#669 13 Juillet 2016 12:35:22
Merci les filles. Bonne future lecture à vous avec Le Cherche-bonheur. :)
Bonjour à tous !
Un petit passage rapide pour vous parler des Croix de bois de Dorgelès. Un livre où je me suis attachée aux personnages et qui m'a laissée un peu accablée quand je l'ai refermé… L'histoire, on la connaît tous. Celle de ces hommes, jeunes, trop jeunes, partis dans l'enfer d'une guerre dont ils ignoraient l'essentiel. Dorgelès nous fait partager tous leurs moments "bons" et mauvais : celui du départ , "la fleur au fusil ", la découverte des tranchées avec le manque d'hygiène, le froid,…, les longues attentes, les chamailleries, les attentions, les rires aussi entre camarades, et bien sûr les combats terribles où l'on ne peut même pas prendre soin de celui qui s'écroule blessé à côté de soi. La mort est présente, évidemment, sans cesse, "pour de vrai" et dans les pensées de chacun, parvenant à souhaiter qu'elle sera pour un autre, pas pour lui…
Voici juste quelques extraits :
"Les coups précipités nous cognent sur la nuque. Cela tombe si près qu'on chavire, aveuglé d'éclatements. Nos obus et les leurs se rejoignent en hurlant. On ne voit plus, on ne sait plus. Du rouge, de la fumée, des fracas[...]Cette meute de feu nous cerne. Les croix broyées nous criblent d'éclats sifflants… Les torpilles, les grenades, les obus, les tombes même éclatent. Tout saute, c'est un volcan qui crève. La nuit en éruption va nous écraser tous… Au secours ! Au secours ! On assassine des hommes ! "
"C'est une chose tragiquement maigre, avec des yeux immenses, des joues creuses salies de barbe, et des mains décharnées, dont les ongles griffent la pierre. Il ne bouge pas, pour ne plus sentir la blessure assoupie de ses cuisses broyées[...]Il espère, pourtant, ils espèrent tous, même le moribond. Tous veulent vivre[…] La vie, mais cela se défend jusqu'au dernier frisson, jusqu 'au dernier râle. Mais s'ils n'espéraient pas les brancardiers, si le lit d'hôpital ne luisait pas comme un bonheur dans leur rêve de fièvre, ils sortiraient de leur tombe, malgré leurs membres cassés ou leur ventre béant, ils se traîneraient dans les pierres avec leurs griffes, avec leurs dents. Il en faut de la force pour tuer un homme, il en faut de la souffrance pour abattre un homme… Cela arrive, pourtant. L'espoir s'envole, la résignation toute noire, s'abat lourdement sur l'âme. Alors l'homme résigné ramène sur lui sa couverture, ne dit plus rien, et comme celui là qui meurt dans un coin de tombeau, il tourne seulement sa tête fiévreuse, et lèche la pierre qui pleure. "
" On parlait de sa vie comme d'une chose morte, la certitude de ne plus revenir nous en séparait comme une mer sans limite, et l'espoir même semblait s' apetisser, bornant tout son désir à vivre jusqu'à la relève. Il y avait trop d'obus, trop de morts, trop de croix ; tôt ou tard notre tour devait venir. "
"C'est vrai, on oubliera. Oh ! Je sais bien, c'est odieux, c'est cruel, mais pourquoi s'indigner : c'est humain… Oui, il y aura du bonheur, il y aura de la joie sans vous, car tout pareil aux étangs transparents dont l'eau limpide dort sur un lit de bourbe, le coeur de l'homme filtre les souvenirs et ne garde que ceux des beaux jours. La douleur, les haines, les regrets éternels, tout cela est trop lourd, tout cela tombe au fond… On oubliera. Les voiles de deuil, comme les feuilles mortes tomberont. L'image du soldat disparu s'effacera lentement dans le coeur consolé de ceux qu'ils aimaient tant. Et tous les morts mourront pour la deuxième fois."
Bonne journée. Je continue ma balade normande sur les traces d'Arsène Lupin. :)
Dernière modification par Ennairod (13 Juillet 2016 12:36:28)