#188 24 Mars 2018 12:50:30
Je l'ai reçu tout à fait par hasard... mon grand-père, qui vit près de Lyon, me l'avait acheté pour son titre quand j'avais 11 ans.
(En effet, "gone" est un mot d'argo lyonnais qui signifie "gamin"/"gosse", et mon grand-père appelle tous ses petits-enfants comme ça)
Je n'ai pas du tout été emballée par la couverture (qu'est-ce que je déteste les couvertures avec des photos de personnages, bon sang, laissez donc un peu de place à l'imagination !) mais je m'y suis quand même mise (après tout, c'était un cadeau).
Eh bien, j'ai été surprise. Le rythme de l'histoire m'a tout de suite embarquée, j'ai eu envie de comprendre, de connaître la suite. Les indices sur le pourquoi des mutations, de la Zone, tombent au compte-goutte, et j'ignore si c'est ma curiosité maladive qui a fait le travail, mais je voulais savoir, je voulais comprendre. Je me suis attachée aux personnages, qui sont bien dépeint, car on les reconnaît tous (chacun a connu sa propre "Astrid - Madame - je - sais -tout", ou son "Orc -la - brute - sans - cervelle"), et les problèmes auxquels ils sont confrontés nous poussent à réfléchir : "Si j'étais à la place de Sam, mais qu'est-ce-que je ferais ?".
Alors bien sûr, il faut être "bon public". Il y a des incohérences, le fin mot de l'histoire sur l'origine de la Zone est très fantaisiste, genre SF, et pas du tout rigoureux d'un point de vue scientifique. Certes, certains personnages deviennent des malades assoiffés de sang, et lorsqu'on se dit qu'ils ont 14 ans, ça paraît fou. Mais si l'on se met dans le contexte du livre, ces défauts disparaissent. Les critiques qui sont faites à propos de ce livre disent souvent : "c'est pas possible, c'est pas logique, ça ne colle pas avec la réalité...".
Certes, mais ce n'est pas le but ! On est dans une dystopie typée SF, on est dans un monde où les cartes sont re-distribuées ! A partir du moment où la Zone apparaît, les codes changent, la place et le rôle de chacun est redéfini. Il faut se plonger dans cet univers, se mettre à la place de ces gamins dont le monde s'effondre. Là, seulement, on peut comprendre leurs pensées, leurs sentiments, leurs actes, leur folie parfois, ou leur héroïsme soudain.
C'est un livre qui demande une lecture en immersion, une lecture viscérale, une lecture emphatique. Ce n'est pas un livre qu'on lit avec son esprit critique et sa raison scientifique. C'est un livre qu'on doit lire avec son cœur, avec ses tripes, avec ses sentiments bruts. Alors seulement, on peut apprécier le travail de l'auteur, qui soulève tant de questions pertinentes, qui nous ont tous tourmenté un jour, dans cette période étrange et parfois difficile qu'est la pré-adolescence, voire l'adolescence.
"Suis-je capable de me gérer moi-même ? Le serais-je un jour ? Serais-je assez fort pour me débrouiller seul, sans papa ni maman ? Comment pourrais-je vivre avec ceux de mon âge, sans quelqu'un de plus fort et de plus sage pour superviser nos conflits et les résoudre ?"
Tant de choses qui nous ont tous tourmenté un jour, ou nous tourmentent encore. Et si Michael Grant choisit la Zone pour y répondre, ce n'est pas pour rien. Dans ce contexte où tous ce que les héros croyaient acquis et remis en question, il va falloir trouver la réponses aux questions qui les angoissent. Et vite.
J'ai trouvé cette série de 6 tomes haletante, intéressante, elle m'a fait réfléchir, tout en m'emportant dans une histoire vivante et prenante. C'est un livre où l'action est rythmée, un livre qui nous fait ressentir violemment de nombreux sentiments, pas toujours plaisants. C'est un livre à 200%, où tout est très intense. Mais pour autant, il n'est pas vide de substance. Ce n'est pas un enchaînement d'actions pour le simple plaisir du suspense et de l'adrénaline. C'est aussi un livre qui pose de vraies questions. Et pour moi, c'est une combinaison gagnante.
Savoir emporter son lecteur dans une histoire intense, tout en instillant subtilement en lui les germes d'une réflexion plus poussée, c'est le tour de force que signe l'auteur de GONE.