[Racines - Mai 2025] - Parlons de la BD

[spoiler]Le texte à cacher[/spoiler]

Merci pour celles et ceux qui n'auraient pas encore fini ce livre ;)

Coucou par ici !
Tout comme Coper, je vais essayer d’étoffer un peu l’avis que j’ai donné sur le challenge d’Emmani.


Du point de vue graphique, c’est du Lou Lubie « classique » : des dessins très simples, sobres, épurés, et une mise en page un peu « fouillie », un peu « brouillonne », que j’aime beaucoup. C’est dynamique, ça change des BDs « trop sages ». J’aime aussi comment, en jouant uniquement sur les couleurs, elle instaure une ambiance qui peut changer du tout au tout. Rien à redire de ce point de vue-là : pas de coup de cœur pour le style de dessins, mais ça joue très bien son rôle.


En ce qui concerne les personnages, je trouve comme Coper que Rose a quand même pas mal de Lou Lubie en elle … d’ailleurs, au tout début, je me suis demandée pourquoi elle se donnait un autre prénom, car je pensais que c’était une sorte d’autobiographie.

Je dois avouer que j’ai été touchée par son tiraillement entre deux cultures, et par le fait qu’elle ne se sente pas vraiment blanche à cause de ses cheveux crépus, et pas vraiment créole à cause de sa peau blanche. Il faut savoir que mon grand-père paternel était berbère, mais que personne ne pourrait le deviner en me voyant que j’ai des origines kabyles … et des fois, ça me pèse. Car je ne me sens pas « légitime » à me revendiquer « petite fille de berbère » avec ma peau de nordique qui crame au soleil, par exemple … mais d’un autre côté, je ne me vois pas renier ces origines, elles font partie de moi, de mon héritage familial. Tout ça pour dire que je me suis sentie assez émue par Rose qui est aussi « à la croisée » de deux ethnies.

Petite anecdote de petite fille : quand j’avais 9 ans environ, j’étais copine avec une petite fille africaine … et sa maman lui faisait de magnifiques tresses. C’était justement l’époque où je commençais à comprendre l’histoire de ma famille paternelle, et je faisais vraiment une fixation sur les coiffures du continent africain (je n’en étais pas encore à me renseigner sur les traditions typiquement berbère, pour moi, j’étais juste une descendante de l’Afrique en général). Et j’avais demandé à cette dame si elle voulait bien me coiffer. Et elle avait dit oui, et elle avait patiemment coiffé mes cheveux tout fins et tout lisses. Et j’étais la petite fille la plus heureuse du monde, j’ai passé des semaines d’euphorie avec mes belles tresses. Je pense que si maman ne m’avait pas dit de ne pas importuner la madame tous les mois, j’aurai continué à aller lui demander, car même si ça n’avait probablement rien à voir avec les coiffures de mes ancêtres, j’avais quand même le sentiment de renouer un peu avec mes origines …


Comme souvent chez Lou Lubie, on est à la limite du documentaire illustré … Surtout dans la dernière partie du livre. Au début, les informations sont bien « noyées » dans le récit, et c’est très agréable d’en apprendre plus sur l’histoire de la Réunion (une de mes anciennes nounous était réunionnaise, ça m’a fait plaisir d’en apprendre plus sur son île) et sur les cheveux. Surtout que c’était amené avec cette petite pointe d’humour et de dérision que je trouve toujours très agréable.

« Malheureusement », j’ai trouvé que ça évoluait vers la suite … Non seulement le côté documentaire prenait doucement le pas sur l’histoire, mais surtout, ça a tranquillement dérivé vers quelque chose qui se rapproche plus du manifeste qu’autre chose. Certes, c’est un peu moins « matraquage » que certains autres ouvrages militants, mais ce côté engagé et militant (justement) m’a tout de même un peu dérangée. Je comprends pourquoi elle le fait … mais des fois, j’aimerai bien pouvoir lire une histoire, une simple histoire, sans qu’il n’y ait de militantisme derrière, sans qu’il n’y ait ce côté un peu moralisateur, dénonciateur, voire accusateur qui me met un peu mal à l’aise …

J’ai parfois le sentiment que les auteurs sont soit condescendants (oh mes pauvres petits vous n’y comprenez rien, ne vous inquiétez pas je vais tout vous expliquer) soit « tyranniques » (si vous ne pensez pas comme moi, si vous n’êtes pas d’accord, c’est que vous êtes de très mauvaises personnes intolérantes et cruelles). Quand le message prend le dessus sur l’histoire, il y a quelque chose que je trouve presque agressif car on ne se sent plus libre de lire le livre comme une simple histoire, juste pour se détendre un peu, sans être en quelque sorte « jugé » car on ne « s’intéresse pas aux problèmes sociaux » … Parfois, j’ai juste besoin de me détendre car j’ai déjà beaucoup trop de choses qui tournent dans ma tête, et j’ai l’impression que c’est désormais « mal vu » d’envisager seulement la lecture comme cela …


Donc voilà. Je me rends compte que mon avis a un peu évolué après quelques jours : au début, ce côté militant ne m’avait pas plus dérangée que cela … mais finalement, c’est vraiment uniquement cet aspect des choses qui est restée, et mon avis est donc beaucoup moins « enthousiaste » que lorsque je venais de tourner la dernière page …

Spoiler (Cliquez pour afficher)

C'est évoqué mais à la toute fin et c'est presque trop bref, pour le coup car ça donne l'impression que c'est une anecdote.
Et c'est quelque chose qui m'a un "gênée" pendant ma lecture, cette tendance à me dire "mais ça, ce n'est plus tellement vrai" ou "mais non, ça change ces dernières années".
Certes, c'est trop lent, certes il y a encore trop d'aberrations, mais c'est bien de mettre en avant les progrès actuels et les personnalités influentes qui font bouger les "normes".

Bon, c'est juste un détail car je pense que la BD reste nécessaire pour la prise de conscience :) mais ça m'a chiffonnée...