Oui, fuyez tous #Famous comme la peste, laissez-moi souffrir à votre place tel le martyr en carton-pâte !
Aujourd'hui, ça va pas fort. Se réveiller avec le cœur lourd et se traîner dans l'appartement sans avoir envie de rien, ça vous parle ?
J'ai tenté de me secouer les puces donc j'ai embarqué un bouquin (parce que comme disait Montesquieu quand y'en a marre y'a Malabar je n'ai jamais eu de chagrin qu'une heure de lecture n'ait dissipé) et une réserve de crêpes pour sortir marcher un peu. Je vis en ville, mais à quelques centaines de mètres d'un petit espace vert oublié par la majorité des gens, donc je me suis posée dans l'herbe avec cette playlist, et j'ai avancé sur ma lecture de Chien du heaume, de Justine Nogret, sur fond de chant des cigales et de cette odeur particulière de sève chaude qui me rappelle l'enfance.
Est-ce que j'en fais des caisses pour rendre jaloux mes camarades moins lotis que moi sur le plan météorologique ? Mmmmmmmaybe.
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J'en suis qu'à la moitié mais pour le moment la conquête est totale. Le style est très riche, dans le genre phrasé moyenâgeux (et devinez quoi ? J'adore ça), et j'ai redécouvert le plaisir de lire des phrases à voix haute, juste pour sentir les mots rouler sous la langue. Rien n'est encore joué, j'ai déjà lu des romans dont la première partie m'a séduite pour mieux me repousser sur la fin, mais si le reste de l'aventure est à la hauteur de ses débuts, c'est un coup de cœur qui s'annonce.
La survie par les histoires, c'est le seul nerf de celui qui tient une épée ; il n'y en a pas d'autre. Vivre encore après son trépas, tout auréolé de gloire et de furie. Qui serait assez fol pour s'en aller se faire trouer la panse si personne, une fois qu'il sera mort, ne composait sa chanson ?
Sinon, après une conversation intéressante avec une amie, j'ai eu envie de parler un peu de Je Suis une Légende, de Matheson.
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Je l'ai lu il y a quelques années, parce que j'avais trouvé le film passable. Cette médiocrité relative me rendait perplexe : après tout, quand on sait que Matheson est une des plus grandes influences de Stephen King, être si indifférente à cette mouture cinématographique relevait au mieux d'un énième terrible échec d'adaptation, au pire d'une déception de taille quant aux influences de mon auteur favori.
Je sais que je ne suis pas la seule, mais je suis extrêmement lasse de cette décennie qui a sucé jusqu'à leur substantifique moelle les archétypes du vampire et du zombie, au point d'en faire totalement n'importe quoi (Orgueil et Préjugés et Zombies, c'est toi que je regarde tandis que je remplis mon sac à vomi). Alors quand j'ai appris que les zombies basse qualité servis dans le film étaient en réalité des vampires dans le roman, j'ai levé les yeux au ciel tellement longtemps que j'ai cru qu'ils étaient restés bloqués.
Voilà pourquoi ça partait pas super bien pour ce livre.
On se retrouve propulsé dans la peau de Robert Neville, qui est à des kilomètres de cette version proprette et si génératrice d'empathie préfabriquée qu'Hollywood a pondu pour les besoins du film : nulle scène où il chouine sur son chien en écoutant du Bob Marley, nul sauvetage de femme et enfant en se sacrifiant héroïquement bref, dans le roman, Neville est le dernier représentant de la race humaine. Point.
il passe son temps libre à poignarder ces bons vieux vampires old-school allergiques à l'ail la lumière et une hygiène élémentaire, et à tenter de trouver un remède qui pourrait ramener le reste du monde à son état précédent, en vain. Son quotidien est constitué de recherches et d'expériences d'un monotone qui plante à lui tout seul cette intense impression de solitude, de désespoir et d'isolement qui assaille le héros ; il emploie le jour ses maigres ressources dans une quête à laquelle il ne croit plus la nuit. Car chaque nuit viennent gratter à sa fenêtre, susurrer à sa porte, cogner sur son garage les enveloppes charnelles de ses anciens voisins et amis, lesquels nourrissent à son égard une haine grandissante. Et un jour, il rencontre Ruth, une jeune femme qui semble être, elle aussi, une survivante. Et voilà, c'est toute la ressemblance entre le film et le livre, et lire le livre permet de réaliser l'étendue du plantage du film, parce que le message délivré n'est absolument pas celui du héros solitaire dont le merveilleux, le courageux sacrifice final permettra à la société de renaître de ses cendres.
C'est bien là toute la force du roman de Matheson : il nous propose une perspective unique, qui remet en cause la vision de normalité et de monstrueux, et qui rend le tout délicieusement trouble, en lieu et place de ce manichéisme désolant qui nous est revendu en DVD avec Will Smith en tête d'affiche ce qui est déjà un gage de catastrophe à mon humble avis.
Matheson sait nous mener où il veut, et n'hésite pas à nous coller une petite claque dans la gueule sous forme de prise de conscience quant à la nature monstrueuse qui sommeille en chacun de nous. Vous êtes peut-être passé.es à côté de ce roman parce que vous avez vu le film, qu'il vous ait plu ou pas : donnez-vous la peine de lire le roman.
Il vaut le coup.