#150 16 Novembre 2010 08:24:57
Alors voilà pour L'aveu de toi à moi, de Morgan Sportès:
Présentation de l'éditeur: Un même homme peut-il avoir été tour à tour militant du Front populaire et pétainiste ? Résistant puis engagé volontaire dans la Waffen-SS ? Rubi avait été cet homme-là. En garnison à Prague, à une Tchèque qui s'étonnait de voir un Français parader en uniforme nazi, il répliqua: "Madame, je me déshonore!" Il avait vingt ans. Quel mal secret l'a poussé à retourner ainsi sa veste, à se renier sans cesse ? La haine de soi? La haine des Juifs? C'est que l'Histoire, dans ses aberrations, tend trop de pièges aux hommes pour qu'ils puissent tous les éviter. Que pèse l'individu quand souffle la tempête des événements collectifs ? Rubi a existé, je l'ai connu quand je sortais de l'adolescence, je l'ai écouté et interrogé sans relâche. Mais le mystère de ce "roman" réside peut-être dans cette question: pourquoi ai-je voulu à tout prix le comprendre ? Du moins y aurai-je appris que l'histoire vécue est toujours plus complexe que ce que les idéologies, rétrospectivement, nous en disent.
Mon avis: Rubi n'est pas un héros ni même un témoin de l'histoire, il est un homme qui a fait des choix motivés par des raisons d'homme (rejet du père, coup de chance ou de sort, mécontentement, couardise). La perspective historique lui est complètement étrangère, quant à la problématique idéologique, il la malmène allègrement. Quand Rubi raconte sa vie, c'est par bribes, et toujours sous un jour qui l'avantage ou choque son interlocuteur: un puzzle interprété par un vieil anar mécontent, et peut-être un peu parfois un peu honteux. Le personnage nous échappe en permanence, il n'est ni gauchiste ni gaulliste, que très vaguement résistant et pas vraiment SS. Il est déporté à Dachau mais n'est pas, à proprement parler, une victime.
C'est avec ces incertitudes qu'il faut composer tout au long de ce roman, qui cherche à retracer les traits entre les pointillés de la vie de Rubi.
Le livre m'a plu, mais il est un peu déroutant, du fait de l'absence de linéarité du récit.
Je le conseille aux amateurs de la seconde guerre mondiale, mais aussi, à ceux qui aiment les tranches de vie bien racontées.