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Il en est, des grands champs, pleins de graines, de fruits,
Qui, malgré ce présent, n'entendront aucun bruit,
Ne verront jamais battre des ailes.
Elles prennent racine, et ça s'emplit de sucre,
Malgré tout, nul oiseau n'y prendra aucun lucre
Si un épouvantail s'en mêle.
Regardez ces haillons, qui de toutes se jouent !
Sur les bêtes ailées, l'osier étend son joug :
Frêles, fiers, et ballants sont ses bras !
Qu'un seul d'entre eux suffise, en un si large champ
Pour garder en lieu sûr des mets si alléchants
Met un peuple entier dans de beaux draps !
Où dine le moineau, sinon dans les labours ?
Alouette, étourneau, avouez : on accourt
Aussitôt la semence accomplie,
Mais le voir planté là, surveillant ce repas,
Transforme le festin en un vulgaire appât
Face auquel, ensemble, on se replie.
« Mais que vois-je ? Ô, la sotte ! » Entend-on en reproche :
La corneille, ingénue, face au danger approche !
Et le gardien lui parle à présent.
Il annonce : « oiseau noir, messager de malheur,
Ne vois-tu, devant toi, s'avancer ce doux pleur
Qu'on versera pour ton corps gisant ? »
La corneille, aussitôt, répond : « non, et pourquoi,
A peine approche-t-on, nous montres-tu le froid
Qui réside en ton cœur saccagé ?
Et pourquoi gardes-tu, sans t'être ainsi utile,
Loin de nous ce menu qui à nos yeux rutile ?
Et pourquoi t'y es-tu engagé ?
Je t'ai bien observé, et jamais tu n'en manges,
Tu les gardes pour l'homme, et cet homme en échange
T'oubliera en plein froid tout l'hiver.
Tu lui rend ce service, en y mettant du zèle :
Pourquoi faire ce choix, bientôt subir le gel ?
C'est l'énigme, est là tout le mystère. »
« Mais si je vous fait fuir, répond l'épouvantail,
Dans le but de vous nuire, affamer ta marmaille
Qui bientôt éclora dans un nid,
C'est pour contrer l'affront qu'un jour l'oiseau me fit :
Quand je voulu l'aimer, je revins déconfit
Parce qu'il m'opposa le déni.
Car je ne fais pas peur à l'oiseau ma victime,
C'est l'oiseau qui a peur de moi dès que s'anime
Ne serait-ce qu'un peu mes deux bras.
Je fais de mon talent un modeste métier,
Il faut gagner sa vie, et je ne peux le nier :
J'aurais tant préféré des hourras... »
A ces mots, la corneille, émue par le malheur
De son vieil ennemi, se dépose en douceur
Sur un bras honorant le dialogue.
Ainsi l'épouvantail arrêta d'effrayer,
Et les oiseaux des champs purent donc festoyer
Avec ce nouvel ornithologue.