Le sang d'encre, tome 1 de Nena Labussière
Bienvenue dans les Terres-Mêlées, royaume sur lequel règnent, selon une rotation permise par une Loi Antique, deux familles : les Tyr et les Leffteti. Chaque famille se voit confier la couronne pendant cinq générations avant qu'elle soit transmise à l'autre. Au moment des faits, c'est Saul Tyr qui gouverne. Il se fait vieux, bien sûr, et les langues parlent déjà de son successeur, Evan Tyr. le problème est que ce dernier est atteint d'une maladie : le sang d'encre, maladie qui affecte également la population de la capitale.
Le sang d'encre est une sale maladie, inguérissable en apparence, dont l'origine est étrange, si ce n'est douteuse. La peau des malades se couvre d'écailles d'entre lesquelles suinte un liquide bleu nuit. Elle est douloureuse, fatigante, et les malades n'y survivent pas. Que l'on sache que l'héritier du trône en soit atteint serait terrible pour la santé du royaume, dont la paix est bien plus fragile qu'elle n'y paraît.
Qui plus est, bien sûr, les deux familles, dont les patriarches se disent plus frères qu'amis, ont des secrets, des querelles sourdes, des conflits à venger.
Nena Labussière a introduit en un peu moins de 600 pages un monde imaginaire inspiré d'un Moyen ge tardif français réaliste avec un merveilleux qui ne ferait pas tache dans la littérature de l'époque.
Nous ne sommes pas très loin d'une fin de Moyen ge, disais-je, avec cette maladie sordide qui empeste la capitale, les jeux de pouvoir qui se jouent au détour d'un couloir (les Bourguignon et les Armagnac, les Orléans et les Bourbon ne sont jamais bien loin…), la suprématie d'une loi antique (la loi romaine remise au goût du jour à la fin du MA était bien plus misogyne et bien plus discutée que la Loi Antique imaginée par l'autrice). Avons-nous tout juste l'idée d'une congrégation - je sais que le mot est très connoté - de “prieurs”, dont on devine une certaine importance pour le moment mise de côté. J'espère les voir se confronter à des personnages comme Olga-la-Noire, guérisseuse dont le statut et l'histoire n'est pas sans rappeler les sorcières.
Ca “blablate” beaucoup, il y a peu - en apparence - d'actions ; passez votre chemin si vous souhaitez une fantasy qui bouge beaucoup plus. Là aussi, on s'approche du Moyen ge tel qu'il était réellement : de la diplomatie, des intrigues plus que des batailles rangées. C'est de la fantasy sérieuse, pas grand-public ; il faut se concentrer un minimum pour garder à l'esprit toutes les intrigues et tous les personnages, dont certains tiennent des propos-clés. Après tout, si le royaume se prétend en paix, il n'en demeure pas moins militarisé… Il y a des brigands, qui sont à la solde ou non de forces puissantes, il y a des prisonniers, des juges… Tout ça laisse supposer une instabilité qui ne veut pas dire son nom. Et on espère qu'une chose : que ça pète.
La frénésie s'empare de nous alors que l'on voit les pièces de l'échiquier se mettre en place ; on se sent fébrile alors que l'on devine des intrigues et que peu à peu se dévoile l'avenir des Terres-M?lees, royaume que, sous d'autres cieux, j'aurais bien envie de visiter… J'ai eu le plaisir de le fouler du pied bien en amont, et je croise les doigts pour que ce plaisir soit vôtre.
Genre : Fantasy