Trois derniers livres lus...<image>Apprendre à finir de
Laurent Mauvigner (2000) - Monologue intérieur au rythme effréné d'une femme qui, devant gérer la convalescence post-accidentelle de son mari, se pose des questions sur son couple dysfonctionnel. Entre doutes et espoir, auto-aveuglement et sur-lucidité, elle comble par le flot de ses pensées affolées le mutisme insupportable de son époux. Un point positif tout d'abord : le style sied parfaitement à l'état mental de la narratrice - longues phrases précipitées, rythme haletant et images enchâssées conviennent parfaitement à ce monologue épouvanté et délié. Mis à part ce travail intéressant sur la forme, j'ai été déçu par ce court récit : vocabulaire très limité, pensées par clichés (est-ce volontaire, du fait du milieu social que l'on devine modeste ? Ce serait un bien triste réductionnisme sociologique), psychologie plate et superficielle, trame de fond sans grand intérêt. Une lecture somme toute bien médiocre, malgré la réflexion stylistique non dénuée de pertinence.
8/20.
Deux petites remarques additionnelles :
Les Éditions de Minuit ont semble-t-il cédé à cette mode, qu'heureusement je ne subis guère par ailleurs, consistant à reproduire sur la quatrième de couverture des extraits de critiques dithyrambiques (et par ailleurs dénuées de tout intérêt). Comme si le lecteur ne pouvait pas se faire sa propre opinion, comme s'il fallait inscrire la publicité sur le corps même de l'objet-livre - c'est tout à fait détestable.
Même si mon expérience avec Mauvigner (et ma timide reprise de contact avec la production contemporaine) a été peu concluante, j'insisterai. Je remercie Souffledevent pour son conseil - ce fut tout de même une découverte intéressante. L'avis de Souffledevent sur
Apprendre à finir (plus élogieux et plus intéressant que le mien, il connait beaucoup mieux cet auteur) est disponible
ici.
<image>Rome, 1630 d'
Yves Bonnefoy (1970 pour la première édition). Grand poète et esthète accompli, Bonnefoy était également un érudit hors pair dès qu'il évoquait l'art, son histoire et ses conditions de production. Ce
Rome, 1630 le montre parfaitement : il y évoque sa passion pour Le Bernin, Poussin, Lorrain ou Carrache de manière fine, élégante et rigoureusement renseignée (l'abondante bibliographie et l'appareil de notes en attestent). Le lieu et la période sont passionnants : débuts encore peu affirmés du baroque, nouvelles conceptions théologiques et scientifiques (Contre-Réforme, concile de Trente, place de l'Homme dans l'univers suite aux travaux de Copernic, Kepler et Galilée), nouvelles pratiques artistiques, cosmopolitisme de ces florentins, bolonais, espagnols, français et flamands dans cette capitale de l'art européen qu'était alors Rome. C'est passionnant - mes connaissances en histoire de l'art étant faibles, je me suis plus intéressé à l'évocation des idées et à la "sociologie" du champ artistique d'alors et - par-dessus tout - à la belle langue de Bonnefoy. Mon édition est accompagnée de nombreuses illustrations, hélas très mal reproduites (mais Google Images prend parfaitement le relai pour admirer les centaines d'oeuvres évoquées). Une bonne lecture.
13/20.
<image>(Désolé pour la photographie : trouvé à Emmaüs, le livre est quelque peu abîmé et je n'ai pas trouvé d'illustration "propre" sur internet)
La littérature autrichienne de
Jean Gyory (1977). J'ai une grande passion pour les petits livres de la collection
Que sais-je ? - Simples, accessibles, sans prétention, déblayant généralement de manière claire, concise et relativement exhaustive les contours d'un thème donné en fournissant des indications pour creuser plus avant : ces petits guides sont très pratiques et celui-ci ne fait pas exception. Gyory connaissait parfaitement son sujet et évoque de manière didactique et passionnée une bonne partie de la très riche littérature autrichienne moderne (l'une de mes littératures préférées, sans doute - même si j'en suis loin d'en avoir fait le tour) de Grillparzer à Bernhard en passant Kraus ou Musil, les auteurs sont très rapidement (5 pages pour Kafka, le plus longuement traité, mais quelques lignes seulement pour la plupart des auteurs abordés) mais pertinemment évoqués. Une centaine d'écrivains (et de philosophes) cités, dont une bonne dizaine que ce livre m'a donné envie de découvrir et que j'aborderai d'ici quelques temps - il a donc parfaitement rempli son rôle.
13/20.
Rien d'inintéressant mais pas de lectures renversantes ou particulièrement stimulantes (Bonnefoy mis à part, peut-être), donc : je me console avec la fantaisie et l'humour de Gogol, hautement appréciables ! Cela comble un peu la sensation de vide d'après-Proust.