Histoire de Loup

 
    • SebCargis

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      Hors ligne

      #1 14 Septembre 2010 10:34:15

      Voici le texte que j'avais proposé pour le Livraddict Mag n°3. Pour avoir un petit historique c'est sensé être le texte d'ouverture d'un projet de roman. Le texte originel a subi quelques modifications depuis, mais cette version-là me plaît bien en tant que version indépendante :)

      Bref, si vous avez des avis, commentaires, critiques, je suis preneur ...



      Histoire de Loup

      Asa fit voler sa hache vers la tête de son adversaire, qui, empêtré dans ses fourrures sales, ne put s'écarter à temps. L'orque tomba brutalement dans la neige, son sang vert la faisant fondre autour de lui dans un nuage de vapeur d'eau. Essuyant rapidement le sang brûlant qui maculait sa hache, elle ne vit ni le coup de massue qui la fit tomber, ni son agresseur tomber à son tour, transpercé d'une flèche par un des chasseurs de sa tribu.

          Elle revint à elle trempée et frigorifiée, au milieu d'un concert de hurlements. Sentant un poids sur sa poitrine, elle se dégagea brusquement, pour s'immobiliser face à une gueule aux babines retroussées, grondant sourdement devant elle. Le loup blanc qui la menaçait faisait partie des loups les plus imposants qui trouvaient leur place dans les meutes errantes. De taille moyenne, elle aurait pourtant pu en se tenant debout le regarder dans les yeux sans baisser la tête.  Inspirant profondément pour tenter de calmer sa panique, elle regarda derrière le loup, apercevant plusieurs de ses congénères en train de dévorer les cadavres laissés par la bataille.

      ***

          Elle sentit le désespoir l'envahir, et baissa la tête, résignée. Seuls les orques laissaient les cadavres aux loups, et sa tribu n'aurait jamais abandonné de blessé, ou même de corps. Et la tribu d'orques avait très certainement continué vers le campement temporaire de la tribu, là où se trouvaient les enfant, les vieux, et toutes leurs maigres possessions. Devant elle, le grondement sourd continuait lorsqu'elle se coucha sur le dos, parmi les cadavres. La mort l'attendait, par le fauve devant elle ou par le climat de la Catastrophe. Allongée, elle attendit la fin, ne remarquant pas même la diminution du grondement. Le froid commençait à la gagner quand un bruit de pattes et un jappement annonça l'arrivée d'un nouveau loup. Croyant sa dernière heure venue, elle eut un sursaut quand un poids lui bloqua les jambes, mais elle ne pouvait plus lutter, et s'évanouit à la fois de peur et d'épuisement. Étrangement, pendant son inconscience, elle rêva de nourriture, et d'un grand terrier chaud ...

      ***

          Malgré la nuit, Asa fut réveillée par une brusque impression de froid, et, sans même ouvrir les yeux, grogna aux autres de refermer la tente. Elle allait essayer de se rendormir, malgré les élancements à l'arrière de son crâne,  quand elle entendit un hurlement à coté d'elle, beaucoup trop proche pour sa sérénité. Depuis la catastrophe, les loups s'étaient adaptés et avaient grossi. Ils étaient maintenant un véritable danger pour les tribus, presque invisibles sur la neige omniprésente. Il leur arrivait  d'attaquer et de détruire des tribus entières. Asa ouvrit les yeux, et les souvenirs de la veille lui revinrent : la bataille, puis le réveil face aux loups. La nuit glaciale était tombée, et elle était surprise d'être restée vivante aussi longtemps. Frissonnante, elle regarda les loups en face d'elle. Il s'étaient regroupés en cercle, et deux d'entre eux semblaient engagés dans un concert de jappements de d'aboiement. Plusieurs des loups l'avaient vu se relever, et elle frissonna en voyant leur yeux dorés posés sur elle. Les deux loups au centre du cercle se turent soudain, et le plus petit des deux vint vers elle, en trottant tranquillement. Elle tenta de reculer, mais ses jambes étaient encore engourdies, et le loup vint se positionner en face d'elle, en la regardant dans les yeux. Il jappa plusieurs fois, puis attendit qu'un autre loup apporte un sac et le pose devant le premier. Celui-ci prit le sac, et vint le poser presque sur les genoux d'Asa, qui retenait son souffle. Il tapa du museau contre le sac deux ou trois fois, puis recula.

          Asa tenta de reprendre ses esprits devant ce loup, qui semblait presque humain par ses réactions. Lentement, sans le quitter des yeux, elle tendit la main vers le sac, et le tira vers elle. Tout en continuant de surveiller le loup, elle ouvrit le sac, et reconnut aussitôt le contenu. Elle passa la main à l'intérieur pour vérifier l'état de ses possessions … Ses provisions, de fruits et de viande séchés, emballées dans une toile cirée. Une gourde, vide, qu'elle remplirait de neige ou à un ruisseau. Et enfin ses quelques possessions précieuses. Un couteau ornementé d'avant la Catastrophe, dont le manche avait été taillé dans l'ivoire d'un créature disparue depuis. Quelques bijoux d'os, qu'elle portait  dans les rares occasions où deux tribus se rencontraient pacifiquement. Et surtout un étui qui comptait plus que tout pour elle, car il contenait l'héritage de ses parents: une carte du monde d'avant, avant que les neiges et la glace ne le recouvrent et fassent disparaître tant de choses. La carte n'avait plus servi à la tribu depuis longtemps, mais elle restait tout de même un objet antique d'une valeur inestimable. Rassurée par le contact ses trésors, elle considéra sa situation d'un œil nouveau. Les loups en face d'elle ne semblaient pas agressifs, mais semblaient vouloir quelque chose.

          Elle sourit au loup qui lui faisait face, tout en lui parlant: « Que veut-tu, Loup ? ». Intrigué, il pencha le tête de coté, avant de japper en direction de ses pieds. Baissant le regard, elle regarda ses pieds bottés, puis le loup, et se leva, son sac dans les mains « C'est ça que tu veut, Loup ? ». Celui-ci jappa à nouveau, puis se posa sur son arrière-train. Tout-à-coup, Asa ressentit une urgence, un problème à régler. Elle regarda autour d'elle, mais rien ne bougeait, pas même la meute, dont les membres se tenaient à l'écart d'elle et de son « interlocuteur ». Elle le fixa, et fut à nouveau saisie par cette urgence, mais cette fois, elle commença à imaginer des images associées à cette urgence. Des chutes de neige interminables, le froid, la faim. Un loup, épuisé, s'abattant dans la neige, les côtes saillantes. Une portée de louveteaux sans vie, pris par le froid. Une forêt sans vie, sans proie. Puis, de grands rennes, portant des cornes effilées, les mêmes que chassait sa tribu, qui tuaient une meute de loups s'y étant imprudemment attaqué. Le soulagement de voir des groupes de bipèdes se rencontrer, et laisser des cadavres frais après leur séparation. Elle secoua la tête, s'éclaircissant l'esprit … Ce n'étaient pas ses souvenirs ! réalisa-t-elle brusquement. D'une façon ou d'une autre, ce loup communiquait avec elle, et elle voyait maintenant par les yeux de ses congénères leur vie depuis la Catastrophe. Elle se remit à fixer le loup dans les yeux, en essayant de penser « Que me veut-tu ? ».