[Suivi lecture] Errant

 
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    #641 29 Octobre 2023 12:38:46

    Les damnés de Patrick Isabelle

    L'horreur recommence à sévir au collège Anna Caritas en ce début d'année avec la découverte d'un cadavre pendu à l'envers, égorgé. Un malheur n'attendant pas l'autre, par malchance le narrateur s'y trouve directement mêlé, au point où il devient le premier suspect des enquêteurs. Le récit se développe à bon rythme, assez pour soutenir l'intérêt, sans être rapide au point de négliger les aléas des relations entre les membres du petit groupe d'ados directement concernés par cette vague de violence. L'aspect légèrement fantastique qui plane sur l'histoire, la discrète intervention d'adultes aux pratiques ésotériques et le mystère entourant la précédente génération d'élèves entretiennent un certain brouillard propice à des rebondissements inattendus. Classé roman d'horreur j'ai plutôt trouvé que la dominante était le suspense avec quelques scènes plus glauques. En somme c'est un livre qui se lit bien, sans rien casser toutefois. Et malgré une finale invitante, je ne crois pas poursuivre cette série.


    Les villes de papier de Dominique Fortier

    Avant d'avoir lu ce livre, je ne savais pas était Emily Dickinson. Maintenant j'ai l'impression de la connaître un peu dans sa singularité, son obstination de vivre à sa manière, sa relation particulière au monde. Mais presque rien de son oeuvre, puisque les rares extraits présentés ne suffisent pas à élaborer ne serait-ce que le début d'une impression sur ses poèmes, ni même à éveiller la curiosité envers ceux-ci. Encore que celle-ci pourra trouver réponse dans le tome qui suit, “Les ombres blanches”. Cette quasi absence n'ôte rien à la valeur de cette biographie qui m'a par ailleurs enchanté.

    L'écriture est d'une finesse, d'un raffinement, une forme de dentelle. À travers ces coups de pinceau, se dessine une frêle mais déterminée Emily dont la conception de la poésie détonne à son époque. Étonnant aussi son manque d'intérêt à être publiée, une réticence sourde allant même jusqu'au refus; une écrivaine qui est volontairement son seul public est chose rare. Les insertions que fait l'auteure de sa démarche, et des pérégrinations qui vont avec, se fondent aisément dans le récit biographique, lui apportant une dimension supplémentaire sans entacher, au contraire, son déroulement. Bref une lecture captivante sur le fond, portée par une plume lumineuse, qui incite à poursuivre la découverte de cette poétesse que nous propose cette auteure de talent.



    Vipère au sein de James Hadley Chase

    Une artiste de cabaret souscrit une assurance-vie modeste, uniquement pour fins publicitaires déclare-t-elle. Or voilà qu'elle répète le manège auprès d'une dizaine d'assureurs. Assez pour mettre la puce à l'oreille de ceux-ci qui tenteront d'y voir clair. Sur cette trame surviennent aussi agressions, kidnapping et meurtres. Steve Harmas, un détective des compagnies d'assurance, doit naviguer à travers cet embrouillamini avec l'aide précieuse de sa femme, aussi futée que dévouée. Ça fait du bien de voir une telle équipe à l'œuvre; un heureux changement du cliché de l'éternel détective alcoolique, en pleine déchéance, coureur de jupons invétéré. Les différentes histoires sont habilement imbriquées, les potentiels fraudeurs tellement ingénieux qu'il faut cogiter solide pour comprendre l'arnaque. Bien que je déteste l'expression, qui dévalue le genre, on peut sans doute dire qu'il s'agit ici d'un roman de gare; un très bon quant à moi.
  • Grominou

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    #642 29 Octobre 2023 12:41:08

    Tellement contente que tu aies aimé Les Villes de papier! :pink:
  • Errant

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    #643 04 Novembre 2023 12:31:26

    Comment Proust peut changer votre vie de Alain de Botton

    Néophyte de Proust, j'en suis qu'à la moitié de Swann, je redoutait que ce livre me soit hermétique. Hé bien pas du tout, car l'auteur cite in extenso les extraits de la Recherche pour illustrer ses propos et analyses, en plus de se servir abondamment de la correspondance de Proust pour éclairer certains points. Il en résulte une lecture limpide, relativement facile, il s'agit tout de même d'un essai, grâce aussi à un langage clair, des phrases d'une longueur normale, rien d'alambiqué, comme un contrepoint . . . En prime l'auteur y met, de temps à autre, une pointe d'humour, ricane un peu, ce qui induit un vent de légèreté dans des propos par ailleurs très sérieux.

    Botton construit son livre sur neuf thèmes qui m'ont paru  pertinents, à tout le moins que j'ai apprécié: comment aimer la vie, lire pour soi-même, prendre son temps, réussir ses souffrances, exprimer ses émotions, être un véritable ami, ouvrir les yeux, être heureux en amour, laisser tomber un livre. Chaque sujet est solidement documenté, l'auteur fait des liens, souligne les apparentes contradictions, dégage des pistes d'interprétation mais laisse toujours le lecteur se forger sa propre opinion. Globalement ce livre pose plus de questions qu'il n'en résout, mais, surtout, illustre différentes facettes de cette immense oeuvre qu'est la Recherche et donne le goût de s'y plonger tellement il en souligne la richesse. C'est pourquoi je l'ai tant apprécié.



    Sombre chaos de Jennifer Pelletier

    Une roublarde souvent poussée dans ses derniers retranchements, une reine tyrannique d'un sadisme exacerbé et un prince toujours prêt à exploser d'une rage incontrôlable, tels sont les trois principaux personnages de ce roman de science-fiction qui sort de l'ordinaire. Dans un univers post-apocalyptique, un peuple jouit de technologies protectrices alors que les Forçats vivant à l'extérieur des murs peinent à survivre. Une jeune femme passe d'un univers à l'autre et doit s'adapter aux règles démentes de son nouveau milieu.

    En dire plus serait divulgâcher un scénario captivant, bourré d'imprévus, où un aura de mystère plane sur les motivations de plusieurs protagonistes et où on découvre peu à peu une société régie par des lois et coutumes aussi insensées que barbares. Le début m'a fait craindre un autre de ces récits où une jeune femme en perdition est sauvé par un prince charmant; on est loin de là, pas de bluette ici, plutôt de la détermination, une rage de vivre, l'indignation devant l'injustice, le refus de la soumission. L'écriture est simple, le rythme trépidant, l'héroïne attachante, l'histoire bien imaginée. Une suite est prévue, prévu également que je la lise.
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

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    #644 04 Novembre 2023 13:41:46

    En mordue de La Recherche, je note le Alain de Botton ; j'aime bien ton image de "contrepoint".
  • Grominou

    Modératrice

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    #645 05 Novembre 2023 01:31:42

    Je note aussi !  J'espère seulement que ça ne fait pas trop «développement personnel» (exprimer ses émotions, etc)?
  • Errant

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    #646 05 Novembre 2023 11:20:32

    Absolument pas, il n'y a rien qui tend vers les recettes là-dedans, ni coach de vie.

    C'est beaucoup plus un plongeon sur divers thèmes de la Recherche.
  • Grominou

    Modératrice

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    #647 06 Novembre 2023 03:52:44

    Ok merci!
  • Errant

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    #648 07 Novembre 2023 13:00:52

    Du coté de chez Swann de Marcel Proust

    Je n'avais jamais imaginé lire Proust un jour, encore moins entreprendre la Recherche; pas mon genre, pas féru de pavés, déjà impatient lorsque Zola s'étire dans ses descriptions, bref il y a tant de bonnes choses à lire et la vie est courte. Mais voilà que lors d'une rencontre d'un club de lecture, une fan finie de Marcel nous lit le passage des madeleines et explique son engouement pour l'œuvre; convaincue et convaincante. Assez en tous cas pour prendre la température de l'eau, prudemment, presque à reculons, en intercalant, après une dizaine de pages, des chapitres d'un bon roman de gare, là où les choses avancent, les phrases compréhensibles et les effets de toge inexistants. Puis, peu à peu, insidieusement, j'allongeai mes incursions dans Combray, admirant ci et là une tournure de phrase, appréciant une réflexion du narrateur, cherchant à me mettre au diapason de ce rythme tellement lent. Je ne l'ai pas réalisé sur le coup, mais j'étais déjà piégé !

    Cette écriture est une drogue: la jouissance qu'elle apporte parfois rend tolérable les ennuis qui l'accompagne. Car sur le fond un amour de Swann ne m'a pas enchanté, ses états d'âme en perpétuels changements, son incapacités à décoder le jeu de sa cocotte, et pire future femme, sa complaisance dans la douleur, m'ont agacé plus qu'autre chose. Par contre les réflexions existentielles du narrateur, ses propos sur l'art et la galerie de personnages qui se déploie sont déjà intrigantes et promettent de belles choses. Preuve que je suis hameçonné, ayant à peine fermé Swann, je reluque déjà les jeunes filles . . . Mais elles attendront quelques semaines, avec Proust il ne faut pas être pressé.
  • Grominou

    Modératrice

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    #649 08 Novembre 2023 03:46:28

    Te voilà ferré à l'hameçon! :pompom:
  • Errant

    Lecteur glouton

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    #650 08 Novembre 2023 07:14:23

    Il semble bien oui.

    Tu as lu toute le Recherche ?