséquences néfastes, déterre une histoire vieille de quarante ans avec laquelle toute une famille a appris à composer depuis. Bref je ne reconnais pas ici l’auteure de la série Monk que j’aime tant ni celle qui nous a déjà pondu les deux petits crimes précédents, tellement meilleurs.
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

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    #693 13 Janvier 2024 14:03:15

    Les romans "de Noël" d'Anne Perry sont souvent les plus critiqués (dans le sens avis négatifs) de l'autrice. J'en ai un dans ma PAL mais je repousse sans cesse à cause de cela et ce n'est pas ton avis qui va m'inciter à me jeter dessus =D
  • Grominou

    Modératrice

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    #694 14 Janvier 2024 00:57:51

    La maison verte m'avait bien plu, très original.  J'avais juste trouvé les personnages un peu caricaturaux.  Son récent roman Méduse reçoit de bonnes critiques, je l'ai mis en WL.
  • isallysun

    Cauchemar des auteurs

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    #695 14 Janvier 2024 15:12:48

    On dirait presque que Séraphin est un dieu en comparaison de ton commentaire!
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #696 15 Janvier 2024 17:49:06

    Le chef-d'oeuvre inconnu de Honoré de Balzac

    Ce court roman fait partie des études philosophiques de l’immense chantier de la Comédie humaine. Un peintre débutant y rencontre un collègue établi et un maître qui travaille depuis dix à un tableau qui sera l’apogée de sa carrière. On parle beaucoup de technique du portrait dans ce livre, mais, bien que je n’y connaisse strictement rien, ce n’est pas vraiment agaçant, d’abord parce que s’y cache une conception de l’art assez intéressante: “La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer” comme dit le maître. Ensuite et surtout, la fougue avec laquelle Frenhofer énonce sa vision, la passion qu’il y met,  les élans quasi mystiques qui l’emportent sont un délice en soi. Le conte n’est pas inoffensif non plus; le conflit de Nicolas entre son amour pour Gillette et celui pour son art fait réfléchir, de même que la fin abrupte questionne la relation entre ambition démesurée et folie. Bref, une courte, mais enrichissante lecture.
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

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    #697 15 Janvier 2024 20:35:23

    C'est un de mes meilleurs souvenirs de Balzac.
  • Grominou

    Modératrice

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    #698 16 Janvier 2024 02:47:15

    Je l'ai lu il y a plus de trente ans mais j'en garde un bon souvenir, quoique flou (et je le mélange aussi avec L'Oeuvre de Zola...:ohlecon:)
  • Anouchka

    Enfileur de mots

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    #699 16 Janvier 2024 07:59:42

    Je l'ai lu il y a environ dix ans. Ce n'est pas mon préféré de Balzac, mais j'en garde un très bon souvenir.
    Bonnes lectures!
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #700 20 Janvier 2024 22:54:13

    Kentucky Straight de Cris Offut

    Ce recueil de nouvelles est un ramassis de petites scènes de la vie quotidienne dans un endroit reculé, géographiquement, mais aussi mentalement oserais-je dire. Car élever les enfants ne semble pas bien important dans ce coin des États-Unis, la vie n’a pas grande valeur non plus, que ce soit celle des animaux ou celle des humains. Tout est rude, sans concessions, la violence fait partie du quotidien, toujours prête à surgir de l’ombre; elle n’est jamais très très loin et s’enflamme rapidement. La fatalité règne, l’ambiance ne saurait être plus malsaine, les gens survivent, au mieux . . .

    Prises isolément, chaque nouvelle est intrigante, va droit au but, sa termine par une chute brutale. La répétition confère une aura déprimante, dépeint un milieu sans perspective, sauf la fuite que préfère le joueur de billard du dernier texte. Bref ça pue la vieille sueur, le positif brille par son absence, la résignation semble un moindre mal et on ne souhaite à personne de vivre dans ces parages. L’auteur réussit très bien à imager cette région; dommage qu’elle soit sombre au point où on préférerait ne pas en connaître l’existence.



    À l'ombre des jeunes filles en fleur de Marcel Proust

    Influençable et indécis, tel m’apparaît ce narrateur adolescent que l’on retrouve dans la première partie de ce tome. Que ce soit son appréciation des écrits de Bergotte ou sur la déception qu’il ait éprouvée en regardant la prestation de la Berma dans Phèdre, ses opinions changent passablement suite aux remarques que lui font son père, Norpois ou Bergotte lui-même. Quant à ses atermoiements, qui s’étirent dangereusement, face à Gilberte, on ne peut qu’en déduire que le jeune est encore au stade d’apprentissages et de découvertes. En même temps commencent à émerger ici des considérations et théories sur l’art et l’amour. Même si cette partie ne m’a pas complètement convaincu, j’y ai quand même trouvé plus d’intérêt que dans tout le premier tome de cette recherche.

    Par contre le séjour à Balbec m’a beaucoup plu. Arrive une flopée de personnages qui auront une place importante pour la suite des choses : St-Loup, Charlus, Elstir, les jeunes filles, dont, bien sûr, Albertine elle-même. Le narrateur, confronté à de nouvelles expériences, y réfléchit beaucoup et longuement, en dégage des leçons et en tire des théories, en autres sur l’amour et l’amitié. Les itérations entre le côté social et les moments d’introspection équilibrent bien le texte. Au fil des pages, on se fait aussi de plus en plus à cette écriture si déroutante au départ de cette œuvre. La personnalité du narrateur se forge graduellement, mais on sent encore beaucoup de tâtonnements quant aux attitudes à adopter, de variations entre ses différents états d’âme et de confusion sur ses goûts, que ce soit en matière d’art ou de jeunes filles. Certains passages, notamment dans la description des jeunes filles, m’ont ébloui, d’autres m’ont grandement fait réfléchir et la plupart m’ont demandé un effort de lecture certain. Mais, l’écriture atypique, les élans philosophiques et les appréciations esthétiques valent amplement l’espèce d’acharnement que j’y investis. Guermantes pour bientôt.