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- Un riff d'enfer (TW : gore : décompositon)
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#1 17 Juillet 2024 17:03:32
Bonjour à tous !
Aujourd'hui je reviens vers vous afin de vous proposer le premier texte d'un futur recueil qui
devrait sortir pour Halloween.
Le texte est un peu gore surtout vers la fin.
Texte :
Johnny avait passé des mois à chercher le meilleur riff pour sa chanson « Just a few steps from Hell ». Nuit et jour, il écrivait, chiffonnait, puis réécrivait ; encore et encore. Les boulettes de papier chiffonné commençait à s’amonceler au pied du bureau. Ces cernes qui paraissaient sous ses yeux étaient la preuve de tant de nuits blanches à griffonner.
Il aurait pu laisser tomber mais il faisait parti de ce groupe et en tant que leader les autres membres avaient tendance à tout miser sur lui. Alors il s’était replier dans sa chambre, sans voir personne. Même quand Tiffany, la batteuse de la bande et sa petite amie l’appelait, il ne décrochait point. Il se disait qu’elle comprendrait une fois qu’elle aurait entendu son riff. Il voulait en mettre plein la vue.
Alors, depuis quelque temps Johnny était comme hypnotisé par l’écriture de sa partition quitte à délaisser tout le reste.
Ce samedi soir, il devait être aux alentours de 23h00 quand il décida d’arrêter de se triturer les méninges. Il mit son imperméable car il pleuvait beaucoup et sortit faire un tour en ville.
Johnny marchait, son esprit accaparé par ce riff qui restait encore bien imparfait pour lui. Il avançait d’un pas nonchalant, inconscient du monde qui l’entourait.
De plus, pour ne pas arranger les choses, son manager n’arrêtait pas de le presser. Il lui rappelait régulièrement l’échéance, ou plutôt sa déchéance, s’il ne sortait pas rapidement un nouvel album.
Même son meilleur ami Franck, le plus impatient de la bande, le bousculait de temps à autre pour qu’il s’active. Les autres membres ne laissaient rien paraître dans leurs messages et se contentaient de prendre de ses nouvelles, inquiets pour leur ami.
Johnny était si angoissé à l’idée de ne pas parvenir à atteindre son objectif qu’il en avait souvent l’estomac tout retourné. Il se sentait au bord de la crise de nerfs et rien ne pouvait l’apaiser. Souvent, des larmes de stress coulaient le long de ses joues et il n’arrêtait d’écrire que lorsqu’il tremblait trop. Il aurait pu abandonner, en parler, mais ce n'était pas dans son tempérament.
Dans sa tête se jouait donc un monologue lugubre et macabre.
Et tandis qu’il pensait, l’image d’un homme étrange vêtu d’une étoffe bleue lui apparut soudain à l’esprit. Il lui fallut un petit moment de réflexion et pour organiser ses souvenirs avant de se rappeler ce gourou de la cité dont il avait entendu parler lors d’une soirée entre potes.
Il était capable de quelques miracles qui selon certains n’étaient pas sans conséquences. Il se disait, en effet, que cela devait certainement impliquer quelques sacrifices.
Pourtant, peu importe le sacrifice, ce détail paraissait infime comparé à son désir de créer le riff parfait. Il alla donc voir l’homme.
Ce dernier vivait dans une petite ruelle située derrière le jardin public de la ville. À cette heure-ci, le parc était désert et Johnny avait la désagréable sensation d’être épié à chaque buisson qu’il croisait.
Johnny passa par le parc. La nuit, les lieux n’avaient rien de rassurant et ce n’était pas les grincements des va et vient de la nacelle de la seule balançoire qui allait le rassure. Johnny se perdit dans les mouvements hypnotiques de cette nacelle. Seuls des jeunes qui passaient par là purent le sortir de ses rêveries. Il reprit la route en direction de là où vivait le gourou. Le vent le poussait, le portait. Johnny, fatigué, crut même l’entendre murmurer dans son souffle.
À chacun de ses pas vers cette ruelle, son ventre se serrait de plus en plus à l’idée de ce qui allait se passer. c’était comme si quelque chose lui demandait de faire marche arrière. De renoncer à cette folle entreprise. Et à mesure qu’il avançait, il pouvait sentir l’étreinte se resserrer de plus en plus autour de son cœur. Il suffoquait d’angoisse.
Il se posa un instant sur l’un des bancs du parc et ferma les yeux. Il prit de grandes inspirations, tenta de rationaliser ce qui lui arrivait, lui qui n’avait jamais été sujet au stress auparavant. Puis il y avait cette voix qui lui martelait sans cesse le crâne de « vas-y » ; alors, au bout d’un moment, n’en pouvant plus, il se leva et se dirigea prestement vers la ruelle où habitait le gourou.
Arrivé enfin face à la porte au bois écaillé et à la poignée branlante, il frappa trois fois. Pas de réponse, mais la porte s’ouvrit dans un grincement strident auquel personne ne sembla prêter attention. Johnny se dit que pour la discrétion il repassera. Il patienta un peu devant la porte qu’on vienne le chercher, mais personne ne vint. Il entra.
Johnny se trouva alors dans un long corridor, bordé de chaque côté par des portes tout aussi miteuses et tombant presque en ruine. Il en repéra une avec d’étranges inscriptions dessus. Johnny n’était pas un érudit des langues, surtout celles dont l’alphabet était particulier. Aussi il était inutile pour lui de tenter de déchiffrer quoi que ce soit.
Pourtant, quelque que soit ce langage, il dégageait quelque chose de mystique, Johnny en avait comme une sorte d’intuition qu’il ne pouvait s’expliquer.
Johnny paria qu’il était devant la bonne porte et toqua.
Une voix chevrotante, presque malade comme saccagée par le temps et les années l’invita à entrer.
Johnny ouvrit la porte et fut aussitôt saisi par l’odeur d’encens qui embaumait la pièce. Les essences de plantes étaient si diverses et variées qu’il ne pouvait en distinguer aucune en particulier. Les odeurs florales lui chatouillaient les narines et sa vue se voila de la fine fumée blanche qui se dégageait de l’encensoir posé à même le sol, au milieu de la pièce. Johnny eut un instant la tête qui tourne et dut se rattraper de justesse afin de ne pas tomber.
Au centre de la pièce, un homme de taille moyenne et plutôt chétif était assis en position du lotus. Il portait une longue barbe aux reflets grisâtres et son crâne était légèrement dégarni sur le sommet. Ses yeux étaient enfoncés profondément dans leurs orbites et ses joues se rétractaient timidement, comme aspirées par une force intérieure.
« Bonsoir, je m’appelle Johnny et je suis venu pour…
— Je sais pourquoi tu es là, le coupa d’un ton sec le vieil homme.
— Vraiment ? Comment vous… ?
— Je vois tout, répondit le gourou non sans détacher son regard de son interlocuteur. »
Johnny avait la désagréable sensation qu’on le déshabillait de l’œil. Il n’aimait pas du tout cette situation et voulut presque se raviser.
Le vieil homme lut en lui et s’enquit :
« Tu ne veux pas savoir ce que j’ai à offrir ?
Johnny réfléchit un instant.
— Si, bien sûr que si.
— Alors, assieds-toi face à moi et ferme les yeux. »
Puis l’homme commença à psalmodier dans une langue étrangère.
Comme emportées par ce chant mystérieux, les flammes des bougies posées ici et là autour du cercle dansaient de manière frénétique.
Johnny commença alors à ressentir des picotements dans les doigts. Puis, soudain, une vive douleur dans les bras. Il voulut briser le lien psychique qui s’était alors établi, mais le gourou lui intima de ne point bouger.
Johnny se sentait transporté comme sur la nacelle de cette balançoire. Il sentit ce courant d’air frais lui fouetter le visage. Un mélange assez singulier de chaleur et de froid l’envahissait. Des murmures incompréhensibles se faisaient entendre, mais Johnny, bien que maintenant pris d’un doute, ne pouvait plus faire marche arrière.
Au bout de quelques minutes, il arrêta enfin de chanter.
Voilà. Maintenant va… pars écrire ce riff. »
Johnny mis un petit moment avant de récupérer ses esprits et revenir dans le monde réel. Ses jambes en coton l’empêchaient de se relever. Tout son corps lui semblait lourd et impossible à porter. Le gourou lui donna alors une décoction qui le remit sur pied.
Johnny s’en alla sans se retourner et se dépêcha de rentrer chez lui.
Le soir même, il s’installa devant une feuille vierge. Il laissa l’inspiration venir à lui. Il entendit alors cette voix lui chuchoter à l’oreille ce qu’il devait écrire et Johnny s’exécuta.
Le stylo dansait en mouvement fluide sur le papier, esquissant les notes tant recherchées. Johnny se laissait emporter par ce qu’il entendait, un do par-ci, un sol par-là. Le riff prenait vie sous ses yeux médusés.
Il prit ensuite sa guitare et joua les premières notes. Tout sonnait juste. Il venait de créer le riff qu’il avait tant espéré pour cette chanson.
Quelques semaines plus tard, le groupe donnait un concert dans le parc. La foule s’était rassemblée exprès pour entendre leur nouvelle chanson dont les membres parlaient sans cesse depuis des mois.
Johnny se sentait confiant et aussi plus serein que les premiers mois qui avaient suivi cette décision de créer quelque chose qui sortait de leurs habitudes. Il chantait et grattait sa basse comme un fou. Tiffany le suivait en rythme, le sourire aux lèvres. Elle retrouvait là celui qu’elle aimait.
Ils jouèrent quelques chansons avant d’entamer enfin la fameuse « Just a few steps from Hell ».
Le public retint son souffle. La chanson débuta par un tempo lent et la musique, faible au départ, monta crescendo. Johnny fit alors entendre une voix plus rocailleuse que pour les chansons précédentes, avec quelques pitch aigus lorsqu’il entamait son refrain.
Quand fut enfin venu le moment du riff tant attendu, Johnny gratta sauvagement les cordes de sa guitare.
Il jouait et jouait, vite, de plus en plus vite. Il était comme absorbé par sa propre mélodie. Et tandis qu’il jouait, il ne remarqua pas la peau de ses doigts s’effriter au fur et à mesure.
Il était pris dans le rythme de son riff et semblait ne plus pouvoir s’arrêter malgré les crampes qui commençaient à se faire sentir. Alors la douleur vive se réveilla. Cependant Johnny, pris dans son élan, fut incapable de s’arrêter.
Il hurla jusqu’à s’en déchirer la voix tant ses doigts le brûlaient. Il les voyait, terrifié, qui se décomposaient sous ses yeux, les lambeaux de sa propre chair laissant peu à peu apparaître des os ensanglantés. La terreur que la scène lui procurait se transforma en démence sans qu’il n’y puisse y faire quelque chose. Puis enfin il s’écroula devant un public horrifié qui laissa échapper un hurlement d’effroi, les bras complètement en lambeaux.
Le groupe, impuissant, le regarda s’écrouler dans une douleur insoutenable. Tiffany pleurait et hurlait. Elle en avait des crampes à l’estomac, et face à l’horreur de cette vision d’un corps en décomposition, elle rendit. Le sol sous ses pieds était mêlé de larmes et de vomis.
Le brouhaha de la foule paniquée avait finit par attirer les autorités, mais il était trop tard.
Non loin de là, deux yeux jaunes et luisant dans la nuit observaient la scène au travers d’un buisson.
« Just a few steps from Hell » ? Hum… Voilà une chanson qui lui restera pour l’éternité. Et je dois dire que ce riff était d’enfer.
Le diable avait observé la scène avec une certaine délectation… un riff d’enfer, en effet.
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