#212 25 Février 2015 19:08:03
Voilà, dernier voyage de Gulliver : une île peuplée de Yahoos (je me demande quelle est le degré de coïncidence avec le nom du site yahoo) et de Houyhnhnms. Si vous avez l'impression que ce dernier mot se hennit plus qu'il ne se prononce, vous êtes sur la bonne voie. Les Yahoos sont des sortes d'hominidés primitifs et extrêmement peu civilisés. Brutaux, analphabètes, vicieux, méchants, tous les qualificatifs les plus désagréables leur vont comme un gant. Les Houyhnhnms (merci le copier-coller) sont des chevaux. On ne peut plus intelligents et surtout raisonnables. Tout se passe à merveille dans leur meilleur des mondes où l'on ne connaît pas le mensonge, et où seuls les Yahoos ont des défauts.
Après avoir fait le tour des travers de la société chez des peuples humains, Gulliver en arrive à la conclusion que ces équidés dépourvus de passions et de sentiments, gouvernés par la seule raison, sont la preuve vivante que l'espèce humaine est irrécupérable. Malheureusement pour lui, lesdits équidés en arrivent à la conclusion que ce Gulliver qui, contrairement aux autres Yahoos, s'est montré doué d'un tant soit peu de raison, reste un yahoo et doit être renvoyé d'où il vient, faute de quoi il risque d'avoir l'idée d'allier son intelligence à la méchanceté naturelle de ses presque semblables. Le voilà donc prié d'aller faire naufrage ailleurs. Retour de Gulliver, bon gré mal gré, à son bercail anglais !
Dans tous ces récits, Swift caricature l'un ou l'autre des aspects de la "civilisation" occidentale, tout le monde en prend pour son grade et c'est très amusant, car finalement on y retrouve de nombreux traits de notre monde actuel, entre politiciens corrompus et gangrène de l'argent.
Mais j'avoue que le dernier voyage m'a laissée un peu perplexe. Et en fait, pas tant que ça. Parce que oui, quand on voit "objectivement" ce dont l'espèce humaine est capable de commettre comme atrocités - il n'y a qu'à ouvrir un journal ou à regarder les informations - on peut se demander si ce ne serait pas plus simple de rayer tout ce beau monde de la carte. Ça ferait des vacances à la planète. Mais en même temps, l'absolue raison dépourvue des moindres sentiments chez les Houyhnhnms, même si c'est très reposant d'avoir affaire à des gens qui ne voient pas le monde tourner autour de leur nombril et qui réfléchissent un peu, ça ne m'a pas convaincue à 100 %. Bref, les Houyhnhnms sont trop parfaits et ils en sont ennuyeux à périr, au bout du compte. C'est bien, d'être raisonnable, poli, bien éduqué, sensé et tout et tout, mais quelque chose me dit que ce qui a fait progresser l'humanité depuis des milliers d'années, c'est la passion, la déraison occasionnelle, le petit grain de folie des grands créateurs.
Alors autant les premiers voyages sont un vrai récit comique, de mon point de vue, autant le dernier est une caricature qui donne matière à réfléchir. Entre le tout noir et le tout blanc, finalement, je crois que j'apprécie le gris et ses 7 milliards de nuances (moins quelques-unes que j'ai juste envie de fusiller, parce qu'envoyer une gamine de 7 ans se faire exploser sur un marché, là, c'est du 100 % Yahoo et ça devrait disparaître de la surface de la Terre). Dommage qu'il faille prendre aussi les abrutis pour avoir les sympas, quand même.
Quel pavé ! Tout ça pour dire que mon 4/26 pour l'ABC2015 m'a fait passer un très bon moment de lecture et que je ne regrette pas d'avoir pris la peine de lire ce classique que je pensais connaître, mais en fait non.