#46 26 Février 2013 14:18:54
J'ai vraiment découvert Kafka en lisant ses recueils de récits et en les étudiant en cours d'allemand, pas seulement la Métamorphose (apparemment, c'est l'oeuvre qu'on fait le plus étudier de lui à l'école, et la plus célèbre, pourtant à mon sens ça n'est pas le texte le plus facile pour entrer dans l'univers de cet auteur), mais aussi A la Colonie Pénitentiaire, Un Médecin de Campagne, Un artiste de la faim et Le Terrier, bref, ses quatre recueils.
Je recommande leur lecture à tous ceux qui ont apprécié l'atmosphère sombre et déshumanisée du Procès (que j'ai également adoré) : A la colonie pénitentiaire est une nouvelle particulièrement intéressante, tristement visionnaire, sur la façon dont l'exécution d'un condamné est déléguée à une machine froide, implacable. Le rôle du bourreau, que son propre zèle vis-à-vis de cette machine à torture révolutionnaire (vive le progrès...) pousse à se sacrifier lui-même, pousse aussi pas mal à s'interroger.
Comme toujours, l'écriture est détachée, précise et réaliste, quand les rouages du récit sont fantasmagoriques, absurdes. C'est l'effet que me fait la lecture de Kafka : on me raconte un cauchemar, avec détachement, comme si c'était la réalité : certains enchaînements paraissent complètement incongrus, comme l'est cette logique incohérente des mauvais rêves, quand ils nous confrontent à une causalité aberrante, bizarre, qu'on ne parvient pourtant pas à enrayer. Ce sentiment d'impuissance face à une logique apparemment absurde, et pourtant implacable, transparaît beaucoup dans Le Procès, mais je trouve qu'elle traverse beaucoup d'autres textes, comme Un Médecin de Campagne (qui pour le coup m'a vraiment glacé le sang, tant certaines scènes sont inattendues). Même L'Amérique, roman qui a des aspects plutôt marrants (certains personnages sont vraiment grotesques), me paraît construit un peu sur cette logique, où le narrateur/personnage principal est entraîné malgré lui.
Et contrairement à certains auteurs qui jouent à feindre le détachement, son écriture ne me donne jamais l'impression d'être le produit d'un effet de style.
Bon, je pourrais radoter encore des lignes et des lignes sur ce que j'aime chez cet auteur (les thèmes que ses oeuvres abordent, comme les exigences artistiques et l'ascétisme, la vie intérieure et sa paranoïa, le fonctionnement d'une société ), parce que j'adore toutes ses ?uvres, je suis fascinée par toutes les interprétations littéraires, psychologiques, philosophiques, qu'elles suscitent et que c'est probablement mon écrivain préféré. Mais je n'arriverais pas à faire le tour du sujet, de toutes manières, donc je vais me contenter de conseiller, à ceux qui ne les auraient pas lus, de se plonger dans les recueils d'histoires courtes. Si les romans vous ont plu (ou même si vous êtes tentés par l'auteur, mais que vous n'avez pas envie de vous lancer dans un roman), vous ne serez pas déçus je crois. :)
Il y aussi pas mal d'adaptations qui valent le coup, que ce soit au cinéma ou en films d'animation. [iLle Procès[/i] de Orson Welles est vraiment super (la facette expressionniste d'Orson Welles va vraiment bien avec l'univers de Kafka, en outre, le film ayant été réalisé après la seconde GM, il exploite tout ce contenait, en puissance, ce roman, qui du coup prend rétrospectivement un aspect prophétique). J'ai trouvé aussi une adaptation téléfilm de la BBC avec Kyle McLaughlan, Anthony Hopkins et d'autres têtes de casting, qui est sortie en 1993 mais jamais en France, je crois. Je l'ai pas encore regardée mais ça devrait être intéressant !
PS : Désolée, ça fait un peu long de message !
Dernière modification par Saintrailles (26 Février 2013 14:20:52)