[Suivi lecture] Errant

 
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    #731 23 Mars 2024 14:14:15

    Pour Flaubert probablement pas, mais c'était dans le contexte du club de lecture où il a d'ailleurs suscité un échange animé et intéressant. Les participantes m'ont convaincu de remettre "Madame Bovary" plus haut dans ma PAL. Colette par contre n'a pas recueilli un accueil très chaleureux . . .


    Le festin chez la comtesse Fritouille de Witold Gombrowicz

    Outre celle du titre, ce recueil contient deux autres nouvelles extraites de. Babakaî : «Meurtre avec préméditation» et «Virginité». Les trois ont en commun des récits loufoques tournant en queue de poisson, des situations floues où les personnages principaux s’enferment dans des spirales de raisonnements tordus, des surenchères de doutes nettement obsessifs, frôlant le délire pathologique. On est plongé dans le royaume de la démesure, l’enfer des incertitudes : qu’a vraiment mangé ce bourgeois chez la comtesse, le meurtre est-il possible sans matérialité, l’idéalisation de la virginité est-elle compatible avec l’amour... Autant de questions avec lesquelles les acteurs devront se débrouiller, et le lecteur aussi, puisque l’auteur ne donne aucune piste de solution.

    J’ai trouvé cette lecture déconcertante par ses thèmes, mais fascinante dans la mesure où l’auteur nous tient sur le fil du rasoir; un peu plus d’intensité, le lecteur risquerait fort de décrocher devant trop d’absurdité, un peu moins, la fébrilité engendrée par le suspense s’évanouirait. Un auteur à suivre.

    Dernière modification par Errant (09 Avril 2024 13:05:36)

  • Grominou

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    #732 24 Mars 2024 01:39:19

    Pour Flaubert probablement pas, mais c'était dans le contexte du club de lecture où il a d'ailleurs suscité un échange animé et intéressant. Les participantes m'ont convaincu de remettre "Madame Bovary" plus haut dans ma PAL. Colette par contre n'a pas recueilli un accueil très chaleureux . . .


    Par curiosité, comment les lectures sont-elles choisies?

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    #733 24 Mars 2024 11:51:26

    Les animatrices choisissent un thème ( ex: les quatre éléments, les cinq sens, etc.) on peut faire des suggestions de livres reliés au thème, elles publient ensuite la liste des livres retenus. On choisit nos lectures dans la liste et annonce sur le groupe FB nos choix afin que les chances que plusieurs lisent le même augmentent. La formule pourra peut-être évoluer, nous en sommes à notre première année.


    Le côté de Guermantes de Marcel Proust

    Curieux à dire, mais il se passe beaucoup de choses dans cet opus de la Recherche. Que ce soit la visite inopinée d'Albertine, la proposition ambiguë de Charlus, la découverte de l'identité de la maîtresse de St-Loup ou le rapprochement avec le duc et la duchesse de Guermantes, les surprises ne manquent pas et insufflent un certain rythme à cette lente et longue œuvre. Sur le fond, cette autopsie de l'aristocratie m'a bien plu, captivé même par moments, sauf lorsqu'on tombe dans la généalogie aussi complexe, pour un néophyte du moins; mettons que je ne partage pas le plaisir esthétique que le narrateur affirme y trouver. Par contre, l'observation pointue du fonctionnement mondain du couple duc-duchesse m'a comblé et j'ai souvent souri à l'évocation des travers aristocratiques, ceux des Courvoisier particulièrement, mais pas que ceux-là.

    Le narrateur continue de m'exaspérer par moments; au-delà de son jeu de cache-cache enfantin du début avec la duchesse, c'est son dédain affiché pour l'amitié, alors que sans amis il ne serait rien qu'un pur esprit philosophant dans le néant, qui m'agace. De même, il sublime l'art sous différente forme, mais n'en pratique aucun, se contentant d'errer d'un salon à l'autre, sans but précis, ballotté au gré des rencontres. Au moins, sa conception des femmes évolue lentement, encore que dans des directions discutables, et il réussit, pour une fois, à faire preuve de caractère lorsqu'il se fâche sous les insultes de Charlus. Il y a toujours cette écriture parfois magique, comme le dernier paragraphe sur sa grand-mère morte, qui illumine le récit et constitue en soi une bonne raison de se pencher sur cette œuvre.

    Dernière modification par Errant (24 Mars 2024 14:25:33)

  • Grominou

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    #734 25 Mars 2024 01:50:10

    Que de bons souvenirs tu me rappelles!

    Je suis en train de lire un récit autobiographique qui pourrait t'intéresser je pense -- enfin, je n'en suis qu'au début mais pour l'instant c'est très intéressant: Proust, roman familial de Laure Murat.  L'arrière-grand-mère de l'auteure a servi de modèle pour la duchesse de Guermantes!
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    #735 25 Mars 2024 07:57:45

    Ça l'air effectivement très intéressant, merci du tuyau.
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    #736 30 Mars 2024 12:13:09

    Cet instant-là de Douglas Kennedy

    Se pourrait-il qu’il y ait dans la vie un moment précis où tout se joue, traçant ainsi un futur irréversible qui aurait été tout autre selon que le choix, la décision ou le geste crucial aurait été autre? C’est cette interrogation que pose finalement ce roman. Car c’en est bien un, et un bon; il ne faut pas s’attendre ici à un essai ou à de philosophie malgré le thème annoncé. Au contraire, Kennedy utilise son sens aigu d’observation de la nature humaine pour développer son idée dans un cadre qui lui est familier, fétiche même, soit le couple. En jouant avec le temps, alternant présent et passé, jeunesse et maturité, en promenant son héros, curieusement un écrivain dont le premier livre porte sur l’Égypte, entre New York et Berlin, l’auteur tisse une relation de couple aussi complexe qu’intrigante, en exposant en prime la vision des deux partenaires.

    J’ai été captivité par ce livre aux multiples facettes. Le contexte de guerre froide juste avant la disparition du Mur de Berlin, le lumineux personnage d’Alistair, les craintes du narrateur quant au couple et à la paternité sont autant d’éléments qui m’ont charmé. Je suis un adepte de cet auteur à l’écriture fluide, aux récits introspectifs, au rythme tranquille sans longueurs inutiles, aux propos questionnants. La magie a opéré, encore une fois.
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    #737 09 Avril 2024 13:06:54

    La rançon du mort de Ellis Peters

    En période confuse, le trône du roi Étienne étant mis en péril, des troubles éclatent dans la région de l’abbaye. Au cours d’une escarmouche, des prisonniers sont faits des deux côtés. Des négociations ultérieures aboutissent à un échange de prisonniers qui finit mal, un des ceux-ci décédant immédiatement après l’échange. C’est l’arrière-plan d’un opus de qualité dans cette série consacrée au moins Cadfael. Car non seulement l’intrigue est bien pensée, mais l’autrice multiplie les fausses pistes, amène des histoires secondaires intrigantes et dénoue le tout avec élégance.

    Fidèle à la série, c’est toutefois l’envoûtante personnalité de Cadfael, savant mélange de perspicacité, de tolérance, de droiture et d’humilité, qui fait le livre. Ses origines galloises et sa maîtrise de cette langue lui confèrent un rôle prédominant dans ce récit où il devra déployer diplomatie et ruse pour éviter des confrontations sanglantes. Certaines auront pourtant lieu, les scènes de bataille sont réalistes, jamais gratuites ni trop sanglantes. Il est question ici de loyauté, de la valeur de la parole donnée, de différentes conceptions culturelles de la justice et d’amour sincère. De quoi intéresser le lecteur de la première à la dernière page.
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    #738 13 Avril 2024 13:08:40

    Madame Bovary de Gustave Flaubert

    Enfin lu après des années de tergiversations. Globalement, ce qui me frappe le plus dans cette histoire c'est que personne n'est bienveillant; tous les personnages principaux, ou presque, y allant soit de mesquineries, d'égoïsme, de calculs malsains, soit, dans le cas de Charles, d'une joyeuse incompétence doublée d'un incroyable aveuglement volontaire. J'en ressors avec un certain malaise devant cette accumulation de fourberies, mensonges et individualisme exacerbé. Le sort d'Emma ne m'a pas particulièrement touché, ses perpétuelles fuites en avant, autant comme épouse que comme mère ou comme gestionnaire des comptes familiaux, ainsi que ses «arrangements» avec Lheureux m'ont ôté toute sympathie à son égard. Je la vois davantage comme l'artisane de son propre malheur que victime d'un destin tragique. Encore que, à cette époque, la marge de manœuvre des femmes était plutôt mince . . .

    Oui l'écriture est sans faille, le récit rondement mené, les dialogues sonnent juste, la psychologie des personnages savamment étalée, mais quand l'histoire ne vous touche pas toutes ces qualités tombent à plat. Peut-être, un autre titre de cet auteur me le fera mieux apprécier.
  • Grominou

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    #739 13 Avril 2024 21:58:45

    Tout ce que je me souviens de ce roman c'est d'avoir éprouvé un ennui profond...
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    #740 15 Avril 2024 12:48:11

    Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust

    Comme pour chaque tome de la Recherche jusqu’ici, je ressors avec des sentiments partagés, voire contradictoires. J’ai ri à de nombreux passages où Proust se moque des défauts de langage de différents personnages, le plus savoureux sans doute concerne le directeur de l’hôtel de Balbec. Le narrateur devient aussi de plus en plus caustique dans ses observations sur les mœurs des aristocrates, leur pédanterie, leur mauvaise foi; il décortique, à mon plus grand plaisir, ces comportements stéréotypés où les apparences font loi. Les opinions émises ici et là sur les hommes-femmes m’ont semblé nébuleuses quoiqu’intéressantes, mais on sent une certaine retenue, voire un malaise, à aborder le sujet de front, bien que pour l’époque ce soit déjà probablement beaucoup. J’aime bien aussi retrouver les personnages qu’on a appris à connaître au fil des tomes précédents. L’écriture reste musicale à la façon de Mahler; complexe et envoûtante, riche et précise à la fois. Je reste parfois, et finalement assez souvent, bouche bée devant les enchevêtrements de mots, tangentes et digressions qui, comme par magie, finissent par se réaligner pour former non seulement un propos cohérent, mais aussi une œuvre d’art en soi.

    Par contre, l’étalage d’érudition mythologique m’a agacé, moins toutefois que les longs et ennuyeux passages sur la toponymie. Le narrateur m’apparaît de plus en plus odieux dans son comportement envers Albertine à qui, notamment, il ment comme un arracheur de dents à propos d’un supposé mariage, juste pour susciter sa jalousie. C’est vrai qu’en cette matière il s’y connaît, lui qui, prêt à laisser Albertine, retarde son projet parce que sa mère a osé lui suggérer de la faire, abandonne carrément l’idée lorsqu’il pense que sa belle aurait peut-être eu des relations lesbiennes et se démène comme un diable dans l’eau bénite pour la priver de toute tentation de récidive. J’ai rarement rencontré des personnages dotés d’une telle confusion de sentiments doublée de comportements aussi discutables. Malgré ces montagnes russes, l’aventure se poursuit et il me tarde déjà d’entamer «La prisonnière».