#115 13 Février 2018 18:51:42
J'ai relu mon dernier message et cela m'a paru assez obscur, même à moi qui l'ai écrit. Alors je vais essayer d'être plus clair cette fois.
Knausgaard écrit en une lancée (il a lui même dit que cette autobiographie n'avait pas fait l'objet d'un gros travail de réécriture) sa vie en toute franchise, avec ses pensées et ses états d'âme, sans censure. Et d'ailleurs, je n'ai jamais perçu Knausgaard malhonnête dans sa confession si ce n'est les mensonges qu'on se fait à soi-même.
Parce qu'il a décidé de ne rien cacher, il ne nous épargne rien des mauvaises pensées (celles qu'on a et qu'on n'avoue pas), des pensées fugaces (celle qui nous traverse l'esprit sans pour autant qu'elle soit notre), des pensées banales (celle qui deviennent des préjugés), des pensées changeantes (celles qui se questionnent). Et surtout on a le droit à ces états d'âme face à la vie qui le met à l'épreuve. Et l'une de ces épreuves, encore plus spectaculaire parce qu'il nous concerne tous, c'est le quotidien. Comment faire face au quotidien lorsque toute notre énergie vitale aspire à quelque chose d'autre. Sans qu'on définisse ce quelque chose. Et Knausgaard est sans concession avec lui-même ( c'est d'ailleurs un trait de caractère de Knausgaard, ce côté chien battu, image qu'il a de lui-même et qui dégouline tout le long de ce roman). évidemment lorsqu'on lit le titre, Un homme amoureux, on s'attend à une histoire sensationnel. Il y en a du sensationnel, avec un passage où il se scarifie le visage (et qui n'a pas fait quelque chose d'extrêmement stupide par amour) mais il y a aussi et surtout le quotidien, le banal de l'homme amoureux.
à un moment, il n'aime pas cet image de lui qui est derrière la poussette parce qu'il trouve que cela le féminise. C'est une pensée qu'il a. Il ne l'approuve pas particulièrement, il ne la désapprouve pas non plus même s'il la reconnaît quand même un peu ridicule, il l'a tout simplement. Et parce qu'il a cette pensée, tout un lectorat vient s'offusquer et nous dire que c'est un homme macho et rétrograde; qui devrait être banni de la société des hommes parce qu'il a commis le plus abominable des crimes. J'exagère (enfin j'ose croire que j'exagère). Mais ce n'est qu'une pensée d'un homme qui redéfinit son statut au moment de la prise en charge de son premier enfant. Un homme qui questionne sa virilité à l'aune de sa nouvelle vie. Un homme qui a honte parce qu'il ne brise pas la porte pour sa petite amie, demandant de l'aide à un plus costaud. Et qui peu après intervient pour faire cesser une bagarre, qui retrouve un peu de fierté virile dans ce geste, mais se dit tout de suite que c'est quand même irresponsable et que l'un des bagarreurs aurait pu avoir un couteau.
bien sûr que Knausgaard a ses propres réactions. Je ne suis pas lui, il n'est pas moi. On peut être étonné par certains de ses complexes ou certaines de ces certitudes. Mais sans être pareil, il n'est pas si différent. Et parler de soi, c'est aussi un peu parler de tous.