Les murmures de la montagne de métal (Partie 1), premier chapitre

 
    • Wivik_Seb-Astien

      Livraddictien débutant

      Hors ligne

      #1 17 Avril 2024 21:49:29

      Bonjour tout le monde ! Après vous avez proposé le début de mon tout premier livre, je me suis dis dit : et pourquoi pas enchaîner sur le dernier ?

      Voici donc le premier chapitre de mon dernier ouvrage intitulé Les murmures de la montagne de métal (lien Bibliomania), un récit de science fiction d'environ 200 pages. N'hésitez-pas à me faire part de vos remarques !

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      Installés à l’intérieur d’une vrombissante soute de métal, trois adolescents, un garçon et deux filles, étaient solidement harnachés à leur siège. Ils portaient tous les trois une lourde et épaisse combinaison marron avec des parties orange, couvertes de tuyaux et câbles en tout genre. L’ensemble était surmonté d’un casque dont la moitié avant était faite d’un matériau qui donnait l’impression de regarder dans un miroir. Cette vitre sophistiquée était un agrégat de plusieurs couches protectrices qui permettaient au porteur de parfaitement bien voir, mais aussi d’être protégé de rayonnements externes. Le reste de leur tunique était connecté à leur siège par diverses sangles et attaches permettant de recevoir de l’air recyclé, de la chaleur, et soulageait leurs oreilles du vacarme ambiant.

      La structure vibrait avec insistance, au rythme de propulseurs qui se déclenchaient selon une précise cinématique pré-calculée exécutée par trois ordinateurs autonomes. Par moment, des moteurs fusée se réveillaient et firent trembler la coquille de métal dans laquelle ces trois adolescents étaient enfermés. Tous affichaient la même émotion sur leur visage : anxiété, appréhension, peur.

      « Brille, brille, mon étoile, Accueillante étoile de l’amour !

      Tu es la seule à m’être précieuse, Les autres ne le seront jamais. »

      Chantait à l’intérieur de son casque l’un des passagers de cet assemblage fait de métal, tuyères, câbles électriques, et dont la lumière de diverses écrans de contrôle éclairait le sombre habitacle. Elle répétait ce passage encore et encore, comme cherchant à s’évader du stress de la situation.

      « Dansons la capucine, Y a pas de pain chez nous

      Y en a chez la voisine, Mais ce n’est pas pour nous. »

      Entonnait en boucle dans son casque la seconde personne à bord de l’appareil qui se mettait à trembler de plus en plus.

      « Au clair de la lune, Mon ami Pierrot,

      Prête-moi ta plume, Pour écrire un mot. »

      Fredonnait inlassablement le troisième passager, les yeux fermés à essayer d’oublier l’intensité du moment.

      WOOOOOSH !, rugirent quatre puissants moteurs fusée au moment où ils se réveillèrent et hurlèrent de leur voix rauque. Les trois passagers à bord continuèrent leur tentative d’apaiser leur stress en répétant en boucle des chansons enfantines.

      Une alarme retentit à l’intérieur de la cabine et un message apparut sur le moniteur principal.

      Initialisation de la séquence de rentrée atmosphérique.

      Les yeux de Solan s’écarquillèrent lorsqu’il vit cette information s’afficher. Le point de non retour était atteint et leur mission avait bel et bien démarrée. Lui, accompagné de Ania et Iris, étaient à bord d’une chose qui n’était plus censée exister depuis bien longtemps. Cette capsule spatiale de huit mètres de diamètre pour vingt-quatre de hauteur était un vestige d’une époque révolue. D’un monde qui n’existait plus, mais semblait pourtant bien être encore là.

      Baptisée Pharos, en référence à cette structure qui guidait les marins dans la nuit, cette machine anachronique fut inspirée des appareils que leurs très lointains ancêtres utilisaient pour les rentrées atmosphériques. Elle fut construite grâce à trente cinq ans de recherche et développement en exploitant d’antiques banques de données de l’université de Ptolemaeus. Solan, Ania et Iris se trouvaient à bord pour un aller simple vers la Terre depuis que le trio avait décollé de la base spatiale Alphonsus.

      La structure du Pharos se mit à trembler de plus belle lorsqu’elle commença à glisser sur l’atmosphère de la planète bleue. La chaleur à l’intérieur de la capsule se mit à monter drastiquement et différentes alarmes retentirent de nouveau. Les passagers ne pouvaient pas vraiment faire autre chose que d’attendre, espérer que tout se passe bien, que les ordinateurs exécutent à la lettre leurs programmes, et que les calculs des savants à l’origine de ce projet soient corrects. Eux, ils n’avaient guère de marge de manœuvre pour corriger le tir si d’aventure cela se passait mal. Même s’ils ont suivi un rigoureux entraînement pendant un an, il s’agissait d’un exercice que personne n’avait réalisé depuis… En fait, personne ne l’avait accompli si l’on en croit les livres d’Histoire. Il était évident que cela avait pourtant déjà eut lieu, mais aucun s’en souvenait et les données qui permirent de construire le Pharos relevaient de la science fiction.

      Un compas et une boussole affichés sur l’écran principal permettaient aux passagers de se faire une idée de leur position. La capsule était presque dépourvue de tout vitrage en dehors de minces panneaux transparents. Cela rendait l’expérience encore plus traumatisante à bord.

      Les panneaux se mirent à trembler de plus belle, ce qui arracha un hurlement de terreur à Iris. Solan ferma les yeux et continua de chanter en boucle la comptine qui lui rappelait des moments plus heureux. Ania ne semblait plus réagir, elle avait probablement perdu connaissance sous le choc.

      Un décompte était affiché sur l’écran secondaire de gauche, celui qui affichait l’état de leur rentrée avec l’estimation de la position de la capsule vis à vis de l’atmosphère. À en croire les indicateurs, tout se passait très bien. L’opération avait commencé depuis une minute et vingt-trois secondes, mais pour les occupants, cela durait depuis une éternité. Le compte à rebours se dépilait progressivement, mais chaque seconde sembla durer une heure pour Solan.

      Plus le Pharos pénétrait l’atmosphère de la planète bleue, plus sa structure hurlait, grinçait, tremblait, gémissait, et se plaignait.

      Et si la capsule se disloquait ?, pensa subitement Iris. Elle tenta de chasser immédiatement ce parasite de sa tête en reprenant le fredonnement d’une chanson rassurante. Dans tous les cas, si ce malheur devait arriver, ils n’auraient même pas le temps de s’en rendre compte.

      00:43 était affiché sur le moniteur.

      Le Pharos était tel une maison prise dans une tornade. Il régnait un insupportable boucan à l’intérieur de celui-ci. Les minces fenêtres dont il était équipé laissaient entrevoir des flammes écarlates qui contribuaient à l’oppressante ambiance à bord. L’habitacle était sombre avec comme seul éclairage des lampes rouges de secours.

      Le hurlement des propulseurs, stabilisateurs et autres moteurs de positionnement qui se déclenchaient par intermittence était une véritable cacophonie de détonations. Comme un champ de tir où des canons venaient couvrir de leurs explosions le fond sonore ambiant.

      Soudain, tout s’arrêta. Le Pharos ne tremblait plus, enfin beaucoup moins, cela était désormais presque imperceptible. Seul un vrombissement ressenti dans l’estomac des occupants se manifestait, causé par les moteurs fusées qui se sont une nouvelle fois réveillés. Désormais, un bruit de fond constant était perçu par les passagers, causé par le dégagement de puissance de ces quatre formidables engins.

      Altitude : 10 324 mètres - En descente, affichait le moniteur principal.

      Un sentiment de soulagement commençait à se partager au sein de la cabine. Ania était revenue à elle tandis qu’Iris était au bord des larmes. Solan, quand lui, les avait laissées couler depuis longtemps.

      Les passagers tentèrent de voir l’extérieur par les fenêtres, mais celles-ci ne renvoyaient qu’une image noire. Il ne leur était pas possible de savoir si c’était la nuit, ou bien si c’étaient les flammes qui avaient carbonisées les vitres. Malheureusement pour eux, ils ne pouvaient se fier à l’heure affichée sur l’écran de contrôle, celle-ci étant basée sur leur point de départ.

      Un violent choc les secoua de nouveau lorsque les quatre moteurs fusée vinrent hurler une nouvelle fois pour freiner la descente de la capsule. Les panneaux stabilisateurs ainsi que les aérofreins s’étaient également engagés. Un véritable miracle technologique qui n’était, jusqu’alors, que purement théorique. La notion même d’aérofrein n’avait aucun sens d’où ils venaient et leur connaissance du vol atmosphérique était basée sur de vieux livres de science aux origines contestées. C’était le moment où les calculs ayant anticipé la plus forte gravité de la Terre, six fois supérieure à leur monde natal, allaient s’avérer corrects.

      Une nouvelle alarme se mit à retentir et capta toute l’attention des trois passagers. L’atterrissage était imminent. Un frisson parcouru leur échine et une nouvelle forme de nervosité les enveloppa. Ce n’était plus de la peur, mais un mélange d’appréhension et d’excitation. D’ici quelques instants, ils allaient poser le pied sur un endroit qu’aucun d’entre eux n’avait jamais foulé. Un monde inconnu alors qu’il était censé être le berceau de leur espèce.

      Les tuyères et les moteurs fusées commencèrent à tousser à l’approche du sol. Leurs dernières réserves de carburant s’épuisaient, leur quantité ayant été précisément calculée pour parfaitement optimiser le ratio poids / autonomie. Trois parachutes sortirent du nez de la capsule qui fut soudainement tenue par leur seul lien. Les moteurs fusée s’étaient tus et le resteraient à jamais, ayant rempli leur mission jusqu’à l’ultime fin. Ne restaient que quelques propulseurs de stabilisation qui permettaient encore d’équilibrer l’ensemble jusqu’à ce qu’ils finissent par atteindre leurs derniers retranchements.

      CLONG, entendirent les passagers. Un bruit violent qui fit sursauter toute la cabine avec un nouveau choc. Pour cause, l’une des dernières séquences du programme venait de s’exécuter. Les moteurs situés en dessous des passagers n’avaient désormais plus aucune utilité, ils n’étaient qu’un poids mort car n’ayant plus aucune goutte de carburant à brûler, plus une seule flamme à cracher. La capsule enclencha ainsi une séparation avec sa partie motrice et fit tomber celle-ci sur la montagne au dessus de laquelle elle planait, portée par trois parachutes. Lorsque le bloc propulseurs s’écrasa au sol, le peu de combustible qui restait à l’intérieur s’embrasa et une faible explosion retenti. Les passagers de la cabine n’en eurent aucunement conscience.

      Désormais, leur vie ne tenait plus qu’à une série de fils raccordés à leur habitat de métal suspendu dans les airs par des toiles de tissu. Les occupants de celui-ci étaient impressionnés par la précision de la trajectoire qu’ils suivaient malgré l’imprévisibilité des éléments tels que le vent ou autre perturbation atmosphérique.

      Altitude : 430 mètres - En descente, affichait le moniteur principal.

      Ils étaient de plus en plus proche.

      Un nouveau bruit les fit sursauter, celui de l’armement des coussins pneumatiques qui entouraient la capsule. Une série d’explosion se déclencha et d’immenses bouées enveloppèrent le reste du corps du Pharos, désormais amputé de sa partie inférieure.

      Dans l’immédiat, c’était un bruit de craquements qui résonnait dans la cabine. Non pas métallique cette fois, mais plutôt du bois qui casse accompagné de nuées d’oiseaux effrayés qui quittèrent l’endroit en panique. C’était la première fois que les occupants entendirent ce mélange de sons. La capsule était en train de heurter des arbres qui contribuaient à ralentir ses ultimes mètres avant le sol.

      Altitude : 15 mètres

      Ils y étaient presque. D’ici quelques secondes, ils allaient quitter cet angoissant cercueil de métal qui les aura malgré tout conduit à bon port.

      BLONG !

      Un violent bruit sourd et métallique accompagné d’une brève mais intense secousse conclut le périple du Pharos et de ses trois passagers. Après quelques secondes à trembler, craquer, sentir quelques derniers mouvements, la structure de métal issue de l’espace s’était immobilisée sur Terre. À son tour, elle s’était plongée dans le mutisme et devint un inerte amas de diverses alliages de métaux.

      Séquence terminée, affichait le moniteur principal. Le programme était arrivé à son terme et n’avait plus rien à faire. Le système d’exploitation du Pharos était désormais en attente de nouvelles instructions.

      Solan, Ania et Iris tentèrent de se libérer de leurs sièges. Les combinaisons spatiales n’aidaient déjà pas beaucoup à bien se mouvoir, mais il fallait aussi que leur corps s’habitue à une plus forte gravité que leur habitat d’origine.

      Grognant, gémissant, se plaignant, ils finirent par descendre de leurs sièges et tombèrent lourdement au sol. Iris resta à quatre pattes et respira difficilement, probablement causé par l’émotion et le stress, ainsi que son corps devant s’adapter à une nouvelle masse. Ils avaient aussi été entraînés pour ça, en vivant dans les zones simulant une plus forte gravité. Mais ce n’était pas en quelques semaines de simulation qu’ils allaient s’y faire. Solan aida Iris à se relever, difficilement.

      Ensemble, ils déverrouillèrent la dernière barrière de métal qui les séparait de ce nouveau monde à explorer. Lorsque la porte céda sous les coups qu’ils lui infligèrent, ils eurent une petite déception. Le trio s’attendit à être ébloui par la lumière du soleil. Hélas pour eux, c’était bel et bien la nuit et seule la lueur de la pleine Lune venait éclairer cette sombre forêt. Lune qu’ils regardèrent longuement avec un air nostalgique. L’éclairage était complété par les quelques projecteurs externes du Pharos encore actifs. Si la capsule n’était désormais plus d’aucune utilité pour voyager, elle restait encore alimentée électriquement et pouvait produire son énergie de manière autonome grâce à des panneaux solaire et des batteries. C’était là un des éléments de la mission du trio de jeunes, une base qui lui servirait d’avant poste sur Terre.

      Non pas sans hésitations, les trois adolescents entreprirent de retirer leur casque. Ils prirent chacun une bouffée d’air que leurs poumons découvrirent. C’était la première fois qu’ils respiraient de l’air pur, naturel, frais, à la senteur boisée, et non de l’air recyclé par des machines filtrantes assistées par une insuffisante végétation et une odeur de renfermé. L’émerveillement se lisait sur leur visage épuisé. La seule ombre au tableau fut que le délicat fumet de la forêt était rapidement couvert par la moins agréable odeur carbonée du métal encore chaud. La carrosserie et le bouclier thermique initialement blancs du Pharos étaient désormais marrons, voire noirs. De nombreuses tuiles ont été perdus durant la descente, ce qui rappela aux jeunes la dangerosité de leur périple.

      Bien qu’ils auraient apprécié retirer le reste de cette lourde combinaison, désormais encore plus, cette nuit d’été restait froide à cet endroit du monde. Après quelques minutes de repos pour se remettre de leurs émotions, ils ouvrirent la soute du Pharos et installèrent la tente et les outils de campement qui avaient été prévus. Là aussi, un savoir ancestral qui n’existait que dans les banques de données, car personne ne faisait de camping là d’où ils venaient.

      Proche de leur camp de base se trouvait une rivière. Iris alla avec un bidon chercher de l’eau. Lorsqu’elle ramena ce liquide plus précieux que n’importe quelle autre substance dans leur monde natal, ce fut une nouvelle source d’excitation. Ici elle était abondante, fraîche, et avait un vivifiant goût minéral. Pour la première fois de leur vie, ils burent de l’eau pure et non recyclée depuis des siècles par des machines.

      Ce n’était là que le début de la découverte d’un nouveau monde pour ces visiteurs venus d’un autre.