Un texte à ne pas mettre sous n'importe quels yeux

 
  • FloXy

    Empereur des pages

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    #11 14 Octobre 2018 14:02:18

    Et bien moi ça me va que la mère et l'enfant soient nommés mais pas le mari ni l'autre fils, j'aime l'effet que ça produit.
    C'est plutôt quand le fils est appelé "l'enfant" ou surtout "le petit" que ça sonne bizarre dans le contexte je trouve. (Par contre quand elle y pense comme à "son petit ange" dans un autre passage c'est totalement justifié par ses émotions donc bref ça dépend.)

    Sinon je ne trouve pas grand chose de plus à en dire, j'aime bien comme ça. Je ne sais pas si la façon dont elle le provoque est très crédible par contre. Il faudrait peut-être un peu plus développer ses sentiments à ce moment là pour comprendre ce qui l'a poussé à faire ça.
  • Jelisetalors

    Les doigts collés au papier

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    #12 14 Octobre 2018 15:53:08

    MyFloXyBabY a écrit

    Et bien moi ça me va que la mère et l'enfant soient nommés mais pas le mari ni l'autre fils, j'aime l'effet que ça produit.
    C'est plutôt quand le fils est appelé "l'enfant" ou surtout "le petit" que ça sonne bizarre dans le contexte je trouve. (Par contre quand elle y pense comme à "son petit ange" dans un autre passage c'est totalement justifié par ses émotions donc bref ça dépend.)

    Sinon je ne trouve pas grand chose de plus à en dire, j'aime bien comme ça. Je ne sais pas si la façon dont elle le provoque est très crédible par contre. Il faudrait peut-être un peu plus développer ses sentiments à ce moment là pour comprendre ce qui l'a poussé à faire ça.


    Je vois très bien ce que tu veux dire. J'ai hésité avec le prénom du petit, mais en relisant plusieurs fois ça me paraît bizarre de ne pas le mettre. Et concernant les sentiments qu'Angie ressent au moment ou elle provoque son mari, je suis totalement d'accord, on devrait sentir un peu plus sa hargne, son désir de mourir.

    Je vais essayer de retravailler ça.

    Merci pour ton avis ;)

  • Jelisetalors

    Les doigts collés au papier

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    #13 14 Octobre 2018 16:16:40

    Voilà la nouvelle version- C'est vrai que les différentes façon de nommer Mathys faisaient bizarre (vu le nombre de fois où il est cité)

    Elle était là, sur le sol, seule, prête à attendre que ça arrive enfin. Sa vie entière défilait sous ses yeux, les souvenirs se mélangeant pour former une sorte de film avec les pires et les meilleurs d'entre eux. Elle avait été heureuse, avant, en épousant cet homme qu'elle avait rencontré à la fin de leurs études de droit. Son avenir était tout tracé. Ils avaient choisi ensemble une petite maison proche du centre ville, afin de se rendre plus facilement au travail, dans un cabinet d'avocats très réputé. Il n'avait pas fallu longtemps à Angie pour tomber enceinte. Des jumeaux. Des perles, plus précieuses que n'importe quel autre caillou au monde. Ils faisaient partie de leur bonheur. Mais un jour, tout a changé.

    A la mort de Mathys, Angie était devenue l'ombre d'elle-même. Elle ne travaillait plus, ne mangeait pratiquement pas, ne dormait que quelques heures par nuit, vivait tel un fantôme. Son mari la tenait comme personnellement responsable de la mort de leur enfant. Elle qui n'avait pas su « le surveiller correctement ». Elle qui l'avait perdu de vue pendant cinq secondes. Cinq secondes pour qu'une voiture déboule à une vitesse folle. Cinq secondes d'inattention qui avaient permis à l'enfant qui était sorti en second de son ventre de traverser en courant. Cinq secondes qui avaient scellé le destin du petit garçon aux cheveux blonds, et foutu en l'air la vie d'Angie et de sa famille. Pour elle, elle était morte ce jour là, en même temps que son fils.
    Depuis, elle endurait quelque chose de sournois, de dur, d'affreux, de complexe et qui pourtant, à certains moments, ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle se disait qu'elle méritait tout ce qui lui arrivait. Qu'elle payait son erreur commise trois ans auparavant.

    Le premier coup l'avait surprise, mais lui avait fait ressentir deux sentiments contradictoires. La peur, tout d'abord, forte et tellement violente qu'elle avait débarqué avec une force décuplée, tout comme le coup de poing dans la mâchoire. Puis, quelques secondes après seulement, le soulagement. Comme si on lui arrachait une dent qui pourrissait depuis des lustres, sans l'anesthésier, afin qu'elle embrasse cette douleur de toute son âme de mère coupable. Quand les autres coups s'étaient mis à pleuvoir, au début, elle ne disait rien. Elle encaissait. En silence, un peu par peur mais surtout par fierté.

    Elle aurait pu partir, s'enfuir, quitter cet homme qu'elle aimait autrefois de toute son âme, mais elle ne le voulait pas. Elle restait dans cette famille, n'étant plus que l'ombre d'elle-même, et effectuant les tâches du quotidien comme une machine. Elle avait pourtant un autre fils, un autre enfant qui ne demandait que son attention. C'était le frère « aîné », arrivé en premier au moment de la délivrance, celui qui avait échappé à la mort. Mais Angie avait cessé de s'occuper de lui presque instantanément.

    Dès que Mathys avait rendu son dernier souffle, elle ne voyait plus son frère. Comme si il était devenu invisible. Elle savait qu'il était là, encore vivant, tout comme son mari. C'est lui qui avait du prendre le relai et s'occuper de son éducation. C'est d'ailleurs aussi ce qu'il lui reprochait, le fait d'avoir non seulement « tué » Mathys, mais d'avoir complètement laissé tombé leur autre enfant. Il l'aimait de tout son cœur, même si il sentait bien que plus rien ne serait jamais comme avant. Sa femme lui empêchait quelques fois d'être totalement conscient qu'il restait un enfant bien vivant qui demandait une attention toute particulière. Il nourrissait une haine envers elle qui grandissait de jour en jour, et quand il la battait, c'était toujours de plus en plus violemment.

    Angie s'était convaincue qu'elle avait besoin de cette violence, que c'était bien sa pénitence pour n'avoir pas su protéger son petit ange. Elle ravalait ses larmes sous les mains de son mari, et elle espérait trouver quelque chose de puissant qui mettrait un terme à tout ce cirque. C'est pour cela qu'elle était toujours là, tel un fantôme, dans une existence qui n'avait quasiment plus rien d'humain. Seuls les coups qu'elle recevait lui rappelaient qu'elle faisait toujours partie de ce monde.


    Tous les jours une nouvelle partie de son corps changeait de couleur, et elle avait d'ailleurs connu toutes celles qu'il était possible de connaître dans l'arc en ciel des coups.
    Noir d'abord, comme l'espoir qui s'envole en cinq secondes. Violacé ensuite, comme la couleur des fards à paupières qu'elle adorait porter avant car ils mettaient ses yeux verts en valeur. Bleuâtre les jours suivants, comme la beauté du ciel qu'elle aurait encore aimé être capable d'admirer les jours de grande tristesse. Verdâtre quand la couleur fondait avec la douleur en prenant la couleur de ses yeux. Et enfin jaunâtre, presque marron, la couleur qu'elle détestait par dessus tout, car elle lui rappelait que bientôt sa peau allait retrouver sa couleur d'origine pour pouvoir accueillir à nouveau l'arc en ciel, mois après mois. En cinq ans de violence, elle avait déjà eu 38 côtes de cassées en tout, son nez était presque aplati car sa paroi était si fine qu'elle avait même du mal à respirer certains jours, il lui manquait trois dents, avait les lèvres qui oscillaient entre le bleu mauve et le rouge sanguinolent, avait subi 17 « œil au beurre noir » car ceux-là mettaient plus de temps à disparaître, eu le coccyx fêlé, les deux jambes cassées deux fois, l'épaule gauche démise 3 fois et cassée une fois, la droite 4 fois. Ses cuisses avaient même réussi un jour à être complètement bariolées, si entièrement recouvertes par les ecchymoses multicolores qui lui était impossible de s'assoir, de s'allonger et parfois même de marcher.

    Elle avait l'impression d'avoir perdu la tête, sa féminité, son intelligence, son bon sens, le contrôle de sa vie. Tout cela lui était complètement égal, car selon elle, les coups étaient mérités. Et son mari s'en donnait à cœur joie. Il laissait rarement du répit à Angie, juste quelques jours parfois, quand les bleus étaient trop visibles, car il disait qu'elle l’écœurait avec toutes ces couleurs sur la tronche. Il se disait pourtant qu'il aimait toujours sa femme, tout en la haïssant au plus profond de lui même. Il était lui aussi tiraillé entre deux sentiments complètement opposés. Il lui arrivait de ressentir de la pitié pour elle, il ne savait alors plus très bien si ce qu'il ressentait était réellement de l'amour. Sans doute que non. Quelques rares fois, il faisait quelque chose de gentil pour elle, comme lui ramener des fleurs, lui coiffer les cheveux comme elle aimait qu'il fasse quand ils étaient plus jeunes. Mais la voir survivre dans une existence qui était vide de sens lui faisait « péter les plombs ». Alors ce qu'il aimait, c'était l'attraper par les cheveux, caresser son joli visage vierge de toute trace et de commencer « une nouvelle toile ». Et alors il se mettait à la frapper, encore et encore, sur le front, les sourcils, les yeux, les joues, le nez. Il se gardait sa jolie bouche pour la fin. Ce déferlement de violence l'apaisait au plus profond de lui même, bien qu'il s'acharnait sans pitié sur elle. Quand il était un peu calmé il la lâchait, en la jetant contre le sol. Angie, qui malgré toute vraisemblance, se disait qu'elle était habituée à la douleur, lui répondait parfois. Elle le provoquait, pour voir si cet homme qu'elle détestait tant à présent serait un jour capable de pire.

    Alors, il la rouait de coup dans le ventre, lui donnant des coups de pieds si violents qu'elle saignait à chaque fois. Son ventre, de toute façon, n'accueillerait plus jamais un enfant. Elle était partie à la recherche d'une douleur assez forte pour lui faire oublier celle de son cœur. Celle du vide immense qu'elle ressentait. Cette douleur était pour elle la pire, car elle savait qu'elle ne partirait jamais.

    Elle pensait tous les jours à son petit ange, se demandait à quoi il ressemblerait aujourd'hui.

    Ce soir, son instinct lui disait qu'elle allait enfin pouvoir ressentir cette douleur. Elle avait provoqué son mari d'une telle hargne qu'elle ne se reconnaissait pas elle même. En même temps, elle n'était plus très sûre de ce à quoi elle ressemblait tout court. Il l'avait jetée contre le mur, frappée avec une ceinture, ses poings, ses pieds, l'avait étranglée jusqu'à décider de la relâcher « juste à temps ». Mais Angie en voulait plus. Elle avait un peu émergé de son état de poupée de chiffon, et elle se forçait à lui lâcher des insultes au visage. Toute la haine qu'elle ressentait pour elle-même, et peut-être un peu pour lui aussi au fond, s'était mise à sortir de sa bouche en un flot de paroles incontrôlables. Elle savait que pour le pousser à bout physiquement, il fallait d'abord le faire craquer mentalement.

    Elle avait alors rassemblé toutes ses forces pour ramper jusqu'à la cuisine, se relever, ouvrir le tiroir à couverts. Elle avait saisi un couteau de boucher, celui qu'elle utilisait pour couper les gros morceaux afin d'en faire un bourguignon. Elle s'était avancée vers lui et lui avait simplement dit « Tu n'en seras jamais capable », en lui jetant le couteau à la figure. Il s'en était alors emparé, avait serré les dents en marmonnant quelque chose d'incompréhensible, lui avait lancé un regard à la fusiller sur place. Voyant qu'il ne bougeait pas, elle avait décidé de repousser les limites à leur extrême, quitte à dire des mensonges. Elle savait déjà comment il réagirait, car ce qu'elle s'apprêter à lui aboyer au visage serait impardonnable et immonde.

    Mathys méritait de mourir, hurla-t-elle. De toute façon c'était trop dur de s'occuper de deux enfants du même âge, il fallait bien que la nature fasse quelque chose. Je ne l'aimais pas- cette phrase avait tout de même eu du mal à sortir. Tu es un mauvais père, je ne vaut pas mieux en tant que mère, je remercie le ciel que cet enfant soit mort, ou j'aurai fini par le tuer moi-même... lâcha-t-elle dans un dernier sanglot.

    Il la fixa, d'un air choqué, et tout s'enchaîna très vite. Il s'était jeté sur elle avec une telle rapidité qu'elle avait à peine eu le temps de réagir. Là, collé contre elle, il lui caressa encore le visage. Il la fixait avec une telle haine qu'on aurait presque dit qu' une lueur de folie brillait dans ses yeux.

    Puis, tout à coup, elle avait sentit quelque chose de dur lui transpercer le cœur. Elle avait crié, à s'en briser la voix, les larmes emplissaient ses yeux et elle savait qu'elle arrivait. Elle était là, cette douleur qui lui faisait oublier l'autre. Ou plutôt, elle se mélangeait à celle qu'elle ne connaissait que trop bien depuis des années. Les deux s'entremêlaient maintenant avec une telle évidence que c'était comme si elles n'avaient toujours formé qu'une seule et même horrible douleur.

    Son mari la regardait tendrement, avec un sourire froid au coin des lèvres et les larmes au bord des yeux. Il s'était relevé, étalant Angie sur le dos, lui levant les deux bras à hauteur de la tête « pour la faire ressembler à un ange », s'était-il dit. Après avoir récupéré le couteau, il l'enfonça une seconde fois, puis une troisième, une quatrième, jusqu'à ne plus compter les coups de son hystérie. La vue du sang l'avait mit dans un état de transe telle qu'il mît un moment à se rendre compte de ce qu'il avait fait.  Il laissa le couteau planté là, il était recouvert du sang de sa femme, et il avait envie de vomir.

    Il sortit de leur maison en courant, réalisant son geste, se sentant à la fois affreusement coupable et honteusement soulagé, et traversa la rue à toute vitesse. Il n'avait pas prit la peine de regarder la route avant de traverser. Il n'avait pas eu le temps de voir le camion qui passait. C'était comme si il s'était littéralement jeté sous ses roues. Après un crissement de pneus et un klaxon qui avait sonné l'heure de sa fin, il avait disparu sous le camion.

    Angie, à demi consciente, toujours allongée au sol, souriait. Sa douleur l'enveloppait maintenant de toute sa force et de sa douceur en même temps. Elle sentait la chaleur de son sang qui se répandait autour d'elle. Elle ne pleurait plus, elle pensait à son bébé. Elle pensait également, pour la première fois depuis trop longtemps, à son autre fils, celui qui avait perdu sa mère le même jour où il avait perdu son frère. Celui qui voyait tout ce que sa mère endurait depuis des années, mais qui n'osait pas broncher. Celui qu'elle n'avait plus été capable de regarder, d'aimer, de protéger. Et enfin, alors que la douleur lui refroidissait tout le corps, que le jour tombait dans la maison, que toute sa vie avait défilé devant ses yeux, elle poussa un dernier soupir atroce et soulagé.



    Ce soir, Angie était morte.