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C'est marrant (ou pas) comme la majorité d'entre vous a été choquée par le massacre des Haïtiens... Oh! certes c'est un épisode dramatique, et même pire (j'y reviens), mais moi ce que j'ai surtout vu dans ce chapitre, c'est à quel point l'auteur corrobore mon sentiment initial : tout cela, Trujillo et son règne, n'aurait pu exister sans les États-Unis, qui l'ont formé (dans les Marines dont Simon Gittleman est devenu un représentant bien glauque...), qui l'ont installé sur son "trône"... et qui prétendent se retirer sous une pression internationale qui se durcit! Quand on pense qu'ils ont fait ça à plus d'un endroit dans le monde, et quand on voit le dégénéré qui est à leur tête aujourd'hui, ça fait froid dans le dos...
Quant au massacre des Haïtiens... Ce n'est pas tellement que les Haïtiens aient tenté d'envahir la République dominicaine! en réalité, et depuis toujours (ou presque), Haïti est un des pays les plus pauvres du monde... malgré un certain nombre de richesses naturelles, ils ont vu se succéder des despotes incompétents, qui ont toujours détourné les richesses et autres aides (quelles qu'elles soient) à leur profit.
Quand je travaillais dans le domaine de l'aide humanitaire, Haïti faisait partie des quelques pays où la compensation financière pour nos "experts" était assez élevée (tout comme l'Afghanistan, la République centrafricaine ou le Yémen, pour vous dire...), car ce pays était considéré comme tellement dangereux - à tous points de vue - qu'il fallait un incitant pour que l'aide humanitaire tente de s'y déployer quand même (le fameux devoir d'ingérence et toussa). Nos experts sur place ne pouvaient y aller avec leur famille, et sur les 15 ans où j'ai travaillé là (je veux dire dans ce domaine, mais de loin à Bruxelles!), on les a "évacués" au moins deux fois pour des raisons de sécurité; or, en aide humanitaire, c'est rare d'en arriver là; il n'y a que des fous comme MSF qui restent le plus longtemps possible! et bon, là je ne vous parle pas des années 1930, mais de 2005 à 2020 en gros...
Ainsi, pour le pauvre citoyen haïtien qui n'a rien demandé, qui ne fait que subir, quoi de plus "normal" que de tenter d'émigrer vers le riche, et surtout seul et unique voisin? N'oublions pas que HaÏti + République dominicaine, ce n'est jamais qu'une petite île dans les Caraïbes; à moins de prendre la mer, avec tous les risques que cela comporte, et sachant que la région était alors infestée de dictateurs, essayer d'entrer en République dominicaine, alors prospère grâce à Trujillo (eh oui! si vous lisez entre les lignes, il avait un énorme côté démagogique, il s'est réellement occupé de son peuple... mais sans tenir compte d'un quelconque budget sérieusement, et en écrasant la moindre trace d'opposition), bref, pour les Haïtiens, c'était "la" solution, sans qu'il y ait jamais eu de réel désir d'invasion, pas au sens militaire en tout cas...
Et, bien entendu (malheureusement), faire jouer une certaine carte du nationalisme raciste, ça marche toujours en temps de crise... (sachant que Haïti, ancienne colonie sucrière française, et unique pays de toute la Caraïbe dont la langue officielle est le français, est très largement peuplée par les descendants des esclaves importés d'Afrique; tandis que la République dominicaine, hispanophone, avait (et a toujours) une population beaucoup plus métissée, mais tendant davantage vers le blanc...)
Bon, et désolée si je donne l'impression d'étaler une espèce de "culture"! En fait, ce n'est pas tellement de la culture, plutôt un ressenti assez fort parce que la région ne m'est pas complètement inconnue, et me touche! J'ai dû vous dire que j'ai eu autrefois un ami dominicain, et quand je travaillais dans l'aide humanitaire, j'avais bien sympathisé avec l'un de nos "experts" donc, qui avait passé plusieurs années en Haïti en début de carrière, et nous racontait parfois des anecdotes, qui rejoignent tellement des bribes de ce qui se dit ici!