Je me permets d'ouvrir ce topic sur la trilogie celtique
Rois du monde de Jean-Philippe Jaworski, en l'inaugurant par une présentation du premier tome, qui est le seul paru pour l'instant.
Rois du Monde, tome 1 : Même pas mort
<image>
Fiche BBM
Quatrième de couverture :
Je m’appelle Bellovèse, fils de Sacrovèse, fils de Belinos. Pendant la Guerre des Sangliers, mon oncle Ambigat a tué mon père. Entre beaux-frères, ce sont des choses qui arrivent. Surtout quand il s’agit de rois de tribus rivales… Ma mère, mon frère et moi, nous avons été exilés au fond du royaume biturige. Parce que nous étions de son sang, parce qu’il n’est guère glorieux de tuer des enfants, Ambigat nous a épargnés.
Là-dessus, le temps a suivi son cours. Nous avons grandi. Alors mon oncle s’est souvenu de nous. Il a voulu régler ce vieux problème : mon frère et moi, il nous a envoyés guerroyer contre les Ambrones. Il misait sur notre témérité et notre inexpérience, ainsi que sur la vaillance des Ambrones. Il avait raison : dès le début des combats, nous nous sommes jetés au milieu du péril. Comme prévu, je suis tombé dans un fourré de lances. Mais il est arrivé un accident. Je ne suis pas mort.
Avis : Les Celtes, ce n'est pas un univers qui m'attirait au premier abord, et je ne suis pas non plus très mordue de fantasy traditionnelle (les grandes sagas avec des guerriers, des royaumes, des mages et cie ont parfois tendance à m'ennuyer), mais les qualités littéraires de ce livre m'ont conquise. Par ailleurs, on n'est pas dans un univers thématisé selon les codes du merveilleux (au sens où la fantasy est un genre participant du registre merveilleux), mais plutôt dans une fiction proto-historique mâtinée de fantastique, puisque Jaworski fonde sa trilogie sur un travail de recherche sérieux (et visiblement, passionné !) sur cette civilisation, tout en prenant en compte dans sa reconstitution le fait qu'à cette époque l'Histoire écrite n'existe pas, que la transmission des grands récits se fait sur un mode oral, que les héros y sont loués par les vers des Champions. Cela transparaît particulièrement dans un prologue de registre oratoire, que j'ai trouvé magistral.
Donc il ne fait pas que s'inspirer de ce qu'on sait des Celtes pour composer son propre univers de fiction, comme il a pu le faire pour Janua Vera et Gagner la guerre, qui étaient imprégnés de références culturelles et historiques (par exemple aux Cités-Etats italiennes du XVé et du XVIé siècles pour Gagner la guerre). C'est d'ailleurs généralement le cas dans les œuvres de fantasy, bien sûr, de façon plus ou moins fouillée, consciente et explicite. Non, la démarche est comme inversée dans Même pas mort : il y a une dimension surnaturelle omniprésente, mais qui, étonnamment, n'entre pas en conflit avec la dimension historique du récit, mais la renforce au contraire puisqu'elle donne corps, en quelque sorte, aux croyances de la culture Celte.
Ainsi, quand je parle de "qualités littéraires", ce n'est pas simplement au sens où Jaworski écrit très bien, qu'il a une langue riche et un style envoûtant (dont il a montré les trésors de sophistication dans Gagner la guerre), mais au sens où il parvient, par des procédés littéraires intelligents et bien dosés, à donner au roman tout entier l'aura singulière d'une légende orale, très ancienne, qui nous transporte dans un monde composé d'entre-deux et de seuils. Un monde où la frontière entre le sacré et le profane, entre le monde des vivants (monde des enjeux politiques, du lignage et des luttes de pouvoir), et celui des morts, des esprits, des oracles, est à la fois poreuse et indistincte.
A cet égard, Jaworski joue très bien des repères qu'il donne à son lecteur : il arrive à nous en livrer suffisamment pour qu'on puisse appréhender l'univers sans trop de confusion (il faut ainsi avoir la patience d'attendre la fin du roman pour obtenir certaines clefs), tout en restant assez subtil pour préserver cette atmosphère étrange, dépaysante, qui est inhérente à l'univers qu'il décrit tout comme au roman lui-même. En effet, le roman est assez déroutant dans son déroulement : il est comme un territoire à la temporalité brouillée, qui nous fait glisser, d'un moment à un autre, d'une intrigue politique et guerrière solide à des pérégrinations initiatiques hors du monde des vivants, sans que les transitions soient toujours clairement précisées.
Bref, j'ai trouvé que Même pas mort était, bien que, peut-être, moins immédiatement séduisant que le premier roman de Jaworski, assez brillant. Souvent, je trouve d'une banalité un peu facile qu'on dise d'un livre qu'il "fait voyager", et pourtant, c'est ainsi que je qualifierais la lecture de ce premier tome, en sachant donc que je ne dirais pas ça de n'importe quel roman d'aventures très entraînant.
A paraître : le deuxième tome s'intitulera Chasse Royale, et le troisième La grande jument.
Ils sont respectivement prévu pour 2014 et 2015 !
<image> <image>
Edit Mana_ : Ajout de la fiche BBM