#237 05 Juillet 2018 16:21:10
Deux livres lus dernièrement, venant renforcer la cohorte des auteurs allemands explorés depuis mon inscription sur ce site : Le Faust (I) de Goethe et un livre regroupant deux essais de Carl Schmitt (La notion de politique et la théorie du partisan).
Après le Faust de Marlowe, lu voici quelques semaines, la version de Goethe - dont je connaissais pourtant vaguement les grandes lignes - m'a quelque peu surprise. La différence très nette entre ces deux interprétations, je crois, vient du fait (outre les variations de fond et de style bien compréhensibles du fait des différentes époques de composition) que la version de Marlowe est essentiellement théatrale et cette de Goethe principalement destinée à la lecture. La version de Marlowe est plus brute, tragique, expressive ; celle de Goethe (renforcée ici par la traduction de Nerval) plus lyrique, romantique et littéraire. Si je reconnais des qualités intrinsèques supérieures à celle de Goethe, je dois avouer avoir préféré la lecture celle de l'anglais (et c'est une surprise !). Mais cela n'en reste pas moins une belle expérience de lecture, et j'ai pu enfin voir (je ne voulais pas le faire avant) le film de Murnau qui est un véritable chef-d'oeuvre (bien que légèrement en deça de l'Aurore). Je continuerai sous peu mes explorations faustiennes, avec la version (sans doute très personnelle) d'un auteur qui m'est cher, Pessoa. Les illustrations de Delacroix qui étaient ici disposées en miroir du texte (nous sommes aux éditions Diane de Selliers, il faut bien l'évoquer) ne m'ont (sauf deux ou trois exceptions) guère enthousiasmées, mais elles ont l'avantage d'accompagner fidèlement l'oeuvre.
En ce qui concerne les essais juridico-philosophico-politiques de Schmitt, ils ont eu le grand mérite de me remémorer une époque (un peu lointaine désormais) dans laquelle je m'abreuvais d'ouvrages de ce style. J'ai suivi avec grand plaisir la pensée de l'allemand, pour lequel l'essence du politique relève in fine d'une polémologie, dont le rôle essentiel est la désignation de l'ami et de l'ennemi. Son approche s'oppose à un normativisme hors-sol, irénique, qui penserait par la force du droit annihiler la guerre et les conflits et qui par son refus de reconnaître les rapports de force et les enjeux réels de la politique ouvre la voie à des nouveaux phénomènes (partisans théorisés systématiquement par Lénine et surtout Mao, situations de guerre totale où l'ennemi est relégué en dehors de humanité). Les arguments sont bons, l'appareil de notes (et son exploitation) est intéressant, les pistes de réflexion sont pour la plupart pertinentes (aujourd'hui encore) mais l'approche m'a paru parfois quelque un peu simpliste, binaire et répétitive ; il faudrait que je lise ses oeuvres plus importantes pour approfondir cette première impression (qui n'a pas été mauvaise, loin de là).
De bonnes lectures, en somme. Je vais essayer de supporter les chaleurs du mois de juillet ( période toujours un peu pénible pour moi) avec d'autres livres non moins intéressants : continuer une partie des oeuvres complètes de Pascal - dans l'édition ultime mais où les notes diverses représentent 90% de total du texte, ce qui est largement excessif et rend la lecture laborieuse - revenir à Krasznahorkai (ah, enfin un bon contemporain !) dont le Guerre & Guerre m'avait subjugué et lire une correspondance entre Lévi-Strauss et Jakobson qui (sur le papier) promet (avant de me lancer dans les oeuvres complètes de Lévi-Strauss qui n'attendent que moi bien sagement dans ma bibliothèque ? Peut-être pas immédiatement...).
Sur ces intéressantes perspectives littéraires, je pars m'aérer quelques jours à la campagne et trouver un cadre encore meilleur pour de belles lectures !