Les petits écrits de Galliana

 
    • Galliana

      Apprenti Lecteur

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      #1 14 Août 2015 00:32:23

      Un fil de discussion pour vous présenter un peu ce que j'écris. Les premiers textes que je posterai seront anciens de quelques années pour la plupart, donc différents dans le style et dans d'autres points de ce que j'écris actuellement.

      Pis peut-être que je mettrai un extrait du roman sur lequel je bosse actuellement (plus précisément que je corrige une sixième fois pour l'envoyer à nouveau aux éditeurs) :tim:


      Voici donc le premier. Il s'intitule "La Petite Locomotive". Je l'ai écrit en 2011.





      L’homme rentrait chez lui après une journée chargée. Les travaux de restauration que ses frères et lui entreprenaient dans l’ancienne maison de leur oncle avaient bien avancés. Et, comme chaque jour, ils avaient révélé leurs lots de petites surprises. Seulement cette fois, il n’avait pas s’agit de piles de journaux soigneusement rangées dans un placard pour d’obscures raisons, mais plutôt d’une découverte ; une découverte que l’ouvrier avait décidé de ramener à son domicile, afin de l’offrir à son jeune fils.
      Passant la porte de son appartement, il fut accueilli par une joyeuse cacophonie ; un mélange de musique pop et de bruitages de jeux vidéo envahissait en cet instant les soixante-mètres carrés de sa location.
      —    Je suis rentré ! hurla-t-il en déposant ses affaires dans le corridor.

      Ni sa fille adolescente, ni son garçon de huit ans ne sembla entendre son annonce. Cela ne l’étonna guère cependant et ne l’ennuya pas plus. Après tout, c’était la même chose tous les soirs. Il comptait néanmoins sur sa petite trouvaille pour susciter l’intérêt de son fils, voire lui décrocher un réel sourire.
      Ce petit espoir contenu dans sa poitrine, il alla frapper à l’une des chambres, puis y pénétra, son bras droit caché dans son dos.
      —    J’ai quelque chose pour toi, Jason !

      À ces mots, le dénommé Jason leva les yeux de son jeu, puis regarda ce que son père lui présentait fièrement. Il s’agissait d’un jouet ; d’une locomotive en métal plus précisément et elle n’était pas en très bon état. Les roues et les bielles d’accouplement étaient décolorées et rouillées, la cabine de conduite cabossée et il manquait un crochet d’attelage.
      —    Je l’ai trouvé dans la maison de ton grand oncle, affirma l’homme, avant de s’approcher d’un pas. Il a dû l’oublier quand il a déménagé.
      —    Tu veux que je fasse quoi avec ce vieux jouet pourri ?
      —    Mais enfin ! Ce n’est pas un vieux jouet pourri ! Cette locomotive a probablement l’âge de ton grand-père. Elle a une certaine valeur.
      —    Ouais. Bah c’est ce que je dis. C’est un vieux jouet pourri.

      Un peu déçu par la réaction de son garçon, l’ouvrier abaissa son bras, puis se résolut à déposer la locomotive sur le bureau.
      —    Tu sais, si elle pouvait parler, je suis sûr qu’elle aurait beaucoup de choses à te raconter, déclara-t-il avant de quitter la pièce.

      À ces paroles, Jason haussa un sourcil perplexe, avant de pousser un profond soupir et de se replonger dans son jeu vidéo.

      Quelques heures plus tard, la nuit était tombée. Playstation, télévisions et chaîne hifi étaient éteintes et le silence régnait en maître dans l’appartement. Étendu sur son lit, Jason tentait, en vain, de trouver le sommeil. En désespoir de cause, il se redressa, alluma la sa lampe et chercha quelque chose susceptible de lui faire passer le temps. Il posa alors les yeux sur la petite locomotive et la détailla une dizaine de secondes. Puis, lui trouvant soudain un certain intérêt, il se leva et alla la récupérer sur le meuble. Il se rallongea ensuite sur son lit et commença à analyser le jouet sous toutes ses coutures. Les propos de son père lui revinrent en tête, comme il passait un doigt le long de la boîte à fumée.
      —    Je crois pas que t’aurais des trucs intéressants à m’apprendre, affirma-t-il sans perdre l’objet des yeux. Je sais pas t’as quel âge, mais un jouet ça vit rien de cool. Surtout pas avec mon grand-oncle.

      Seuls les bruits de la rue lui répondirent. Pourtant, le garçon eut l’impression d’avoir été écouté. Instinctivement, il regarda vers la porte entrouverte, afin de voir si son père ou sa sœur n’étaient pas venus glisser un œil et, dans ce cas-ci, une oreille indiscrète. Il n’aperçut, cependant, personne.
      —    Tu d’viens dingue mon ‘tit Jaz, dit-il peu de temps après, imitant le ton de voix de son aînée.

      Agacé par ses propres réactions, il posa la locomotive sur la table de chevet, puis éteignit la lumière. Ses paupières se firent lourdes sitôt l’obscurité revenue dans la pièce. Bien vite, ce marchand de sable qu’il attendait depuis plus d’une heure passa et Jason plongea sans résistance dans un rêve.

      ***



      Il fait sombre et les sons sont comme étouffés. Puis, un rets de lumière transperce la pénombre, l’aveuglant. Quelque chose la saisit et l’emmène au grand jour. Elle découvre alors une grande pièce au papier peint fleuris. Un calendrier est accroché près du vaisselier ; il indique le 10 juillet 1942. Elle n’a pas le temps de détailler plus son nouvel environnement que, déjà, son jeune propriétaire la tourne dans sa direction. Elle le dévisage comme lui l’inspecte. Il est brun, les yeux marrons presque noirs et porte une chemise blanche. Il a une bonne tête ; elle l’aime déjà.
      —    Elle est magnifique madame Fanchard, s’exclame-t-il. Merci !
      —    C’est la locomotive que tu voulais David ? interroge la dite madame Fanchard.
      —    Non, mais celle-ci est bien plus belle !

      La petite locomotive sent une fierté poindre dans son cœur de métal. Elle, plus belle qu’une autre ?  Oui, décidément, ce petit garçon est adorable.
      Derrière elle, une porte s’ouvre. Le dénommé David se lève à toute vitesse, sans la lâcher, et court en direction du nouveau venu. Son père, sans doute et, dans le peu de temps qu’elle parvient à le voir, elle remarque une étoile jaune cousue à son manteau.
      —    Papa ! Regarde ce que madame Fanchard m’a offert pour mon anniversaire !
      —    Hé bien ! En voilà une belle locomotive ! »

      L’homme sourit en prononçant ces mots, pourtant son ton est terne, presque triste et son visage est préoccupé. Elle a envie de lui demander ce qui ne va pas, mais une évidence la frappe de plein fouet : elle est un simple jouet et n’est pas douée de paroles. Elle ne peut que constater les choses, sans pouvoir agir dessus.

      Un peu moins d’une semaine plus tard, la locomotive est littéralement tombée amoureuse de son petit maître. Il s’amuse avec elle tous les jours, sans pour autant délaisser les autres jouets, et le fait avec une délicatesse remarquable. Jamais il ne la choque ou ne la secoue et c’est toujours avec la plus grande prudence qu’il la pose sur le sol ; comme s’il craignait de la briser. Du point de vue de la petite machine, il ne peut pas y avoir de meilleur enfant au monde. Un tambourinement à la porte, le matin du 16 juillet, vient cependant lui montrer que son avis n’est pas celui de tous.

      ***



      Sorti de son sommeil par le vacarme, le père de David se lève pour aller ouvrir. Son épouse le suit de près, à la fois surprise et apeurée, serrant dans sa main, les doigts de son fils à moitié endormi. Du haut d’un meuble, la locomotive observe la scène, intriguée et inquiète. Elle l’est encore plus quand elle voit les responsables de ce dérangement auroral.
      Il s’agit de deux policiers, armés et qui vocifèrent des ordres comme si leur vie en dépendait. Il en résulte une pagaille générale, à laquelle elle ne comprend rien. Pourquoi son petit maître et ses parents doivent-ils préparer des paquets avec le strict nécessaire ? Un danger les menace-t-il ? Et pourquoi tant de hâte ? Toutes ces questions lui vrillent les pistons. Elle aimerait les poser mais est muette de nature. Et quand bien même elle ne le serait pas, elle en est sûre, cela ne changerait pas grand-chose. Au même titre que David et sa mère, le choc et la panique l’empêcheraient de prononcer le moindre son.
      —    Non ! Tu laisses ce jouet ici !
      —    Mon fils ne peut pas au moins emmener…
      —    On a dit, le strict nécessaire ! Et ce…
      —    Laisse ! Je vais la prendre moi, cette locomotive. Je la donnerai au gamin quand il sera dans l’autobus.

      Le sourire qu’échangent les deux hommes à ce moment-là fait comprendre à la machine qu’à aucun moment elle ne sera rendu à son petit maître. Cet individu ment. Il va la dérober, l’emporter loin de son propriétaire !
      Prise de peur, elle commence à rouler en marche arrière, afin d’échapper à son ravisseur. Celui-ci n’a, hélas, aucune difficulté à l’arrêter et sa paume poisseuse se referme sur elle comme un étau.
      Une dizaine de secondes plus tard, l’ensemble de la petite famille passe la porte de l’appartement, les bras chargés de paquets ; quant à elle, elle est jetée sans ménagement dans une besace odorante, au milieu d’autres objets.

      ***



      Quand elle retrouve à nouveau à la lumière, elle ne reconnaît pas l’endroit où elle est ; et encore moins l’enfant qui tend une main avide vers elle. Cela ne l’empêche pas de savoir où elle a atterri. Comme elle l’a supposé, le policier ne l’a pas rendue à son petit maître : il l’a ramené chez lui. Devinant cela, elle n’a aucune difficulté à comprendre que le garçonnet trépignant en dessous d’elle est le fils de ce désagréable individu.
      —    Je l’ai trouvé dans une rue ce matin. Un de ces juifs a dû la faire tomber de son sac.

      Menteur ! Elle a envie de hurler ce mot de toute la force de son sifflet. Malheureusement, elle ne parvient à produire aucun son ; et cela la fait fulminer. Elle ne veut pas être ici ; elle veut être avec David, quand bien même serait-il sous terre. Sa place est auprès de son propriétaire. Elle doit à tout prix le rejoindre.

      Cette idée la taraude pendant plusieurs jours. Quand l’usurpateur joue avec elle, elle ne pense qu’à la manière dont elle pourra s’enfuir et se rendre auprès de son petit maître. Elle a observé les allées et venues de chacun, a écouté les conversations et s’est même entraînée à rouler durant la nuit. Elle sait désormais où elle doit aller et comment sortir de l’appartement. Le plus difficile résidera dans le trajet la séparant de son objectif. Peu importe. Elle s’en fera fondre les roues et les essieux s’il le faut, mais elle retournera auprès de David.

      ***



      Combien de temps a-t-elle roulé ? Deux jours ? Deux ans ? Elle l’ignore. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle n’est pas arrivée à temps. Elle a vu les camions partir avec les enfants à l’intérieur. Son cher propriétaire était dedans, la mine déconfite. Elle l’a appelé, mais encore une fois, est restée muette. Puis, pendant plusieurs heures, elle a suivi les traces des véhicules ; elle y a mis toute son énergie. En vain. Quand elle a atteint la gare de Beaune-la-Rolande, le train était sur le point de partir. Avec David. Où l’emmène-il ? Ce grand frère qu’elle aurait tant aimé rencontrer dans d’autres circonstances, où emmène-t-il son petit maître ? Et surtout, le lui ramènera-il un jour ? Un mauvais pressentiment lui susurre une réponse à cette question. Mais elle se refuse à l’entendre. Aussi épuisée soit-elle, elle ne veut pas lâcher prise. Elle trouvera bien le moyen d’atteindre son objectif ; même si, pour l’heure, elle n’a pas la moindre idée de comment elle peut s’y prendre.

      Éreintée par sa longue course, la petite locomotive va se caler le long du quai. Là, elle observe les rails, comme si elle espérait y lire la solution à son problème. Elle les fixe jusqu’à s’en faire mal aux phares, puis ne tarde pas à tomber dans une sorte de somnolence comateuse ; quelque chose proche du sommeil des humains, mais qui n’en a pas les vertus réparatrices. Elle se retrouve alors dans un état second, où elle perçoit tout ce qui se passe autour d’elle, mais sans être capable de vraiment le comprendre. Elle sent ainsi une main se refermer autour de son corps et la soulever, avant de la retourner et de la glisser dans une poche. Elle entend les mots.
      —    Mon petit ! Regarde ce que j’ai trouvé ! Elle est belle pas vrai ?

      Mais c’est comme si elle avait été enroulé dans un linge épais. Puis une musique, suivie d’une voix nasillarde et grésillante. Elle a un soupçon de retour à la conscience quand l’homme prononce Ici Londres. Ses pensées restent, cependant, confuses. Des interrogations sans queue ni tête se catapultent dans son esprit, hurlent plus fort les unes que les autres. Comme pour se protéger, son système s’arrête à nouveau et elle replonge dans son étrange torpeur.

      ***



      Quand elle émerge à nouveau, elle ne comprend pas où elle se trouve. La dernière chose dont elle se souvient, c’est ce cheminot qui l’a emmené puis ramené chez lui. Alors que fait-elle, enfermée dans une main, au beau milieu d’une salle immense ? Et qui sont ces gens squelettiques ? Et ce mur rempli de photos, à quoi rime-t-il ? Tout cela n’a pas le moindre sens pour elle.
      —    Vous êtes certain qu’aucun des enfants raflés ce jour-là n’est revenu ?
      —    Certain. Mais, pourquoi pensez-vous que ce jouet a appartenu à l’un d’eux ?
      —    Je n’en sais trop rien. Disons que je l’ai senti. J’aurai vraiment aimé retrouver le propriétaire de ce petit train.

      La tristesse de l’homme lorsqu’il prononce cette dernière phrase réveille la douleur de la locomotive ; une douleur qu’elle avait réussi à faire taire en se plongeant elle-même dans une sorte de coma durant deux ans. Son petit maître lui a été arraché pour ne jamais lui être rendu. Elle pourra le chercher pendant des années, elle ne pourra pas le retrouver et ce pour une bonne raison : il est décédé. Cette simple pensée, absolument atroce, suffit à la plonger dans une nouvelle léthargie. 

      Elle reste si longtemps dans cet état de grâce qu’elle n’est plus capable de la quitter plus de dix minutes. Et à chaque fois, c’est pour repenser à son propriétaire ou pour se rendre compte qu’elle a été perdue, puis trouvée, avant d’être à nouveau égarée. Lors de ces rares réveils, elle captura des images, dont la plupart n’a aucune signification pour elle. Elle voit les humains vieillir, changer de visage comme elle passa d’une main à l’autre ; elle voit les époques défiler, de nouveaux objets apparaître et remplacer ceux qu’elle a toujours connu. Au final, tout, y compris elle, évolue à chacun de ses retours à la conscience. Seule une chose reste immuable : le visage d’un petit garçon aux yeux noirs.

      ***



      Les images de son rêve encore présentes dans son esprit, Jason se redressa sur son lit. En appui sur un coude, il observa la petite locomotive, posée sur sa table de chevet. Ses phares semblaient le dévisager et lui dire.
      —    Tu vois que j’ai vécu des choses !

      Soudain mal à l’aise, il tourna le jouet dans l’autre sens. Il resta ensuite à la regarder, cherchant à savoir si ce qu’il avait vu pendant la nuit lui avait vraiment été transmis ou si cela était le simple fait de son imagination. Mais comment aurait-il pu inventer tout ceci ?
      Des coups donnés contre la porte le sortirent de ses pensées. Il ne donna, cependant, pas l’autorisation d’entrer ; il savait pertinemment qu’il s’agissait de son père venu le réveiller et, dans cette situation, il n’attendait pas d’être invité pour pénétrer dans sa chambre.
      —    Tu es déjà debout ?
      —    Oui. J’ai fait un rêve bizarre cette nuit…Dis ? Tu crois que ça a une mémoire les jouets ?
      —    J’en sais rien. À ton avis ?

      Le petit garçon fronça un peu les sourcils, ses yeux toujours fixés sur la locomotive. Il commença alors à peser le pour et le contre et à récupérer les éléments de réponses sur des choses qu’il avait vu, lu ou entendu. La majore partie allait contre cette idée. À dire vrai, seul son rêve tendait à lui montrer que cela était possible. Lui, et une étrange intuition. Après plusieurs secondes de silence, il finit par répondre.
      —    Oui, je pense qu’ils en ont une.

    • Ifeelbook

      Livraddictien débutant

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      #2 18 Août 2015 23:51:36

      Très bon texte ! J'ai adoré ton histoire :)

      Parler à travers la locomotive est assez original, et ça me rappelle un livre illustré pour enfant que j'ai lu il y a bien des années : "Otto, autobiographie d'un ours en peluche" par Tomi Ungerer. C'est l'histoire d'Otto, un ours en peluche qui appartient au jeune David, un petit juif allemand ami avec un autre allemand, Oskar. L'enfant finit par être raflé et confit sa peluche à son ami. La peluche est perdue et les amis aussi. Après la guerre, bien des années plus tard, Oskar retrouve la peluche dans une boutique d'antiquités et fait la une des journaux, ce qui lui permet de retrouver son vieil ami David...

      Bref, je trouve ton histoire très jolie et j'espère pouvoir lire d'autres textes de ta plume ;)





      (Au fait, je suis un peu pointilleuse sur la grammaire et tu as fait une faute : "il n'avait pas s'agit" est incorrect, il faut dire "il ne s'était pas agi")
    • Galliana

      Apprenti Lecteur

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      #3 18 Août 2015 23:56:53

      Merci pour ton commentaire ! Contente que le texte t'ai plu (j'avais aucune réponse, je commençais à me poser des questions ^^)

      Je ne savais pas pour le point de grammaire, merci pour la correction !