[One shot] The Ghost Of You

 
    • Darkness Turns Me On

      Amazone/Guerrier des bibliothèques

      Hors ligne

      #1 26 Juillet 2013 02:33:32

      Après avoir longtemps hésité, et après avoir suivit les conseils de l'une de mes meilleures amies, je me suis décidé à enfin vous poster un de mes textes. J'espère donc que vous l'aimerai & que de ce fait je vous en posterais d'autres.

      A écouter en lisant

      Get the feeling that you're never All alone and I remember now At the top of my lungs in my arms he dies He dies At the end of the world Or the last thing I see You are Never coming home Never coming home Could I should I And all the things that you never ever told me And all the smiles that are ever gonna haunt me



      « La guerre est déclarée. ». Voilà ce que les journaux titrent tous en ce matin du 7 décembre 1941. Il y a à peine quelques heures, notre base aéronautique de Pearl Harbor a été bombardée par l'armée Japonaise.

      L’aîné de mes frères, James, y était. Nous n'avons aucune nouvelle et cela fait déjà plus de trois heures que nous attendons.

      Je suis la petite dernière d'une famille de quatre enfants, et la seule fille aussi. Mon frère Tom sert en Angleterre depuis l'an dernier, depuis que les Allemands bombardent. Reste Riley et moi, Carrie, jumeaux de 21 ans.

      Depuis tout à l'heure, Riley ne parle que de s'engager, non seulement lui, mais aussi Gerard, son meilleur ami, qui est aussi mon petit ami, de deux ans notre aîné. Le seul semblant être encore censé ici, c'est Mikey, le frère de Gerard. Tous les deux sont venus à la maison après l'annonce de l'attaque pour avoir des nouvelles de James. Depuis, eux aussi attendent.

      Mon père, vétéran de la Première Guerre Mondiale n'a pas donné son approbation à James et à Tom pour aller se battre, bien trop traumatisé par sa propre expérience. Papa était en première ligne dans les tranchées, simple soldat, devenu capitaine parce qu'il est revenu vivant, il ne sera donc jamais d'accord pour laisser Riley partir.

      La radio est allumée et nous l'écoutons depuis l'allocution du président Roosevelt, d'ailleurs, tout étant arrivé très vite, je suis toujours en chemise de nuit, malgré la présence de Gerard et Mikey. Quoique, Gerard m'est déjà vue plus nue que ça. Mais ce n'est pas le sujet le plus important.

      Profitant du fait que le discours du président repasse, je suis allée m'habiller et je suis revenue juste à temps pour entendre la liste des morts de Pearl Harbor. Maman sort de la cuisine en s'essuyant les mains avec un torchon. Je ne me fais aucune illusion concernant James, je sais déjà qu'il ne reviendra pas. Ma mère et Riley ne semblent pas non plus convaincus. Le seul qui espère encore, c'est mon père.

      La liste est peu à peu énoncée. J'entends les noms de bon nombre d'amis. Puis, la femme qui lit la liste arrive à W. Warton, White, Wilson et Write. Elle commence à énumérer les prénoms. Aaron, Bart, Clive, et ainsi de suite jusqu'au J. Jack. Jackson. James.

      Ma mère part pleurer dans la cuisine. Riley sort suivi de près par Gerard. Mon père serre les poings et rentre les ongles dans les bras de son fauteuil roulant, hérité de la guerre. Il actionne les roues et sort à son tour.

      Je reste seule avec Mikey dans le salon vide, où le silence est brisé par la radio qui continue de jouer.

      « Et nous adressons toutes nos condoléances aux familles des victimes, mais aussi à notre président pour la perte de son neveu, James Write. »

      Je ne peux pas en entendre plus. J'éteins la radio et me tourne vers Mikey, qui a le regard chargé de tristesse.

      « Carrie je...
      Oui, merci Mikey. »

      Concernant ce que la présentatrice radio a dit, oui notre famille est liée à celle du président Franklin Roosevelt. Ma mère, Ethel, est sa sœur, et mon grand-père, Theodore, a été président de 1901 à 1909. A vrai dire, le jour de notre naissance à Riley et moi, grand père a annulé une réunion importante pour venir nous voir, mais il est mort quelques mois plus tard, ce qui fait que je n'ai pas eu le temps de le connaitre.

      Je pense soudain à James et au jour où il est parti. Il m'a promis de revenir et de me rapporter des tas et des tas de cadeaux, et aussi de m'emmener là-bas en vacances. Je revois son sourire, celui qui a fait craquer toutes les filles d'ici.
      Une chose est étrange, je ne pleure pas, pas que je ne sois pas malheureuse ou que je ne veux pas, juste, je n'y arrive pas. La sonnerie du téléphone me sort de ma torpeur. Je relève les yeux et m'aperçois que Mikey n'est plus là. Je décroche.

      « Allo.
      Carrie ma chérie, comment te sens-tu ?
      Bonjour oncle Franklin. J'ai connu mieux.
      Oui, je m'en doute. Je suis désolé pour ton frère.
      Merci oncle Frank. Tu veux surement parler à maman ?
      S'il te plaît. »

      Je pose le téléphone et vais dans la cuisine.

      « Maman. »

      Elle s'essuie les yeux avec son torchon. Elle s'était cachée pour pleurer pour que mon père ne la voie pas, pour que Riley ne la voie pas, pour que je ne la voie pas.

      « Maman, oncle Franklin au téléphone. »

      Elle se retourne et me regarde un sourire triste aux lèvres.

      « Merci Carrie Ann. Tu devrais aller prendre l'air dehors. »

      Habituellement je déteste quand elle m'appelle par mes deux prénoms, mais là, je ne dis rien. Je sors en passant par le salon. Ma mère a pris le téléphone et échange des mots avec mon oncle.

      Je marche dans le jardin, ne sachant pas vraiment où aller. Tout ce que je sais, c'est que je dois marcher, j'en ai besoin. Le jardin n'est même pas assez grand pour que ma peine s'atténue. Je me dirige vers les champs rattachés à notre propriété. Sugar, le poulain dernier né, court seul dans tous les sens, dérangeant sa mère qui mange tranquillement. Je passe une jambe, puis l'autre au-dessus de la rambarde du champ et m'y assois, Sugar vient me voir instinctivement. Depuis que j'ai aidé à le mettre au monde, il me prend pour sa deuxième mère. Il pose sa tête sur mes genoux et je la lui caresse, le regard dans le vide.

      « Carrie. »

      Je tourne la tête, Mikey est là, derrière la barrière.

      « Est ce que ça va ?
      J'essaye de faire face.
      Tu as le droit de pleurer tu sais.
      Je sais, mais je ne dois pas. Je crois que si je me mets à pleurer, je ne pourrais pas m'arrêter et il faut que je sois forte. Maman ne s'en remettra pas, papa est déjà fragile psychologiquement et je doute que ça s'arrange. Quand à Riley, il garde tout pour lui.
      Et Tom, comment tu penses qu'il va réagir ?
      Aucune idée. »

      Mikey passe à son tour sur la barrière. Il pose sa main sur le mienne, je mets ma tête sur son épaule. Des larmes silencieuses commencent à coulées. Sugar se sauve et retourne embêter sa mère. Mikey passe sa main dans mes cheveux. Certains pourrait trouver ça étrange que ce soit le frère de mon petit ami qui me console, mais pas moi. Je suis très proche de Mikey, d'ailleurs tout le monde pensait que nous allions finir ensemble, et l'étonnement, et la surprise ont été généraux lorsque je me suis tournée vers Gerard.

      Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé entre le moment où j'ai commencé à pleurer sur l'épaule de Mikey et le moment ou Gerard et Riley nous on rejoint.

      Nous descendons de la barrière, Gerard me prend dans ses bras et m'embrasse le front.

      « Est ce que ça va ?
      Un peu mieux, grâce à Mikey surtout.
      C'est super qu'il veille sur toi. A ce propos, je vais avoir besoin que tu veilles sur elle Mikey.
      Hein ?! Mais euh, pourquoi ?
      Gerard et moi avons pris la décision de nous engager.
      Quoi ?!
      Riley, papa ne sera jamais d'accord. Quand à maman, ça l'achèvera si jamais il t'arrive quelque chose.
      C'est du suicide, vous êtes conscient que vous allez y rester tous les deux ?
      Au moins on aura fait quelque chose de bien pour notre pays.
      Nous devons aller en parler aux parents maintenant. Ensuite, nous allons aller au bureau de recrutement.
      Ça tuera maman si tu fais ça.
      Carrie Ann, arrêtes, je le fais si j'ai envie de le faire !
      Arrêtes de m'appeler comme ça, j'ai l'impression d'avoir à nouveau huit ans !
      Alors ne me dis pas ce que je dois faire ! »

      Il tourne les talons et rentre à la maison, furieux. Moi je ne suis pas en colère, seulement déçue, déçue que mon frère veuille lui aussi mourir bêtement, tué par un japonais, un allemand, un italien ou je ne sais qui d'autre, et je le suis d'autant plus que Gerard n'a pas chercher à l'en dissuader, et que pire encore, il le soutienne. Gerard suit Riley. Je les regarde rentrer dans la maison. Mikey n'a pas bougé, il est toujours immobile en plein milieu du champ, bouche bée de la décision de nos deux frères respectifs.

      Comme je l'avais prévue, ma mère s'est complètement effondrée lorsque Riley lui a fait part de son intention d'entrer dans l'armée. Notre père s'y est farouchement opposé, mais que peut faire un homme d'une cinquantaine d'années cloué à vie dans un fauteuil roulant ? Malgré les protestations de mes parents, il a pris sa décision et part au bureau de recrutement avec Gerard. Ils reviennent tous les deux avec des papiers et l'ordre de se rendre dans deux jours à la base aérienne.

      Deux jours qui passèrent bien vite. Mikey et moi sommes sur le tarmac sous la pluie, attendant que Gerard et Riley montent dans l'avion. J'ai comme un pressentiment quand je les vois poser le pied sur la première marche, le pressentiment que je ne les reverrais plus jamais. Une fois l'avion parti, Mikey me ramène en voiture. En chemin.

      « Tu veux qu'on aille manger quelque chose ? Ou boire un verre ? Carrie. Carrie ?
      - Quoi ?
      - Non, rien. »

      Mikey avait essayé de me remonter le moral, de me changer les idées et moi, je ne lui réponds même pas, lui qui est si adorable avec moi.

      Les jours et les semaines passent. Mikey m'aide au travail de la propriété.

      Tom a donné de ses nouvelles, pour lui tout va assez bien. Il a été promu sergent grâce à ses impeccables états de services, et m'a dit que Londres était un peu dangereux sous les bombardements allemands. Il est au courant pour James, et sait que Riley et Gerard se sont engagés, mais ne sais pas grand-chose de plus.

      Le temps continue de passer et depuis maintenant six mois, Riley et Gerard sont partis. Mikey et moi passons la plupart de notre temps à écouter les nouvelles et à espérer qu'il ne leur soit rien arriver. Pourtant ce matin, le pressentiment que j'ai eu six mois auparavant est beaucoup plus fort. Mikey et moi sommes dans la cuisine. Mes parents sont à Washington chez mon oncle. Nous avons allumé la radio et de la musique passe. Mikey m'entraine et me fait danser. D'abord une musique entrainante puis la musique change et devient un slow. J'essaye de me dégager, mais Mikey m'attire contre lui. Mon regard croise ses beaux yeux bruns, mon cœur se met à battre plus fort. Je me laisse conduire, je ne résiste pas. Je n'en ai pas envie. Je m'abandonne totalement à la musique, la laissant me porter, mais je m'abandonne aussi dans les bras de Mikey. J'entends les battements réguliers de son cœur et me laisse bercer par ses bras et le bruit de son cœur. Je suis si bien dans ses bras. Depuis le départ de Riley et Gerard, il est mon seul soutient. Est-ce-que je serais en train de tomber amoureuse de Mikey ? Je niche mon visage dans son torse. Je crois bien que Mikey me plais. Je relève la tête, mon nez touche le sien et ses lèvres effleurent les miennes.

      La musique cesse soudain. Une voix s'élève dans les enceintes.

      « Mesdames, messieurs, nous venons de recevoir des nouvelles du front. Nous sommes en mesure de vous donner au moins deux noms qui nous sont déjà parvenus. Il s'agit de Gerard Way et Riley Write. »

      Je suis toujours dans les bras de Mikey. Cette nouvelle m'assomme tout d'un coup et j'ai l'impression soudaine de tromper Gerard. Je me détache de Mikey, qui ne semble pas comprendre sur le moment pourquoi je le repousse. Je m'assois sur le canapé toute chamboulée. Mikey tente un geste vers moi, mais se ravise aussitôt. J'ai la tête entre les genoux et pleure quand j'entends la porte claquée. Mikey est parti, il m'a laissé seule ici. Il a dû croire que je ne faisais que m'amuser de lui, alors que ce dont je viens de me rendre compte, c'est que je l'aime. Je sais que le maquillage de mes yeux a coulé et ce mascara sur mes joues doit me faire ressembler à un panda. Je sèche mes yeux et me précipite dehors. Mikey est déjà à l'autre bout du jardin. Je cours, je dois le rattraper.

      « Mikey, attends. »

      Il s'arrête, se retourne et pose sur moi un regard emplit de tristesse.

      « Je suis désolé, je n'aurais pas dut réagir comme ça.
      - Non, c'est moi qui n'aurais pas dû. Mikey, je suis désolée de t'avoir repoussé, ce n'est pas à cause de la nouvelle, c'est parce que je viens de réaliser quelque chose.
      - Quoi ? Quelle chose ?
      - Je t'aime. »

      Il me dévisage avec cet air qu'il a très souvent et qui donne l'impression qu'il ne sait pas ce qu'il fabrique ici. Il tend sa main vers mon visage et la pose sur ma joue. Il la caresse avec son pouce et essuie une de mes larmes.

      « Carrie, je t'aime aussi. Je n'ai jamais osé te le dire à cause de Gerard. Quand il m'a demandé de veiller sur toi, je me suis dit que tu étais sa petite amie et que je ne devais pas penser à toi autrement qu'en tant qu'un frère. Mais Gerard m'a dit de veiller sur toi, et maintenant il n'est plus là. Il a surement dû sentir qu'il ne reviendrait pas. Je ne sais pas ce que tu vas décider maintenant, mais je pense que si tu veux que l'on commence quelque chose, tu voudras attendre pour officialiser, le temps que tout le monde se remette pour Gerard.
      - Ça serait plus sage. »

      Il s'approche, me sert dans ses bras puis m'embrasse. Oui, attendre, c'est mieux.

      Et c'est ce que nous avons fait, un peu plus de six mois plus tard. Voilà maintenant deux ans qui sont passés. Nous sommes en 1944, au début de l'année. Si peu de personnes ont étaient étonnées lorsque Mikey et moi avons officialisé notre relation, encore moins l'ont été lorsqu'il m'a demandé de l'épouser, et que j'ai évidemment accepté. Comme avec Gerard, je n'ai pas attendu d'être mariée avec Mikey pour que nous fassions l'amour. Enfin, ce n'est pas ce qui importe pour le moment.

      Donc en ce début 1944, nous nous apprêtons à partir en Angleterre. Nos gouvernements respectifs ont mis en place un plan pour libérer l'Europe. Mikey a décidé d'y participer et dès maintenant, les réunions pour tout mettre en place commencent. Nous avons décidé de nous marier sur place. Et dans six mois, je vais donner naissance à notre premier enfant. Je suis enceinte de trois mois, mais personne ne le sait, à part Mikey et moi. Il aimerait que le bébé soit une fille, pour que dit-il, elle soit aussi belle que moi. Quant à moi, j'aimerais avoir un garçon, un adorable petit garçon, portrait craché de son père et pour qu'il puisse veiller sur ses futurs petits frères ou petites sœurs. Même si nous avons chacun notre préférence, ce n'est pas si important, du moment qu'il est en bonne santé. Nous avons retrouvé mon frère Tom et vivons avec ce dernier, qui est dans la confidence de ma grossesse.

      Le mariage a été long à organiser et nous sommes maintenant au mois d'avril. Je suis enceinte de sept mois et mon ventre se voit sous la robe, mais qu'à cela ne tienne, je vais épouser Mikey et dans deux mois nous auront le plus beau, le plus adorable des bébés. Mikey m'attends, et c'est Tom qui descend l'allée avec moi. Il n'y a presque pas d'invités, excepter quelques amis que Mikey s'est fait. Le prêtre commence la cérémonie. Tout se déroule bien jusqu'au moment où il demande si quelqu'un s'oppose à notre union.

      La porte s'ouvre et Gerard la passe. Mon premier réflexe est de serrer la main de Mikey encore plus fort. Nous sommes l'un et l'autre sous le choc. Gerard est censé être mort il y a trois ans. Quant à lui, il ne semble pas croire que je sois sur le point d'épouser Mikey.

      « Ça alors, si je m'attendais à ça pour mon retour.
      - Gerard, tu es... Tu es... Vivant.
      - Y a pas plus vivant que moi.
      - Mais, on croyait que tu étais mort.
      - Riley l'est et moi, ils ont réussis à me réanimé, mais je me suis retrouvé en URSS. Ils m'ont soignés et je les ai aidé à se battre. Quand ils ont su, et qu'ils ont discuté avec le gouvernement anglais et le nôtre, pour l'opération de juin, ils m'ont envoyés ici. »

      Il nous regarde chacun notre tour, de la tête aux pieds et se rend compte que je suis enceinte.

      « Vous n'avez pas perdu de temps. Quand je pense que c'est moi qui aurai dû être à sa place.
      - Pas forcement. A un moment ou à un autre, j'aurais réalisé que finalement, je ne t'aimais pas. Enfin, pas comme j'aime Mikey.
      - Ce n'est pas grave. Après tout, moi non plus je n'ai pas attendu. »

      Une jeune femme blonde passe la porte à son tour, en tenant par la main une petite fille d'à peu près deux ans, aussi brune que Gerard. Elle vient se poster à ses côtés et lui prend la main. La petite se jette dans les bras de Gerard en criant un "papa" qui résonne à travers l'église.

      « Carrie, Mikey, je vous présente ma femme, Carolina et notre fille, Helena. Mon ange, je te présente mon frère Mikey, et sa future femme dans quelques minutes, Carrie.
      - Enchantée.
      - Oui, nous aussi. »

      Elle a un léger accent russe quand elle parle, mais à l'air très sympathique.

      Le prêtre commence à s'impatienter.

      « Excusez-moi, si nous pouvions reprendre.
      - Oh, oui désolé. Nous allons nous asseoir. »

      Gerard, Carolina et Helena vont s'asseoir au premier rang. Le prêtre reprend la cérémonie. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je deviens madame Michael James Way. Le plus étrange pour moi, c'est la première fois que l'on m'a appelé madame Way. Mais maintenant que j'y pense, je serais madame Way pour le reste de ma vie.

      Les deux autres mois passent aussi vite que les autres. Je profite de Mikey le plus possible et j'apprends aussi à connaître Carolina, qui est bien heureuse d'avoir quitté son pays.

      Nous sommes le 5 juin, le débarquement en Normandie a lieu demain. L'arrivée du bébé est imminente, il va arriver dans les prochains jours et je ne suis plus sure de vouloir laisser Mikey partir. Pourtant sa décision est prise, si le bébé n'arrive pas avant son départ, il partira. Alors, secrètement, j'espère qu'il se décidera à venir avant demain matin. Qui plus est, j'ai un très mauvais pressentiment concernant cette opération. Une boule dans la gorge, comme l'impression que s'il part, il ne me reviendra pas.

      Ce soir, nous dinons seuls et nous passons une soirée romantique à deux. Et j'ai décidé que pour que cette soirée soit parfaite, nous devions faire l'amour pour la clôturée. Ce que je n'ai pas dit à Mikey, c'est que certaines des femmes enceintes que je côtoie, et qui ont déjà deux ou trois enfants, m'ont révélée que cela accélérai le travail, et que donc si la poche des eaux est percée et que le bébé arrive, Mikey serait contraint de rester. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

      Je me suis levée tôt ce matin. C'est le jour J. J'ai senti le bébé se retourner plusieurs fois cette nuit et ce matin. Carolina, Helena et moi accompagnons Gerard et Mikey au bateau qui les emmènent en France. Mon frère y part aussi. A ma grande surprise une jeune femme l'accompagne, elle s'appelle Louise et c'est sa petite amie. Je sers Mikey dans mes bras et l'embrasse. Le petit redonne un autre coup très fort dans mon ventre. Il va arriver, maintenant je le sais que c'est aujourd'hui. Je dois le retenir à tout prix.

      « Je t'en supplie, n'y va pas.
      - Je dois y aller, je suis obligé.
      - Mikey je t'en supplie, le bébé va arriver.
      - Alors il arrivera le jour de la liberté. »

      Il m'embrasse une dernière fois puis se dirige vers le bateau. J'ai les yeux embués de larmes. Je dois de nouveau tenter quelque chose.

      « Michael. »

      Ça doit être la première fois de ma vie que je l'appelle par son prénom et non pas Mikey. C'est tellement inhabituel que Tom et Gerard se retournent. Mikey pose son packtage sur le sol et je cours vers lui. Désolée petit bout, mais je dois le forcer à rester. Il m'attrape dans ses bras. J'enfouis ma tête dans son torse.

      « Reste. Pas pour moi, mais pour lui.
      - Je ne peux pas. S'il était venu cette nuit j'aurais pu, mais là, c'est impossible.
      - Way ! Nous n'attendons plus que vous. Montez et au pas de course ! »

      Le commandent de la section ayant ordonné, Mikey obéit. Il m'embrasse une dernière fois avant de monter sur le bateau. Il me fait signe jusqu'à ce que celui-ci ne soit plus visible depuis le port. C'est à ce moment précis que je m'effondre en pleurs. Louise et Carolina parviennent tout juste à me retenir.

      Nous reprenons la voiture et nous rendons au quartier des opérations. Le père de Louise étant général, nous avons pu obtenir de rester dans le cœur de l'action. Sur chaque bateau, une radio est disponible. Dans quelques minutes, ils seront arrivés sur les côtes Normandes. Mikey a réussi à avoir de mes nouvelles.

      « Comment tu te sens ma chérie ?
      - Ça peut aller, à part qu'il donne énormément de coups de pieds. Mikey, je voudrais tellement que tu sois là.
      - Moi aussi, je voudrais être avec toi. »

      Une douleur déchirante me traverse les entrailles et je pousse un hurlement de douleur.

      « Carrie ? Carrie !
      - Tout va bien. Je crois qu'il arrive. »

      Une seconde douleur, plus forte encore que la première me fait hurler plus fort.

      « Carrie, il faut qu'on t'emmène à l'hôpital.
      - Non, pas maintenant, pas avant que le débarquement n'est commencé.
      - Si Carrie maintenant, on a plus le choix.
      - Vas-y mon ange. Il faut que je rende la radio, nous allons arriver. (Silence de quelques secondes). Carrie.
      - Oui mon amour.
      - Je vous aime tous les deux.
      - Nous aussi Mikey, on t'aime. »

      La communication s'arrête et les filles me conduisent à l'hôpital. Elles sont toutes les deux avec moi. Le travail est dur et douloureux. Les médecins ont branché la radio de façon à savoir ce qu'il se passe sur le front en même temps. De ce que je peux entendre, la première ligne est passée avec quasiment aucun blessé ou mort.

      Mes contractions sont de plus en plus rapprochées et tu es arrivé, toi mon cadeau de la vie à 6 heures 06. Tu es un garçon, et le plus beau bébé qu'il m'ait été donné de voir. Tu n'as pas de prénom pour le moment. Évidement j'ai mon idée, mais je veux attendre que ton père soit là pour te le donner. Ces dernières minutes, personne n'a prêté oreille à la radio, tous étaient trop affairés à mon bébé. Je ne sais donc pas ce qui a pu arriver, et pour le moment, je préfère m'occuper de toi mon petit ange. Je te nourris, t'habilles et te regarde longuement. Tu lui ressemble tellement, un petit Mikey tout craché.

      A la fin de la journée, les médecins me disent que nous pouvons rentrer à la maison. Je t'enveloppe délicatement dans cette couverture que ta grand-mère a elle-même faite.

      A la maison, Louise m'apprend les dernières nouvelles. Les blessés les plus graves sont rapatriés ce soir dans l'un des bateaux.

      Ma première nuit de maman est entre les biberons et le sommeil. Ce qui me réveille, ce n'est pas le bébé, mais des coups frappés à la porte en bas et la sonnette qui retentit. Le petit se met à pleurer. Je le prends dans mes bras et descends. Carolina et Louise ont entendu et descendent elles aussi. Louise ouvre la porte et Tom entre en trombe dans la maison. Il se dirige vers moi et en faisant attention au bébé serre mes bras.

      « Carrie, il faut que tu t'habilles et que tu viennes avec moi. Vite. Louise, est ce que tu peux changer et habiller le bébé ?
      Oui. »

      Louise le prend et je me précipite au premier. Carolina prépare dans le même temps un biberon pour le bébé et le petit déjeuner pour Helena. Je redescends cinq minutes plus tard. Louise me redonne le bébé. Elle avait commencé à lui donner le biberon, ce que je vais continuer en route. Tom ne m'a pas dit où, quoi et pourquoi il fallait que je vienne, mais je sais pertinemment qu'il s'agit de Mikey. Je regarde mon frère attentivement et me rends compte qu'il a un bandeau sur l'œil gauche et trois doigts en moins. Je n'ose pas imaginer l'état de Mikey.

      « A quelle heure c'est arrivé ?
      6 heures 06.
      En même temps que lui. »

      Je baisse un peu la couverture.

      « Il est vraiment beau.
      Il ressemble à son père.
      Comment tu l'as appelé ?
      Il n'a pas de prénom pour le moment, mais je crois que je vais l'appeler...
      Je vois comment tu veux l'appeler. »

      En bon grand frère qu'il est, Tom me dépose un baiser sur le front.

      « Ne t'en fais pas petite sœur, on sera là pour toi. »

      Je ne sais pas comment il a deviné que je pleurais silencieusement. La voiture s'arrête devant l'hôpital. Je respire un grand coup et passe les portes avec Tom à côté de moi.

      L'infirmière me conduit au lit de Mikey. Normalement, les enfants sont interdits, mais personne ne dit rien.

      Mikey est à demi assit dans son lit et me sourit faiblement. Ses pansements sont ensanglantés. Je m'assois sur le bord du lit les larmes aux yeux. Il lève les bras difficilement, et m'enlace avec difficulté.

      « Ne pleures pas je t'en prie.
      Comment veux-tu que je ne pleure pas ?
      Parce qu'il y a le bébé. Tu dois être forte. Et aussi parce que je suis encore là. Montre le moi. »

      Il retire ses bras de moi, je déploie la couverture, lui dévoilant notre fils. Je lui pose délicatement dans les bras.

      « Il est magnifique.
      Tu vois, je t'avais bien dit que ce serait un garçon.
      Quel prénom tu lui a donné ?
      J'avais idée de lui donner le tien.
      Michael James Way Junior.
      Oui. Petit Mikey.
      D'accord. »

      Une des infirmières vient avec un appareil photo. Ce sera le seul et unique cliché de notre petite famille. Les heures passent et je reste auprès de Mikey. Les infirmières ont trouvée un lit de bébé pour petit Mikey qui s'endort aussitôt. Il se réveille uniquement pour manger.

      Quelques jours passent et l'état de Mikey se détériore de plus en plus. Une semaine plus tard, Mikey est mort dans son sommeil, dans mes bras.

      Et maintenant, je suis seule avec toi mon bébé, mon ange, mon amour, trésor de ma vie. Michael James Way Junior. Mikey. Tu me le rappelle de jours en jours tellement tu lui ressemble. Si je t'écris tout ça aujourd'hui, c'est pour qu'à ton tour tu puisses connaître ton père et savoir quel homme merveilleux il était. Il s'est sacrifié pour la liberté du monde mais il nous a aimé plus que tout, même si ça n'a duré que très peu de temps.