Trois derniers livres lus...<image>L’Homme pris au piège de
Léon Chestov (textes écrits entre 1899 et 1908) - Ce petit ouvrage regroupe trois études - deux publiées de son vivant, une retrouvée dans ses papiers après sa mort - sur Pouchkine, Tolstoï et Tchekov. Au-delà de la simple critique littéraire biographique, Chestov cherche ici à définir la manière dont ces trois monstres sacrés de la littérature russe ont pu répondre - dans leur vie et leur oeuvre, qui pour lui ne font qu’un - aux questions qui hanteront Chestov toute sa vie et qui peut se résumer (à mon sens), à celle-ci : comment, malgré les plates promesses d’un positivisme tromphant et naïf, doit se comporter l’Homme face à l’apparente absurdité de l’existence, aux limites trop évidentes de sa raison et à son absolue solitude ? En creux, il nous aide à mieux comprendre la séduction qu’exerce cette littérature russe qui, bien que tardive, maladroite et imparfaite, a dépassé pendant un siècle par ses ambitions philosophiques toutes les autres et a même subjugué les plus fins lettrés français. Et, nous dit Chestov :
triompher de l’esprit français, c’est triompher du monde entier. Une lecture intéressante, plus sans doute pour les prémices de la philosophie existentielle chrétienne qu’elle laisse entrapercevoir que pour son sujet proprement dit.
13/20.
<image>Poésies de
Paul Valéry (première édition dans cette collection en 1929) - Constitué de
Charmes (dans lequel figure le très célèbre Cimetière marin), d’
Album de vers anciens et de trois pièces pour opéra (qui furent jouées), ce recueil est idéal pour sa familiariser avec la poésie exigeante de Valéry. Il faut savoir passer outre l’hermétisme quasi-mallarméen parfois déconcertant des poèmes (“mes vers ont le sens qu’on leur prête”, disait-il) pour admirer l’harmonie générale des poèmes, la prosodie finement structurée et l’élégance formelle quasiment irréelle des vers - rien n’y est à jeter. Je préfère le Valéry prosateur - comme je l'ai laissé entendre à Joyce, je ne suis pas un très grand amateur de poésie en général - mais j’ai tout de même une admiration sans borne pour le poète.
15/20.
<image>Trans-Atlantique de
Witold Gombrowicz (première édition en 1952) - Comment décrire ce court récit ? Comment en rendre compte les paradoxes ? Autofiction burlesque est le qualificatif qui me semble le mieux caractériser cette oeuvre très particulière. Pamphlet contre le mythe national polonais, contre les hiérarchies et idées traditionnelles de sa vieille terre (ce livre a évidemment beaucoup choqué en Pologne - jusqu’à très récemment), Gombrowicz raconte en un récit absude, dans une langue mi-archaïsante (il s’inspire du gawęda, récit épico/folklorique traditionnel qui a notamment gagné ses lettres de noblesse chez le grand Mickiewicz, figure incontournable de la polonité que Gombrowicz pastiche) mi-novatrice, ses premières années d’émigration en Argentine dans les années 40. Une sorte de récit kafkaïen, en plus baroque et “foutraque” - absolument unique et génial.
18/20.
J'ai par ailleurs un peu avancé dans ma lecture des oeuvres romanesques de Gide.
L'Immoraliste et les
Caves du Vatican, sans me déplaire, m'ont légèrement déçu (il faut dire que mes attentes étaient élevées). A contrario,
La Porte étroite dont je n'attendais rien m'a complètement subjugué - avec
Paludes, ce sont pour moi (pour le moment) les deux joyaux de ce volume.