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    #711 06 Février 2024 13:27:52

    L'argent de Émile Zola

    Par rapport à d’autres tomes de la saga, j’ai trouvé que la mise en place du récit est quelque peu longue; mais quand l’action démarre, on est rapidement happé par le torrent de passions diverses qui enflamment tous les protagonistes. D’abord la folie des grandeurs de Saccard, une maladie profonde qui l’empêche même d’éviter les pièges qu’il connaît bien par ailleurs. Aveuglé par l’infime possibilité du coup d’éclat, insensible aux dommages irréversibles qu’il provoquera chez les investisseurs naïfs, il n’hésite pas une seconde à mentir sans vergogne, à trafiquer allègrement les comptes, à faire miroiter des chimères, bref à arnaquer tout le monde. Ses uniques succès proviennent soit de délits d’initiés, soit de manipulations machiavéliques bien qu’il se croit génial. Par contre ses insuccès ne sont jamais de sa faute. . . Personnalité narcissique dites-vous? Ou bien sociopathe, ou bien les deux, toujours est-il que l’ampleur de la dévastation qu’il laisse derrière lui est à la hauteur de sa propre ambition.

    Les autres personnages ne sont pas en reste non plus. Valse-hésitation et grande culpabilité vont habiter Caroline, l’attrait du gain inespéré va transformer en spéculateurs voraces des citoyens par ailleurs normalement d’un naturel prudent. Les requins de la grande finance réaliseront de beaux profits, habiles qu’ils sont à louvoyer dans ces eaux troubles. J’ai apprécié ces déferlements de passions, moins aimé les conséquences néfastes des entourloupes de Saccard, a été agacé par les indécisions de Caroline et impressionné par la façon dont Zola conclut le tout. Un bon opus, au message clair, à la lecture addictive, bien qu’un peu technique par moments.
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    #712 08 Février 2024 13:03:33

    Rapide-Danseur de Louise Desjardins

    Une femme de la mi-trentaine, ayant abandonné deux ans auparavant un fils ingrat et une mère castrante, apprend par un coup de téléphone la mort de cette dernière; prostrée elle se remémore les deux dernières années, depuis sa fuite de Montréal, et se questionne sur le sens de sa vie. Cela aurait pu être intéressant, mais ni la construction, ni les propos, ni l’écriture ne m’ont touché. Mon plus gros inconfort réside dans un paradoxe apparent. S’étant supposément libéré de la mère deux ans auparavant, comment se fait-il que sa mort remette immédiatement et fondamentalement tous les choix de la narratrice?

    L’espèce de catatonie dans laquelle elle plonge arrive de nulle part. Les nombreux flash-back sur sa fuite et sa vie antérieure mettent en scène des personnages stéréotypés, manichéens, pas suffisamment développés pour retenir l’attention. Je me suis vite lassé de cet autoapitoiement perpétuel, de ce désarroi inexplicable, de cet univers factice de cocooning abitibien. Bref je ne dois pas faire partie du public cible.


    Le diable en personne de Peter Farris

    Un proxénète cruel, des clients sadiques, une pute en fuite, des flics corrompus, mais pas tous, une bootlegger de mauvais poil, des accointances politiques, des cartels dans le décor, autant d’ingrédients pour faire un bon polar. Mission réussie pour Farris qui a su assembler tous ces éléments dans un récit prenant, plein de rebondissements, avec un dénouement qui m’a pleinement satisfait. Le sort de Maya ne tient qu’à un fil, mais les malfrats à ses trousses rencontrent des obstacles, c’est le moins qu’on puisse dire!

    On ne s’ennuie pas un seul moment pendant cette lecture, car non seulement l’action ne manque pas, mais l’alternance entre les différents protagonistes augmente la tension et la curiosité sur le fameux fatal secret s’amplifie au fil des pages. L’héroïne, par sa fragilité et sa résilience, attire la sympathie tandis que l’on comprend peu à peu l’énigmatique Léonard, lui qui apparaît de prime abord comme un hillbilly cinglé; ce n’est pas si simple. . . J’ai aimé ce roman au rythme enlevant, avec ses personnages imagés et son récit aussi punché qu’addictif.
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    #713 12 Février 2024 13:03:04

    Les contes de la bécasse de Guy de Maupassant

    J’avais lu que Maupassant était reconnu pour ses contes, mais je ne me doutais jamais qu’ils seraient à ce point diversifiés. Dans ce recueil, on rencontre une gamme étendue de thèmes et d’émotions qu’ils suscitent. J’ai été grandement touché par le vieux couple dans “Menuet” alors que “Les noces” et “Walter Schnaffs” ont déclenché des fous rires irrépressibles. Certaines histoires sont plus dramatiques, d’autres dénoncent subtilement l’avarice alors qu’une autre frôle avec le fantastique. Bref, la palette est large et il y en a pour tous les goûts.

    Les récits ont par contre en commun une certaine ironie, bien camouflée par un recul que conserve le narrateur par rapport à son propos. L’auteur a une grande facilité à nous happer rapidement dans ses histoires, l’écriture coule de source et les chutes sont admirables. Sans être moralisateurs, ces contes ne sont quand même pas dénués d’enseignements, présentés si habilement qu’ils n’apportent aucune lourdeur. Sans être une lecture marquante, j’ai bien apprécié ces contes et entends bien lire les autres éventuellement.
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    #714 13 Février 2024 16:15:36

    Boule de suif de Guy de Maupassant

    Je ne connaissais pas l’histoire; quel gang d’ignobles individus autour de l’héroïne du récit! J’ai vraiment été indigné par leur comportement hypocrite, outré par leur égocentrisme, fâché de leur manque total de reconnaissance. Si Maupassant voulait démontrer que ni les titres de noblesse, ni la richesse, ni les opinions politiques vertueuses, ni la dévotion n’étaient garants de la dignité la plus élémentaire, d’un minimum de savoir-vivre, d’un soupçon de probité intellectuelle, bref d’un peu de respect de la personne humaine, il a parfaitement réussi. J’ai profondément haï ce ramassis de profiteurs sans scrupules et compati à la souffrance d’Élizabeth.

    L’auteur expose avec conviction le snobisme, la rouerie, la bassesse, la lâcheté. Mais il aborde aussi la notion si actuelle de consentement, ce qu’on refuse à dame Rousset à cause de son métier. C’est très bien écrit, le récit est fin et percutant, à preuve la révolte viscérale que ce livre m’a inspirée. Peut-être pas un chef-d’œuvre, mais certainement une lecture marquante. Je m’en souviendrai longtemps.
  • Grominou

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    #715 14 Février 2024 03:06:36

    Oh tu me donnes vraiment le goût pour Boule de suif! J'aime tellement la plume de Maupassant! :pink:
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    #716 18 Février 2024 18:57:56

    C'est le bouquet de James Hadley Chase

    Un kidnapping, une riche héritière, des trafiquants de drogue, un mauvais flic, un bon flic, un détective privé acharné, sa secrétaire fidèle, des meurtres, des rats affamés; prenez tous ces ingrédients, liez-les dans une intrigue bien pensée, insufflez un rythme soutenu au déroulement, rendez votre privé aussi sympathique que futé et vous obtenez ce livre! On s’amuse en regardant évoluer tout ce beau monde dans leurs entourloupes, leurs plans machiavéliques, leurs élans du cœur et leurs acrobatiques improvisations.

    Chase est au sommet de son art, lui qui se démarque déjà, dans ce genre, en compagnie de Dashiel Hammet et de Raymond Chandler. Il faut aimer ces romans aux détectives vedettes, durs à cuir, qui encaissent autant qu’ils distribuent, pour pleinement apprécier ces polars menés tambour battant, avec cigarettes et belles pépées, verres de whisky à toutes heures du jour. Dans cet opus l’intrigue n’est pas évidente, les personnages sont troubles à souhait, les dialogues incisifs comme on les aime. Je suis rarement déçu avec cet auteur, ici j’ai été comblé!



    La barre-y-va de Maurice Leblanc

    Un meurtre inexplicable, un intimidateur insaisissable, une jolie jeune femme apeurée, il n’en fallait pas plus pour que Lupin s’investisse d’une mission. S’ensuit une histoire meublée de découvertes, de prises de bec, de revirements, d’accumulation de cadavres, bref ça ne dérougit pas. Mais autant le récit m’a plu, sauf en ce qui concerne l’origine du trésor qu’on devine immédiatement et sauf également par l’invraisemblable résistance du héros lorsqu’il est piégé, autant Lupin commence à me tomber sur la rate. OK il est génial dans ses déductions et prévenant envers les victimes. Par contre, ses perpétuelles fanfaronnades ont depuis longtemps perdu le charme de la nouveauté, mais surtout, son acharnement à rabaisser le brigadier Béchoux, à l’insulter, à le dévaluer font de lui un intimidateur malsain, voire toxique. En somme, un récit moyen avec un personnage principal agaçant. Or comme cette série repose avant tout sur ce truculent personnage, mon intérêt décline à vue d’œil. . . Déjà que je n’avais pas aimé les deux tomes précédents, j’abandonne l’idée de lire la saga dans son entier, il y a trop de bonnes choses à découvrir.
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    #717 24 Février 2024 13:24:43

    Orlando de Virginia Woolf

    J’ai trouvé cette lecture marquante pour plusieurs raisons. D’abord, il y a plusieurs passages remarquables qui valent certainement une relecture, notamment les réflexions d’Orlando sur son nouveau statut de femme pendant la traversée qui la ramène à Londres et les dernières dizaines de pages où elle entend «les coups du temps», ce qui induit souvenirs et réflexions. D’ailleurs ce livre ne finit pas, il s’éteint doucement. . . Ensuite Woolf est souvent ironique, masquant d’un sourire les dénonciations qu’elle glisse ici et là, quand elle ne devient pas franchement drôle comme dans la présentation des fiancées d’Orlando, ou encore dans la façon de se débarrasser d’un encombrant archiduc.

    Les éléments fantastiques participent grandement à l’enchantement; après la surprise du Grand Gel, l’étonnante longévité des personnages et les apparitions hallucinatoires sont tout aussi jubilatoires. Les apartés du biographe m’ont paru éminemment sympathiques en plus d’établir une belle complicité avec le lecteur; le ton est si juste lors de ces interventions qui ne sont jamais par ailleurs anodines. Les aspirations littéraires d’Orlando qui le suivent tout au long du récit ajoutent non seulement un fil conducteur, mais sont aussi l’occasion de captivantes réflexions sur l’art. Et quelle écriture! Toujours précise, fluide, imagée, changeant de ton sans coupure, vive, louvoyant entre les thèmes sans effort. En somme un livre à l’écriture élégante, d’une originalité renversante, qui sollicite à la fois l’intelligence du lecteur et son sens féérique; quoi demander de mieux?
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    #718 25 Février 2024 18:21:45

    Le chemin de sel de Raynor Winn

    Presque en même temps, un couple dans la cinquantaine perd sa ferme suite à un placement qui a mal tourné et apprend que le mari est atteint d’une maladie dégénérative incurable. Se retrouvant sans revenu ni domicile, il décide d’entamer un trek de plus de mille kilomètres. L’aspect le plus troublant de cette aventure est certainement l’adaptation à leur nouveau statut de SDF; les deux doivent d’abord se faire à l’idée, chasser les désillusions, développer de nouveaux réflexes. L’argent manque, la nourriture aussi, trouver chaque soir où planter la tente, affronter le regard des autres, rien n’est facile. On est bien loin ici d’un périple planifié visant l’exploit sportif. Ils sont mal équipés, pas préparés ni physiquement ni psychologiquement, et, en plus, lui est malade.

    Reste que peu à peu, les kilomètres s’égrainent, ils font quelques rencontres sympathiques, contemplent des paysages à couper le souffle, admirent occasionnellement la faune ailée et terrestre. Mais c’est à la dure, après de multiples souffrances qu’ils se renouvellent d’une certaine façon, découvrent leur résilience et réussissent à voir modestement une certaine lueur au bout du tunnel. J’ai aimé ce livre d’abord pour sa sincérité évidente, mais aussi pour son aspect humain qui nous porte à réfléchir, au-delà des préjugés, sur le vécu des SDF. Et on sent également le rôle bénéfique que joue la nature dans le long processus de guérison que constitue cette marche. L’autrice décrit assez longuement les endroits traversés, ce qui devient un peu redondant et présente moins d’intérêt pour qui n’ira jamais dans cette partie du monde. Ceci n’enlève rien à la pertinence du livre, et surtout pas au message qu’il colporte.
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    #719 29 Février 2024 13:17:23

    Lucia à Londres de E.F. Benson

    Le mari de Lucia hérite d’une rondelette somme ainsi que d’une maison à Londres; aussitôt notre héroïne se lance à l’assaut de «tout de ce qui compte» dans cette capitale qu’elle a toujours décriée. Le beau monde n’est pas dupe de ses manigances, pourtant couronnées de succès tellement ses tactiques, manœuvres et ruses sont efficaces. Mais, ce faisant, elle s’attire la rancœur des gens de Riseholme, qu’elle snobe allègrement puisqu’ils ne peuvent pas contribuer à son ascension sociale; ils lui en feront bien payer le prix. . .

    J’ai bien ri du ridicule profond de cette arriviste mégalomane qui ment non seulement aux autres, mais surtout à elle-même en préférant faire semblant de ne pas être touchée par ses revers, car elle en essuie certains. Sa fourberie est élevée au rang de l’art, son front de bœuf n’a d’égal que son manque de véritable culture, son acharnement touche le pathologique, son narcissisme et son égoïsme atteignent des sommets inimaginables. J’ai été fasciné par la façon dont la bonne société de Londres et les habitants du village composent avec cette furie. Cette série anglaise n’est pas la plus drôle que je connaisse, bien qu’elle le soit, certainement une des plus animées cependant, mais la constante ironie de toutes ces péripéties m’incite à la poursuivre de temps à autre.




    Madame Firmiani de Honoré de Balzac

    Dans ce petit épisode de «La comédie humaine» un riche campagnard s’inquiète du revers de fortune de son neveu, héritier envisagé, à cause d’une femme, dit la rumeur. Il tente de faire la lumière en rencontrant l’une et l’autre. J’ai bien aimé le procédé par lequel Balzac dresse le portrait de madame Firmiani en superposant les appréciations de divers personnages qu’il caractérise brièvement en passant. : lycéen, flâneur, observateur, etc. C’est amusant et on a bien hâte de finalement rencontrer la dame pour connaître sa véritable nature, qui se révélera bien intrigante par son refus de s’expliquer malgré sa candeur rayonnante. La version du neveu est plus éclairante et surtout surprenante. Comme quoi il est parfois sage de réserver son jugement et que, oui, des fois la droiture est récompensée. Bref, une jolie histoire, simple, finement racontée, édifiante.
  • Grominou

    Modératrice

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    #720 29 Février 2024 16:29:26

    Je ne connaissais pas du tout ce Balzac!  Mais je vois qu'il s'agit en fait d'une nouvelle, je vais modifier la fiche!