[Suivi lecture] Errant

 
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    #791 18 Août 2024 20:23:00

    Jeeves en coulisse de P.G. Wodehouse

    Un aristocrate, genre éternel parasite, apprend par le journal qu’il va bientôt se marier avec une ex flamme qui a le don de provoquer des incidents à répétition. Évidemment c’est une tactique de ladite ex pour préparer sa propre mère à pire encore. S’ensuivra une cascade d’imbroglios, de chassé-croisé amoureux, de fausses délations, d’espionnage psychiatrique et tutti quanti. Tout cela dans un presque huis clos à la résidence d’été de la riche, mais sévère tante Dahlia.

    Dans cet épisode, l’ineffable Jeeves, le majordome aux multiples talents, apparaît très peu, laissant le pauvre Bertram Wooster se dépatouiller avec les projets maritaux de tout un chacun. Un peu plus vaudeville que les autres opus, ce bouquin conserve le caractère de douce démence propre à cette série. J’ai franchement ri aux manigances de l’un et de l’autre, admiré le flegme des protagonistes et fréquemment été charmé par des répliques aussi suaves que bien senties. Quoi de mieux que d’un peu d’humour british par ces temps de canicule !



    La grande poursuite de Tom Sharpe

    L’auteur anglais d’un best-seller tient à demeurer anonyme. Mais lorsque l’éditeur américain, prêt à dépenser largement, exige une tournée de promotion, l’histoire se complique. On entre alors dans un salmigondis de mises en scène, de tordage de bras, de scrupules d’écrivains, de menaces de poursuites. Une situation cocasse n’attend pas l’autre, les émotions des protagonistes sont en montagnes russes, on se bouscule, on s’attendrit, les passions se déchaînent, bref on ne s’ennuie pas!

    J’ai aimé cet univers de l’envers du décor de la littérature, le travail des agents littéraires et des éditeurs, les tractations commerciales, les tourments des écrivains. J’ai ri aux éclats lorsque l’auteur se paie la traite aux dépens des Américains, de leurs méthodes tapageuses de publicité, leur justice à la va-vite, leur obsession pour le fric. Les personnages féminins tiennent une grande place et font allègrement valser leurs collègues. Tout est exagéré dans ce livre et on en redemande tellement ces limites sont jouissives. Un livre pleinement satisfaisant pour qui veut s’évader du morne quotidien.
  • Grominou

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    #792 18 Août 2024 20:38:21

    Wodehouse et Sharpe, deux auteurs que je veux découvrir, mais la VO n'est pas dispo à ma bibliothèque!
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    #793 21 Août 2024 11:56:12

    Angéline Montbrun de Laure Conan

    Ce roman a une valeur historique puisque c’est un des premiers écrits québécois et par une autrice en plus. Mais son intérêt ne réside pas qu’en cela, j’y ai trouvé une valeur intrinsèque malgré les contraintes, énormes, de l’époque. Car l’histoire de la belle et naïve Angéline cerne bien le cadre plutôt restreint auquel étaient confinées les femmes en ces temps. Très près de son père, trop sans doute, la relation semble fusionnelle, Angéline est courtisée avec succès par un futur avocat. Mais le destin ne permettra pas aux tourtereaux de convoler, au contraire.

    Je ne suis pas fan des romans épistolaires, mais celui-ci m’a plu, le rythme des échanges est soutenu, la diversité des correspondants permet d’imaginer le contexte de l’époque, leurs propos sont pertinents et on réussit à percevoir l’évolution des personnages face aux drames de la vie. Bien que l’histoire de Laure Conan ait des similarités avec celle d’Angéline (fiançailles de longue date rompues, proximité des congrégations religieuses) je me suis demandé en cours de lecture si l’abondance des bondieuseries était vraiment un choix complètement libre de l’écrivaine, un simple reflet de l’époque ou une concession à la censure de ces temps. Car on sent qu’elle aime son personnage, lui prête des qualités qui auraient pu lui permettre d’autres choix… Reste que j’ai aimé ce texte autant pour son propos que pour sa forme.



    Noir deux tons de Sébastien Gagnon et Michel Lemieux

    Parfois on tombe sur un livre auquel on n’accroche pas du tout; celui-ci en est un. D’abord les deux personnages principaux, genre brutes qui avancent dans la vie à coup d’intimidation, m’ont été carrément antipathiques. Ils m’ont semblé être les artisans de leurs propres vies plus ou moins pitoyables.. ICe livre est par ailleurs bourré de stéréotypes notamment sur les banlieues, le golf, les patrons, les femmes. Sur ces dernières, on se croit revenus à l’époque des «Deux femmes en or»... L’écriture tombe souvent à plat, par exemple : «l’odeur de merde lui colle à la peau comme celle de la pisse de moufette dans le poil d’un cabot». Cerise sur le gâteau, la fin, terriblement fleur bleue, détonne tellement radicalement avec tout le reste qu’elle ne semble juste pas plausible.  Bref, ça ne vole pas haut ni côté propos ni côté écriture. Vous avez compris que je ne le recommande pas.
  • Errant

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    #794 27 Août 2024 11:48:14

    L'île des chasseurs d'oiseaux de Peter May

    Policier à Édimbourg, Fin Macleod est envoyé sur son île natale puisqu’un meurtre qui a le même modus operandi qu’un crime sur lequel il enquête déjà vient d’y être commis. Sans surprise, ce retour au bercail lui fera revivre des souvenirs et découvrir l’évolution des vieilles connaissances. Les chapitres alternant entre l’enquête actuelle et le passé de Fin sur l’île, on découvre que ces deux aspects sont intimement liés, indissociables même. D’une certaine façon, on peut même dire que l’enquête passe au second plan tellement l’histoire de Fin est en soi intéressante.

    J’ai aimé ce livre malgré sa noirceur omniprésente. Car personne sur ce bout de pays ne semble heureux, les drames abondent, la tension règne partout, les non-dits pullulent. Le personnage de Fin est encore pire; triste à mourir de la mort récente de son fils, réalisant la vacuité de son mariage, insatisfait de son métier de flic, rongé par une sourde culpabilité. Reste que c’est bien construit, que les personnages, même secondaires, sont habilement dépeints et que l’auteur sait capter l’attention et soutenir l’intérêt. Ce livre est le début d’une trilogie qui lui est consacrée. Je lirai sans doute le prochain tome, mais j’attendrai d’être dans une phase joyeuse, car ce n’est définitivement pas le genre de lecture qui remonte le moral!


    La culbute de James Hadley Chase

    Cet auteur m’a habitué à des polars plutôt rigolos, sans grandes prétentions ni sur le fond ni sur la forme, un peu genre cigarettes, whisky et belles pépées. Hé bien ici, nous sommes ailleurs. L’introduction annonce du convenu; une belle inconnue s’intéresse à un déserteur qui peine à survivre, on voit une manigance se dessiner, question de gros sous et d’héritage. Mais rien ne passe comme on a imaginé, la tension monte, les évènements se bousculent pour en arriver à un dénouement aussi suave qu’inoubliable. Chase nous prouve ici qu’il est capable, et de loin, de faire mieux que ses romans de gare habituels. C’est noir, bien rythmé, solidement charpenté et, surtout, d’une cruelle ironie. De quoi continuer d’explorer sa production afin de déterrer de telles pépites dans le genre.
  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #795 04 Septembre 2024 19:02:27

    J'avais aussi beaucoup aimé L'Île des chasseurs d'oiseaux, il faudrait que je lise les titres suivants mais je suis d'accord avec toi, il vaut mieux avoir le moral avant de se lancer.
  • Errant

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    #796 04 Septembre 2024 22:52:45

    Peuple de verre de Catherine Leroux

    À partir d’une hypothèse sur la réponse gouvernementale à la crise du logement, l’autrice construit un roman qui aborde aussi d’autres questions aussi pertinentes que d’actualité. La fiabilité des médias traditionnels, l’exploitation par le secteur privé des gens «inlogés», la généralisation des mensonges autant étatiques, professionnels que personnels, et la solidarité féminine en sont les principales. Cela confère un cachet universel au livre qui se situe à la base dans le contexte québécois.

    Ce livre m’a frappé à divers titres. D’abord on y décortique très bien la mécanique qui fait en sorte que de nombreuses personnes peuvent se retrouver à la rue sans qu’elles en soient responsables le moins du monde. Quelles sont les réponses adéquates à cette crise du logement? L’autrice ne se risque pas à y répondre sinon que par l’illustration de ce qui ne devrait pas être fait. Malgré un sujet à la base aride, il n’y a pas de temps morts, l’histoire est d’une grande humanité, fait place à une belle complicité entre des personnages, très majoritairement féminins. L’écriture est juste, admirable par moments. L’insertion d’un chapitre autobiographique étonne de prime abord, mais éclaire tellement l’œuvre qu’il devient complètement à sa place. Bref, un livre fascinant à lire et qui fait réfléchir à coup sûr.


    Les larmes de saint Laurent de Dominique Fortier

    J’aime cette autrice, mais, ce coup-ci, elle ne m’a pas convaincu du tout. L’écriture est superbe et annonce par moments d’autres œuvres marquantes à venir, celle-ci datant de ses débuts. Là où le bât blesse, c’est que, des trois histoires qui composent le livre et s’entrecroisent un tantinet, seule la première m’a intéressé un peu, encore que la partie consacrée au cirque m’a paru convenue. Quant à la deuxième, les éléments scientifiques m’ont laissé de marbre et la troisième m’a semblé tirée par les cheveux. Moi qui adore les chiens, je n’ai même pas embarqué dans l’histoire de Damoclès et ses compagnons.

    Les belles descriptions de lieux, notamment ceux de Montréal, n’ont pu réchapper le fouillis de données scientifiques, de faits historiques et de l’improbable relation amour/amitié entre Rose et William. Par moments on se croirait devant un exercice de style plutôt que devant un roman abouti. Dommage, car Fortier m’avait charmé avec «Les villes de papier» et «Quand viendra l’aube». Ce qui fait que je continuerai certainement à la suivre malgré ce hiatus.
  • Grominou

    Administratrice

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    #797 04 Septembre 2024 23:27:46

    Dommage pour Les larmes de saint Laurent, je l'avais beaucoup aimé!  Peut-être que l'ordre de lecture par rapport à ses autres œuvres plus récentes y fait quelque chose?  Fait cocasse, je l'ai lu il y a dix ans presque jour pour jour!

    Je me note Peuple de verre, j'ai lu un autre roman de cette auteure que j'avais aimé mais je n'ai pas eu l'occasion de revenir à elle.  La crise du logement est un sujet qui me fait un peu flipper, je dois dire!
  • Errant

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    #798 07 Septembre 2024 16:04:16

    Dark Horse de Craig Johnson

    Le shérif Walt Longmire est allergique à l’injustice. Aussi, lorsqu’une supposée meurtrière lui est confiée pour deux semaines et qu’il s’aperçoit qu’il y a anguille sous roche dans ses aveux, il s’empressera de tenter de rétablir la vérité. Même si ce n’est pas son enquête, même si ce n’est pas sa juridiction, même s’il doit enquêter sous couvertures dans un patelin de quarante habitants. Beaucoup de persévérance, quelques heureux hasards, un peu d’aide de son pote Henri Standing Bear suffiront-ils à percer le mystère?
    Cet épisode est un grand cru de la série. D’abord, Johnson y décrit des espaces époustouflants avec une plume pleine de grâce, inspiré comme jamais. Ensuite, le spleen de Longmire, engoncé dans ses souvenirs et indécis quant à son avenir, contraste singulièrement avec l’impétuosité de son assistante Vic et le calme olympien de la Nation Cheyenne. L’intrigue est particulièrement bien ficelée et on se demande comment diable dénouera-t-il l’écheveau. La présence de chevaux, l’importance qu’ils prennent dans l’histoire, renforce le côté western, dans son sens noble, de ce roman policier. Pour cet étrange personnage, autant pour son sens du devoir que pour ses errements, pour la beauté des grands espaces, pour un casse-tête de premier ordre, ce livre vaut la peine.


    Porcelaine de Estelle Faye

    Étalée sur plusieurs siècles, cette histoire d’une troupe de comédiens itinérants en Chine mélange histoire d’amour, malédiction et magie. Portée par une plume légère et agile, cette histoire m’a semblé plutôt réussie. L'évolution des personnages à travers les âges, les hauts et les bas de la vie d’artistes ambulants à cette époque, l’apparition sporadique de démons, l’intensité d’une déception amoureuse qui se transforme en vengeance implacable, le contexte d’une civilisation dont on ne connaît que peu de choses, les pouvoirs magiques qui emprisonnent ou qui libèrent selon le cas, sont autant d’éléments qui m’ont surpris et ravi.

    Les deux personnages principaux ont des qualités marquantes. La tisseuse en particulier est non seulement hyper sympathique, mais aussi à la fois tenace et sereine devant l’adversité, pourtant Dieu sait qu’elle doit en affronter son lot. Quant à Xiao, malgré des sautes d’humeur et des égarements passagers, il démontre une fidélité qui l’honore autant envers sa douce, ses amis que la troupe dont il fait partie. Au final, cela donne un roman qui permet de réfléchir au passage du temps, à l’attrait de la facilité et au sens des valeurs tout en divertissant agréablement. J’ai aimé.
  • Mypianocanta

    Gardien du savoir

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    #799 07 Septembre 2024 16:32:22

    Je crois que c'est le seul roman adulte que je n'ai pas encore lu d'elle (enfin à part Widjigo que je ne veux pas lire parce qu'il fait peur), et ton avis donne bien envie :)
  • Errant

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    #800 12 Septembre 2024 13:29:37

    Gardez le sourire Jeeves de  P.G. Wodehouse

    Bertram Wooster, cet aristocrate aussi flemmard que vantard, doit se rendre chez un ex-magistrat qui le déteste, c’est bien réciproque, pour réconcilier un de ses amis avec sa fiancée. Car demander à son futur de devenir végétarien alors que c’est un gros mangeur de viande, c’est plutôt partir du mauvais pied pour le mariage. Évidemment, Bertie n’arrangera rien, au contraire, il provoquera plus de malentendus et de tensions là où il y avait déjà passablement. Jeeves sera efficace comme à l’habitude, mais devra puiser dans ses réserves d’audace et de ruses pour limiter les dégâts.

    Les situations sont loufoques, de nouveaux personnages ajoutent à la folie ambiante, Jeeves devient plus audacieux que jamais tout en conservant son flegme légendaire. À tous les défauts qu’on connaissait déjà à Wooster, on peut ajouter celui de pleutre tellement il rampe devant la plus insignifiante des menaces. Les explications qu’il donne à sa conduite lâche et erratique nourrissent l’image à la fois négative et pathétique qu’on a du personnage qu’on se plaît bizarrement par ailleurs à retrouver périodiquement. Il faut croire qu’on cherche à savoir jusqu’à quel point il peut se rendre ridicule ou bien dans quel genre d’embrouille Jeeves devra à nouveau le tirer. Quoiqu’il en soit, j’ai bien rigolé!


    Black Cherry Blues de James Lee Burke

    Dave Robicheaux se la coule douce avec son entreprise de pêche et reprend goût à la vie grâce à la petite fille qui vit maintenant avec lui. Mais voilà qu’en voulant aider une vieille connaissance, il met le pied sur un nid de frelons et quand les malfrats menacent de s’en prendre à sa fille il perd presque les pédales et riposte un fion trop fort. Confronté à une peine de prison conséquente, il devra se débattre au maximum pour éviter cette éventualité. Les revirements abondent, le suspense est constant, personne n’est complètement blanc ni complètement noir, la situation semble désespérée…

    C’est dans l’adversité qu’on reconnaît la valeur d’un homme, le dicton s’applique entièrement ici à Robicheaux. J’ai apprécié sa ténacité, son opiniâtreté, la fidélité qu’il conserve à ses principes. Même s’il se laisse parfois envahir par une rage dévastatrice, justifiée, faut-il le préciser, il parvient à élaborer des plans assez subtils pour piéger ses opposants. Son passé de flic resurgit et on se demande bien si, dans la suite des choses, il n’y reviendra pas. Car il est doué! Une série qui s’annonce de plus en plus prometteuse, car les intrigues sont fascinantes, le personnage sympathique et l’atmosphère du bayou irrésistible.