#107 11 Mai 2020 01:46:08
Me revoilà !
Et oui, je décide de m’y mettre à la fin du confinement... Quelle blague
( je crois que ça se passe de commentaire)
Petit tour d’horizon des lectures récentes :
J’ai lu récemment le second tome de Don Quichotte et que dire ...! Second tome qu’il a écrit en réaction à la parution d’un autre second tome de Don Quichotte, écrit par un petit malotru... (Qui plaçait Don Quichotte dans un asile à la fin de son histoire, autant vous dire que ce n’était pas une digne fin pour ce héros des temps modernes...)
J’ai adoré tout le jeu de mise en abîme, la complicité qu’entretient le narrateur avec son lecteur, les réflexions sur le couple sagesse/folie, la métatextualité et surtout l’humour!! Et cette ferveur à tourner en ridicule les romans de chevalerie... Un régal !
Il y a un petit air de Nasr Eddin Hodja, qu’on retrouve surtout à travers le personnage de Sancho et sa tendre relation avec son âne.
La fin m’a légèrement pincé le cœur !
C’était génial en vrai, je n’ai pas les mots!! :pink:
J’ai lu des extraits de Schopenhauer. J’ai beaucoup aimé les extraits concernant L’art d’avoir toujours raison, c’était très instructif et malheureusement fort représentatif des débats qu’on retrouve dans la plupart des médias ... Schopenhauer décortique bien les mécanismes d’un débat mais sa conclusion est un tantinet déprimante... (et sans doute contestable). Pour qu’un débat soit sain, il faut réunir plusieurs conditions. la première et pas des moindres : il faut que les participants soient honnêtes intellectuellement... ça commence mal haha :tetemur:
Mais il évoque aussi le fait que deux individus dont le niveau d’érudition est trop éloigné, ne pourront pas débattre sereinement ensemble. En gros, pour lui, il faut connaître son adversaire et l’apprécier un minimum pour engager le débat. Sinon c’est presque à coup sûr la débandade! Ça se vérifie souvent malheureusement.
Mais j’avais suivi une interview d’un chercheur libanais en neurobiologie qui expliquait que notre détermination à toujours vouloir tout comprendre et avoir toujours raison, serait dû aux mécanismes du cerveau... Cerveau qui a besoin de repères et choisit toujours la solution qu’il comprend plutôt que le doute et les questions. (Je ne sais pas si je suis très claire... je ne suis visiblement pas neurobiologiste haha.)
Ensuite, j’ai lu une des plus célèbres pièces de Giraudoux, au titre fort emprunt d’ironie La guerre de Troie n’aura pas lieu.
On retrouve les personnages du mythe antique, d’un point de vue troyen, dans leur « intimité », avant que la guerre n’éclate. Giraudoux a choisi un moment inexploité de la vie des personnages, ce moment qui précède leur entrée dans la célébrité mythologique.
La pièce est un mi chemin entre tragédie et opérette. C’est assez surprenant comme mélange, on peut y voir -dans une certaine mesure- l’influence de Shakespeare notamment.
Giraudoux insiste particulièrement sur la fatalité qui pèse comme une ombre sur les personnages.
Il y a de très belles réflexions sur la guerre (rien d’étonnant au regard de l’époque). Comme je m’y attendais, on retrouve de nombreuses incursions anachroniques, des références très précises à l’époque contemporaine de Giraudoux (les années 1930, l’Entre-deux-guerres). Je pensais que ce serait une tragédie aux échos du XXe siècle, une pièce concentrée uniquement sur la dénonciation des événements historiques (c’est déjà pas mal) mais force est de constater que je me suis salement fourvoyée ce n’est pas seulement une pièce qui répond à l’urgence de l’actualité de l’époque, c’est aussi un nouveau regard sur les personnages. Le couple Andromaque/Hector sort évidemment du lot, Hector étant le personnage principal, dont on suit la lutte pour la paix ... (Et on voit déjà dans l’usage de cet oxymore lutte/paix où ça mène ...)Mais Hécube frappe aussi par sa profondeur. Giraudoux en a fait un contre-poids fabuleux. Hélène est définitivement le personnage le plus déstabilisant.
Les dieux sont totalement relégués au second plan, ils participent à cette pointe de fantaisie et de comique qui tranche avec le propos tragique.
Et puis il y a toute cette construction en contrepoints et variations autour de la répétition du titre... Aura-t-elle lieu ? (C’est sûr qu’on a un coup d’avance en tant que lecteur, mais ça n’enlève rien à la tension dramatique)
La fin relève le tout incroyablement !
J’ai fait une petite pause avec un livre vraiment léger et plein d’intelligence : L’année du jardinier écrit par le tchèque Karel Capek. J’ai reconnu tous mes proches, amateurs de jardinage, dans ce petit almanach ! Je m’identifie personnellement à la secte des cactus haha On ressort de ce livre avec une merveilleuse image du jardin et un nouveau rapport au temps et à la terre. C’était drôle et poétique en prime !
J’ai lu L’Eneide de Virgile. J’ai choisi une traduction plus ou moins au hasard... Aucun.e latiniste émérite ne passant par là pour m’aiguiller, j’ai pris la nouvelle traduction de l’historien Paul Veyne. Je n’ai pas vraiment d’éléments de comparaison, mais le texte se lit vraiment bien, j’ai été emportée par l’histoire ! c’est amusant de voir le mythe de fondation de Rome et comment Virgile parvient à le lier à la véritable histoire romaine et son actualité.
Je suis fascinée par le personnage de Didon, j’espère la découvrir à travers d’autres lectures.
Bon j’avoue, il y a aussi eu un creux de la vague. Ce moment, qu’on retrouve dans l’Iliade aussi, de pure narration épique, où il rapporte les combats entre des gens qu’on ne connaît pas (et dont on se fout un peu) ... Avec de précieux détails « Unteltroyen, fils du célèbre Trucmuche, embroche avec sa lame Machinchouette, lui transperçant ainsi le torse, faisant ressortir sa lame en diagonale, avec du sang partout et des boyaux qui tombent ».
Je dois avouer que le combat entre les Troyens d’Enée et les Latins n’a aucun sens, puisqu’il est totalement fomenté par Junon... Il tombe vraiment comme un cheveu sur la soupe, son côté artificiel rend la chose presque absurde. Surtout au regard de la fin, qui est qualifiée de « théâtrale » ou « dramatique » plutôt qu’épique... personnellement ça m’a bien fait rire xD
Mais, j’ajoute un énorme bémol pour la préface et les notes plus que douteuses... Paul Veyne nous explique qu’au contraire de L’Enéide, les grandes œuvres ne sont plus lues... Et il cite La divine comédie et Don Quichotte... (ironie du sort) Je ne sais pas d’où il tient ces informations... D’autant que ce forum prouverait plutôt le contraire.
Mais surtout, il conchie Victor Hugo et Lamartine dans sa préface et porte aux nues Baudelaire, expliquant que lire Virgile, c’est aussi bon que lire Baudelaire... Quel est l’intérêt de dénigrer des œuvres pour mettre en valeur une autre ? C’est dommage, ça prouve le peu d’arguments qu’il détient pour nous faire lire et aimer Virgile...
Et les notes anachroniques me sortent par les yeux.... Il évoque le style descriptif de Virgile comme étant proustien.... Je suppose que c’est censé faire glousser un certain public d’érudits ... Mais je trouve ça ridicule... Je ne comprends pas comment il a pu écrire de telles inepties dans une édition sérieuse... Mais sinon, le reste des notes portées sur des explications contextuelles est beaucoup plus intéressant (et pertinent).
En ce moment, je lis le tome II du Sorceleur et Mauprat de George Sand.
Bonnes lectures :)