#1 26 Septembre 2013 12:34:04
<image>
Le Dernier lapon, Olivier Truc.
Métailié, 2012, 453 p / Points, 2013, 571 p.
Polar
Fiche BBM
Kautokeino, Laponie centrale, 10 janvier. Nuit polaire, froid glacial. Demain le soleil, disparu depuis 40 jours, va renaître. Demain entre 11h14 et 11h41, Klemet va redevenir un homme, avec une ombre. Demain le centre culturel va exposer un tambour de chaman légué par un compagnon de Paul-Emile Victor, explorateur, scientifique, ethnologue qui a étudié la Laponie. Sur les 72 tambours restant au monde, c'est le premier à revenir en Laponie.
Mais dans la nuit, le tambour est volé. Les soupçons iront des fondamentalistes protestants aux indépendantistes sami. La mort d'un éleveur de rennes n'arrange rien à l'affaire. La Laponie, si tranquille en apparence, va se révéler terre de conflits, de colères et de mystères.
Klemet, le Lapon, et sa jeune coéquipière Nina, enquêteurs de la police des rennes, se lancent dans une enquête déroutante. Mais à Kautokeino, on n'aime guère les vagues. Ils sont renvoyés à leurs patrouilles en motoneige à travers la toundra, et à la pacification des éternelles querelles entre éleveurs de rennes.
Les mystères du 72e tambour vont les rattraper. Pourquoi en 1939 l'un des guides sami a-t-il confié à l'expédition française ce tambour, de quel message était-il porteur? Que racontent les joïks traditionnels que chante le vieil oncle de Klemet ? Que vient faire en ville ce Français qui aime trop les très jeunes filles et qui a l'air de si bien connaître la géologie de la région ? A qui s'adressent les prières de la pieuse Berit ? Que cache la beauté sauvage d'Aslak, qui vit en marge du monde moderne ? Dans un paysage incroyable, des personnages attachants et forts nous plongent aux limites de l'hypermodernité et de la tradition d'un peuple luttant pour sa survie culturelle.
Le Dernier lapon est un roman des grands espaces : la Laponie centrale, à cheval sur plusieurs pays est un territoire immense, recouvert de neige, que les enquêteurs parcourent en motoneige.
C'est également un roman du froid, et de l'obscurité. Car la Laponie est plongée dans la nuit polaire : au fil du temps, le soleil refait de brèves apparitions, et l'enquête est rythmée par ce retour progressif de la lumière (hautement symbolique, donc). Ce rythme a quelque chose de lancinant, d'oppressant, qui cadre très bien avec l'ambiance générale.
L'intrigue, de son côté, est de facture plutôt classique, mais très originale : on découvre les querelles entre éleveurs, et les dissensions sur un territoire recoupant plusieurs frontières. Les bisbilles entre indépendantistes et habitants anti-sami sont très bien rendues, et servent l'ambiance magistrale du roman. L'auteur maintient un fort degré de suspens jusqu'à la fin : sans batailles rangées, sans course-poursuite déchaînées, il nous offre un roman haletant, palpitant et qui titille la curiosité du lecteur jusqu'au bout.
Tout ça est très maîtrisé, bien écrit, et (je vais me répéter) très prenant. Gros coup de cœur pour ma part !