#753 12 Mai 2024 20:46:10
La prisonnière de Marcel Proust
Je trouve le titre de ce tome trompeur, car, bien plus qu’Albertine, je crois que c’est plutôt le narrateur qui est le réel prisonnier de cet épisode. Enfermé dans sa jalousie maladive, dont les causes peuvent être imaginaires (le saurons-nous un jour?), cloîtré dans sa chambre par peur de sortir avec sa belle, tiraillé par l’alternance de ses sentiments, obsédé par une rupture éventuelle qui ne serait pas de son fait, il me semble pris dans un joyeux carcan. Alors qu’Albertine, elle, sort à gauche et à droite avec Andrée, se fait conduire par un chauffeur louche qui alimente les craintes du narrateur, pige à satiété dans la bibliothèque de son geôlier, se fait offrir moult cadeaux, des robes à profusion, bref vit une vie princière en échange de bien peu : des conversations occasionnelles avec le narrateur, un peu de batifolage nocturne et subir, à peine, la mauvaise humeur de Françoise. Une prison, si c’en est bien une, plutôt dorée. . .
Quant au reste, comme toujours, il y a des passages qui m’ont transporté, ébloui, celui où il décrit son écoute de la pièce d’Auteuil chez les Verdurin notamment, mais aussi toutes ces réflexions sur l’amour, la souffrance et la jalousie, thèmes récurrents du livre. La scène du désarroi de Charlus suite aux intrigues des Verdurin m’a aussi particulièrement touché. Par contre, j’ai été étonné du nombre d’incohérences, des personnages morts qui reviennent quelques pages plus loin, Françoise qui devient Céleste Albaret, etc. Surpris aussi lorsqu’il s’adresse directement au lecteur, ce qui nous sort, brièvement, mais drastiquement, du fil de la narration. Au total un tome que j’ai bien aimé et qui incite à se plonger sans trop attendre dans la suite des choses.