Comme tout le monde, j'me retrouve avec moult temps libre pour cause de covid mais aussi d'ablation d'organe. Ce qui pique un peu, on va pas se le cacher.
Du coup je reviens (pour combien de temps ? Nul ne le sait) sur ce suivi de lecture. C'est fou parce que j'ai lu plein de trucs bien depuis le début de l'année, mais quand il s'agit d'en parler, il semblerait que je sois infoutue d'en dire deux-trois mots, faut forcément que je propose un pavé d'une cinquantaine de lignes.
D'abord, un petit mot sur l'Assassin Royal.
J'ai terminé le Premier Cycle, mais comment c'était trop bieeeen. En fait c'était tellement bien que j'ai entamé direct le second cycle, et si ça faisait un peu bizarre de retrouver les protagonistes que j'aime si fort avec quinze ans dans les dents, ça n'en est que meilleur. Avec cette ellipse, Hobb nous permet de placer ces personnages dont le caractère nous est familier dans des situations qui ne sont plus les mêmes, et c'est un bon plan de se réinventer un peu quand on a déjà écrit sept tomes. Pour le moment je suis en pause parce qu'au rythme où ça va, j'aurai passé l'année à ne lire que l'Assassin Royal, et j'ai quand même d'autres ambitions.
Ensuite, il était temps que je parle un peu de mon nouveau manga favori forever and after (avec Gantz et Battle Royale, j'en démordrai pas) :
Alice in Borderland.
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J'aime beaucoup les mangas de survie, et le genre me le rend pas forcément bien. Y'a pas mal de mangas de ce type qui ont tendance à se casser la gueule dans leur narration, trop occupés qu'ils sont à empiler les clichés et les retournements prévisibles. Mais quand c'est bien fait, que c'est beau. Evidemment, faut pas être rebuté.e par les flots de sang, la violence et la surenchère, mais ce genre de sujet propose très souvent une réflexion intéressante sur la valeur qu'on accorde à la vie (Suicide Island est un excellent exemple du genre), sans oublier que je ne trouve rien de plus fascinant qu'une observation minutieuse du moment où le vernis de civilisation de l'humanité craque salement.
Ouais mais le souci, c'est que pour une pépite, y'a cinq mangas interchangeables (Judge, Doubt, King's Game, Darwin Game, sérieux les gars faites un effort j'arrive jamais à me rappeler lequel est quoi) qui n'arrivent à rien d'autre qu'une histoire "gentillette" (compte tenu du sujet, j'veux dire).
Et puis y'a Alice in Borderland.
Lu sur les conseils avisés et pas du tout insistants d'une personne que j'aime beaucoup, le premier tome a été suivi par les dix-sept autres en moins de temps qu'il n'en faut pour dire coronavirus. J'ai pas été happée, je me suis vautrée la tête la première dans le monde complètement pété du jeu, qui n'a de commun avec le roman de Carroll que le nom de son héros et un kink sur les cartes et les reines de coeur.
Ici, on parle d'une oeuvre qui peut se vanter de posséder une évolution de l'histoire très satisfaisante, un world-building original et surtout, des personnages qui ont un véritable développement.
Pourtant le pitch de base n'est pas spécifiquement unique ; on suit trois ados qui se retrouvent dans un monde désolé et doivent jouer à une série de jeux pour rester en vie le plus longtemps possible. Rien qui ne rappelle pas deux ou trois autres oeuvres du meme genre à qui apprécie le survival, et le piège majeur de cette saga, c'est qu'il lui faut trois tomes pour dévoiler au lecteur patient la richesse de son potentiel, mais j'étais déjà séduite par le niveau de perversité des jeux. Chaque fois plus sadiques, chaque fois plus difficiles, les jeux font partie intégrante de ce qui m'a soufflée (mention spéciale pour le tunnel de 2km, j'ai mis une heure à m'en remettre).
Le mangaka sait où il va, et il ouvre petit à petit la compréhension de son monde au lecteur en l'y guidant par le biais de personnages très intéressants. Si on entame l'aventure en compagnie des typiques lycéens japonais, on découvre très rapidement un nombre respectable de participants avec des backgrounds et personnalités très variés (on trouve même une femme trans, wow, je m'y attendais pas). Ici pas de personnage fonction dont la mort ne nous touche pas, chaque personne rencontrée a une identité propre. C'est pas tous les mangas qui proposent ça.
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Les jeux sont variés, faciles à comprendre et tellement bien dessinés : résolution de puzzle, jeux de réflexion, phases d'action, y'a pas une ambiance que le trait du mangaka n'arrive pas à retranscrire. La tension est palpable tout du long, et j'ai trouvé qu'il y avait une certaine pudeur dans la manière dont les scènes-choc étaient montées. Mais c'est pas parce que le manga vous balance pas des geysers de sang qu'il n'est pas d'une grande violence. Les personnages prennent super cher sur le plan mental, on les voit se briser sous nos yeux et ça saigne peut-être pas mais c'est d'autant plus douloureux à regarder qu'aucun personnage n'est à l'abri. Les jeux ne peuvent pas être gagnés au dernier moment par un deus ex machina tout pété, les personnages ne découvrent pas en eux la force de balancer un ultime hadoken, et les morts. Restent. Morts.
Mais ce manga propose quelque chose de plus qu'un (excellent) manga de survie. Il propose une quantité non-négligeable de contemplations et conversations philosophiques, pas dans le but de donner à l'histoire l'impression d'être plus profonde qu'elle ne l'est, mais comme une sorte de pilier sur lequel le personnage va s'appuyer afin de se développer. Comme on passe notre temps sous la tension des épreuves, les rares moments où les personnages se détendent sont d'autant plus rafraichissants qu'on a réellement eu peur pour eux tout au long des chapitres. Même dans le camp des bad guys on évite les pures caricatures de psycho lvl.max, et la plupart d'entre eux provoquent ce délicieux sentiment d'ambivalence qui fait qu'au final, on peut pas les détester totalement.
Je pourrais m'étaler en long large et travers sur les qualités de ce manga (on me souffle dans l'oreillette que c'est déjà le cas), mais le mieux, ça reste encore de lui donner sa chance et de le lire.
La prochaine fois que je m'égare dans le coin, j'ai prévu de monologuer sans fin sur Le Prieuré de l'Oranger (encore 15% et je l'ai finiiiii) et l'excellent manga Monster, dans un tout autre registre que celui dont je viens de tartiner l'éloge sur plus de trente lignes.