#10 11 Janvier 2024 19:37:56
Oh, merci Mia, ça me touche fort ton mot !
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Bon, finalement, ce n'est pas un souvenir joyeux sur le sport qui est sorti en premier (il viendra bientôt), mais un souvenir douloureux avec le thème de la PEUR.
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J'ai peur. Du matin au soir, j'ai peur. Moi qui étais si spontanée, si pleine de vie, si peu réfléchie dans mes actes, me voilà avec la peur au ventre à mesurer chacun de mes gestes et chacune de mes paroles. J'ai peur qu'il rentre, j'ai peur qu'il sorte, j'ai peur que son mépris s'abatte sur moi. Je me mets à douter de moi-même. De loin, que cela peut sembler ridicule ! Pourquoi chaque goutte d'eau qui se trouve malencontreusement sur le carrelage à la suite d'une douche ou d'une vaisselle, devient sous ses yeux une goutte de sperme, une preuve toujours renouvelée de ma trahison imaginée ?
Au début, on ne prend pas cela au sérieux, on ne se donne presque pas la peine de répondre. Aujourd'hui les femmes sont libres, si je ne t'aime plus, pourquoi te tromper en cachette et ne pas te quitter au grand jour ? Que ferai-je de ces cachotteries ? Allons, j'ai bien d'autres choses à penser ! Et puis, peu à peu, ces pensées malsaines finissent par vous envahir de l'intérieur, elles vous pénètrent chaque centimètre de peau. Ai-je raison de répondre au téléphone à cet ami ? Cela va-t-il causer une scène ? Puis-je manger avec ce collègue ou est-ce que cela sera mal interprété ? Je finis en retard ce soir, que va-t-il penser ?
Petit à petit, pour éviter des scènes qui ne diminuent pourtant pas, la vie se restreint. Chaque geste est arrêté en cours de route, chaque pensée s'arrête devant les conséquences qu'elle peut faire naître. On finit par s'enfermer, ne plus sortir, on commence à trembler quand le téléphone sonne, ou quand quelqu'un vous regarde ou vous parle.
Le viol quotidien s'installe aussi insidieusement. Pourquoi tu ne veux pas ce soir ? Tu es fatiguée ? Dis-moi la vérité, avec qui as-tu couché aujourd'hui ? Et si je maintiens la fatigue, alors la violence psychologique s'installe. Il se lève, et ne se couchera pas. Nous avons peu d'espace de vie, je ne peux pas dormir la lumière allumée, et il faut que je dorme, je dois avoir un cerveau en marche le lendemain. Que faire ? Céder, demander pardon, s'humilier, acheter un peu de paix dans toute cette violence, pour pouvoir tenir debout un peu plus. Et puis on finit par ne même plus tenir debout.
Mais le vrai du faux devient tellement dur à démêler qu'on ne sait plus trop ce qui se passe. Et la violence qui maintient sa pression empêche de réfléchir, de raisonner, de poser les choses. Et quelqu'un peut être tellement différent en public et dans la sphère de l'intime ! Comment aborder ces sujets ? Avec qui ? Qui vous fera confiance, vous qui n'arrivez même plus à avoir confiance à vous ? De toutes façons, à force de petites phrases bien senties qui semblent anodines, en public aussi, on a appris à ne plus vraiment vous prendre au sérieux.
La faille se creuse, vous êtes complètement isolée, sans ressource, sans plus être capable de prendre une initiative, bientôt sans plus pouvoir vous concentrer, ce qui ajoute au discrédit général de votre personne.
Au milieu de ce cauchemar dans lequel je me suis débattue sans relâche, alors que toutes les portes semblaient se fermer pour moi, j'ai croisé quelqu'un. Une dame, dont je ne sais même pas le prénom, m'a écoutée. Dans son passé, elle avait vécu une situation similaire avec son premier mari. Je me souviendrai toujours de ce qu'elle m'a dit : que ce n'était pas une fatalité, qu'on avait le droit de chercher quelqu'un qui nous traite avec respect, qu'elle avait fait cet effort pour elle et qu'aujourd'hui, elle vivait avec quelqu'un qui lui donnait cela. C'était donc possible.
Sur le moment, je n'avais aucun moyen d'agir, je n'avais même pas les moyens d'imaginer que je pouvais réellement me sortir de cette situation. Mais cette dame avec son histoire est restée gravée dans ma pensée. Et, des années après, une voie de sortie s'est présentée. Je n'ai pas tergiversé, aujourd'hui encore je ne sais pas comment j'ai pu trouver le courage de m'en sortir, et je n'en suis pas sortie indemne. Mais, je m'en suis sortie. Je confirme à mon tour : c'est possible.
Ce texte, c'est pour tous ceux qui souffrent dans les méandres de l'intimité. C'est pour porter le message de cette dame un peu plus loin, c'est pour allumer la flamme de l'espoir dans des coeurs à l'agonie. Gardez courage, c'est possible !
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Dernière modification par Claire C (11 Janvier 2024 19:38:09)