Une rose en plein vol - Prologue (fantasy)

 
    • AdrienChouquet

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #1 08 Août 2023 17:28:11

      Bonjour à tous. Je m'appelle Adrien, je viens de découvrir ce site (super!) il y a peu et je souhaiterai partager ici le prologue de mon premier roman autopublié (Lien Bibliomania du livre) afin d'avoir les retours d'une communauté de passionnés !
      Merci pour l'éventuelle lecture :)


       

      L’Étranger traversait les différents salons d’un pas nonchalant. Le garde qui lui avait été attribué le suivait à distance, s’efforçant de ne pas le déranger par sa présence. Deux scribes accoururent dans sa direction, les bras chargés de parchemins et de carte. Il s’écarta pour les laisser passer et se retint de leur adresser un quelconque geste de salutation.
          Dans ces contrées, les règles régissant le bon comportement en société différaient grandement de celles qu’il avait connues. Son adaptation avait été plus délicate qu’il ne l’avait escompté. Le garde avait d’ailleurs pu, tout au long de la journée, témoigner de ses différents moments de gêne. L’Étranger avait vite compris que l’homme d’armes était plus chargé de protéger la bienséance de ses manières exotiques que lui-même d’un quelconque danger.
          Le palais d’été, dans lequel il évoluait, abritait plusieurs délégations qui s’activaient vigoureusement. Serviteurs et scribes arpentaient les vastes couloirs sans se soucier de lui. Trois Rois négociaient ici une paix fragile, entourés de leurs cours et de leurs conseillers. Un rassemblement atypique et historique pour lequel il avait pu obtenir deux jours de présence en dépensant ses dernières ressources.
          Il avait été présenté, étudié et jugé en une poignée de secondes, puis convié à passer le reste de sa journée éloigné des « affaires importantes qui étaient traitées en ces lieux ».
      Les jardins apparurent face à lui. Ces derniers faisaient écho au palais par leur taille et la précision de leurs arrangements. L’Étranger ne voyait cependant pas en eux la beauté qu’on lui avait assuré de contempler, la main de l’homme avait pour lui, ici, bien trop remplacé celle de la nature.
          Il continua d’avancer, escorté par son chaperon. Ils croisèrent plusieurs groupes de courtisans installés dans les différents espaces dégagés au sein de la végétation. Les mets et boissons y étaient servis en quantité. L’Étranger ignora chacun d’eux et poursuivit son chemin. Il ne lui fallut qu’une vingtaine de minutes pour trouver ce qu’il était venu chercher.
      L’endroit était coupé du monde par une haie haute et finement taillée, elle-même entourée d’arbres épais et feuillus dont l’Étranger devina rapidement l’effet insonorisant. Nul doute n’était possible sur la volonté des jardiniers de faire de cet endroit un lieu d’isolement comme de protection, habilement dissimulé.
          Un arbre plus massif et plus ancien que les autres trônait en son centre et recouvrait à moitié l’espace de son ombre. Un parterre de pierres blanches avait été aménagé non loin de son tronc, assez grand pour accueillir une table et plusieurs sièges. L’herbe y était taillée courte et laissait apparaître un chemin de terre reliant « l’entrée » et l’espace aménagé.
          Pour l’Étranger, ce cloître naturel manquait d’eau et de couleur. Le soleil avait peu de matière à mettre en valeur, mais la simplicité était ici recherchée, laissant place nette aux occupants potentiels et à leurs activités.
          Quatre soldats provenant de deux royaumes clairement distincts gardaient l’entrée. Une protection aussi forte en un lieu de pacte et de trêve en disait long sur le fonctionnement de ces royaumes… et sur l’importance de cette trêve. Deux jeunes adolescents étaient assis de chaque côté de la table. Ils disputaient une partie d’échecs, un jeu de plateau qui semblait fort populaire parmi les noblesses de tous ces royaumes.
          L’Étranger s’approcha de l’entrée. Les gardes le suivirent du regard, prêts à intervenir. Son chaperon vint à ses côtés et l’interpella en articulant lentement, ne connaissant pas sa propre maîtrise de la langue de ce royaume :
          - Messire, ils ne souhaitent probablement pas être dérangés.
          - Cela, soldat, ce n’est pas à vous d’en juger. (Le garde hésita). J’ai été invité à visiter ces jardins sans aucune restriction et vous avez été chargé de vous en assurer. Annoncez-moi, je vous prie, à moins que vous préfériez que je fasse cela seul, spéculant sur la bonne démarche à suivre.
          Le rouge monta aux joues du soldat qui ne tarda pas à s’incliner. Il se dirigea vers les quatre gardes et entama une discussion discrète. Ils le laissèrent passer à contrecœur après une bonne minute de palabres.
          L’Étranger observa les deux adolescents de loin. L’un provenait d’un royaume plus au sud, sa peau possédait un teint hâlé, ses cheveux longs et noirs couraient sur ses épaules. Son visage semblait construit autour de son sourire dont il semblait ne jamais se départir. Ses yeux sombres brillaient d’une malice qu’il peinait à contenir, là où son adversaire laissait volontiers couler la colère et la détermination dans les siens. Celui-ci était plus large physiquement, ses cheveux blonds coupés court accentuaient les traits forts de son visage. Il parcourait du regard le plateau sous lui, s’évertuant à trouver une solution qui ne semblait pas venir. Une énergie pure et forte se dégageait de lui, une puissance dirigée vers l’extérieur qu’on ne pouvait ignorer.
          Le garde s’approcha de la table et hésita plusieurs secondes avant de se lancer. Le premier des deux jeunes hommes l’écouta et se tourna vers l’Étranger, le second restant concentré sur son jeu. Il lui fit signe d’approcher d’un geste de la main.
          Le garde déplaça alors l’un des sièges en bois à côté de la table et se positionna légèrement en retrait. L’Étranger s’arrêta à son niveau.
          - Laissez-nous, soldat.
          De nouveau l’hésitation, et de nouveau la résignation. L’Étranger l’accompagna du regard puis se présenta officiellement.
          Il s’assit à l’invitation du garçon aux cheveux sombres alors que l’autre jeune homme se redressait soudainement en faisant rouler l’une de ses pièces sur le plateau d’un geste brusque. Il quitta sa chaise et fit quelques pas, dos à la table. Celui resté assis remit les pièces en place pour une nouvelle partie et s’adressa à l’Étranger.
          - Voilà deux jours que nous jouons et j’ai remporté chacun de nos affrontements, chose qu’il apprécie de moins en moins, qui plus est devant un nouveau public.
          L’accent mélodieux avec lequel il s’exprimait indiquait que la langue de ce royaume n’était pas la sienne, néanmoins il la maîtrisait mieux que l’Étranger ne le faisait. Ce dernier partagea le sourire de l’adolescent sans le quitter des yeux. La force en lui était plus subtile, mieux dissimulée. Il s’efforça de parler plus bas en lui répondant afin de ne pas ajouter à la colère de celui qui s’était levé.
          - Pourquoi, alors, continuez-vous à l’affronter ? N’y a-t-il pas meilleur joueur parmi tous les convives présents ici ?
          - Si, mais aucun dont l’envie de vaincre est si puissante. Ce jeu contient plusieurs types d’opposition entre les adversaires, celle du calcul n’est pas ma préférée. Je me plais à admirer la force de sa volonté.
          - Ne va-t-il pas finir par vous battre ?
          L’adolescent allait répondre, mais celui qui s’était levé revint à la table et le fit à sa place :
          - Oui… (Il se rassit et entreprit de remettre à leur place les pièces blanches que son adversaire avait glissées vers lui), mais le chemin est très long.
          L’Étranger acquiesça et le jeune homme, sitôt sa dernière pièce rangée, joua son premier coup. Celui au teint hâlé lui répondit aussitôt en poussant l’un de ses pions puis se tourna vers leur spectateur.
          - Que faites-vous ici, messire, dans ce palais d’été ?
          Le ton avait changé, direct et déstabilisant, destiné à obtenir une réponse moins préparée. L’Étranger appréciait à sa juste valeur l’art de rythmer ainsi les mots, d’autant plus chez un si jeune interlocuteur.
          - Je suis venu informer. (Les deux garçons continuaient à jouer, mais il n’en ressentait aucun malaise, ils lui accordaient une réelle attention). Je viens de contrées si lointaines que vous n’en connaissez pas l’existence, j’ai voyagé jusqu’à vos royaumes afin d’informer… et de prévenir.
          - Et avez-vous réussi dans votre quête ?
          - Pas encore.
          L’adolescent prit l’un des verres posés sur le bord de la table après avoir répondu à un nouveau coup.
          - Pas encore ?
          - Pas encore, non. Les Rois ici présents sont de bons rois, entièrement impliqués dans la gestion des affaires et de leurs intérêts. Leurs esprits sont déjà pleins et ils ne sauraient prêter une écoute sérieuse et investie aux histoires excentriques d’un étranger tel que moi. Nul ne pourrait les blâmer de leur comportement au vu du bon état de leurs royaumes.
          L’autre jeune homme se tourna vers lui après avoir déplacé une pièce.
          - Ce qui nous amène à une autre interrogation. Que faites-vous ici, messire, autour de cette table ?
          L’Étranger laissa échapper un sourire.
          - C’est à vous que je suis venu m’adresser.
          Aucun des deux ne fut surpris. De la jeunesse, ils n’avaient plus que l’âge, l’esprit était déjà trop aiguisé.
          - Pourquoi nous ? Et pourquoi pensez-vous que nous vous prêterons une meilleure oreille ?
          Il inspira profondément et inclina la tête, cherchant les mots dans cette langue encore complexe pour lui. Les deux jeunes hommes le regardèrent, intrigués par cette hésitation.
          - Parce que c’est à l’époque à laquelle vous allez régner, vous deux, que se décidera le devenir de ce continent.

      Dernière modification par AdrienChouquet (08 Août 2023 17:29:56)