Dans les faux rêves de modestie, il fait un froid de traquenard...
<image>Posons les bases toute de suite : Oui avant de commencer ce livre, je ne suis pas un grand "fan" du "personnage" Sylvain Tesson. Je ne lui trouve pas ce halo de lumière quand il s'écoute parler. Oui, c'est mon premier Sylvain Tesson. Non, je n'ai pas d'a priori négatif en commençant car au contraire c'est difficile à expliquer mais Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson fait partie de ces livres qui sans que je les ai lus exercent une "aura" je trouve (mais j'ai conscience que c'est une perception toute particulière).
Un citation résumera mieux les choses que les synopsis habituels à rallonge, en quelques mots :
Une fuite, la vie dans les bois ? La fuite est le nom que les gens ensablés dans les fondrières de l’habitude donnent à l’élan vital. Un jeu ? assurément ! Comment appeler autrement un séjour de réclusion volontaire sur un rivage forestier avec une caisse de livres et de raquettes à neige ? Une quête ? Trop grand mot. Une expérience ? Au sens scientifique, oui. La cabane est un laboratoire. Une paillasse où précipiter ses désirs de liberté, de silence et de solitude. Un champ expérimental où s’inventer une vie ralentie.
Ce livre possède plusieurs facettes. Cet avis sera donc rédiger de manière un peu particulière...
Alors, nous sommes ici en présence d'un journal de 6 mois passés dans une cabane de 9 m2 au fond de la Sibérie écrit par un homme qui un jour est tombé sous le charme de la région et de l'isolement qu'elle permet encore et qui saturant de notre société s'était juré de venir s'y isoler un jour.
...Quinze sortes de ketchup. A cause de choses pareilles, j'ai eu envie de quitter ce monde...
Un tel lieu est un endroit propice à la contemplation et à l'émerveillement de la Nature.
Le soir, le soleil perce, la neige prend une teinte d'acier. Les aplats blancs brillent avec l'éclat du mercure. J'essaie de prendre une photo de ce phénomène mais l'image ne rend rien du rayonnement. Vanité de la photo. L'écran réduit le réel à sa valeur euclidienne. Il tue la substance des choses, en compresse la chair. La réalité s'écrase contre les écrans. Un monde obsédé par l'image se prive de goûter aux mystérieuses émanations de la vie. Aucun objectif photographique ne captera les réminiscences qu'un paysage déploie en nos cœurs. Et ce qu'un visage nous envoie d'ions négatifs ou d'invites impalpables, quel appareil le pourrait saisir ?
A mon sens peut-être parmi les plus belles de ce livre :
Il y a entre les êtres et les choses des relations de prodige... Aucun penseur n'oserait dire que le parfum des aubépines est inutile aux constellations...
Et
Si j'étais Dieu, je me serai atomisé en des milliards de facettes pour me tenir dans le cristal de glace, l'aiguille du cèdre, la sueur des femmes, l'écaille de l'omble et les yeux du lynx.
Un tel isolement du coup n'est pas propice qu'à l'émerveillement mais aussi à la réflexion sur notre société surtout quand c'est une des raisons de cet isolement. Il y a donc de belles réflexions, mais pas que sur la nature :
Penser qu'il faudrait le prendre en photo est le meilleur moyen de tuer l'intensité d'un moment.
comme...
L'homme est un enfant capricieux qui croit que la Terre est sa chambre, les bêtes ses jouets, les arbres ses hochets.
Ou encore...
Etre heureux c'est savoir qu'on l'est.
Aussi...
Le luxe n'est pas un état mais le passage d'une ligne, le seuil où, soudain, disparaît toute souffrance.
Mais aussi sur la solitude elle-même :
Je suis seul. Les montagnes m'apparaissent plus sévères. Le paysage se révèle, intense. Le pays me saute au visage. C'est fou ce que l'homme accapare l'attention de l'homme. La présence des autres affadit le monde. La solitude est cette conquête qui vous rend jouissance des choses.[
Ou bien...
La solitude est une patrie peuplée du souvenir des autres.
Si seulement le livre c'était contenté d'être tout ceci... Quel gâchis... car le livre mêle à la fois ce que j'espérais (comme cité plus haut mais bien trop minoritaire) et ce que j'aurais du craindre... C'est-à-dire du Sylvain Tesson...
Tout d'abord que je l'ai déjà du sur le suivi... En voulant donner de la référence culturelle à tout va, notamment à des moments inopportuns. Avoir de la culture est louable et respectable mais vouloir absolument l'étaler n'importe c'est tout à fait différent... D'autant que dans les conditions dans lesquelles il se trouve, c'est contre productif (en tant que lecteur). Il est en pleine nature et étale des références "civilisées" à tout va : le meilleur moyen de ne pas ressentir la nature... C'en arrive à un moment où j'ai trouver ça exaspérant... Ça m'énerve d'autant plus que je bosse en partie dans les bois (oui j'ai conscience de ne pas m'être enfermé 6 mois dans une cabane en Sibérie) et on s'émerveille chaque fois. Mais jamais on ne pense à tout ça au milieu des bois, justement quand on est à 100 lieues de tout ça on ne veut surtout pas y penser! Alors au fond des forêts de Sibérie... Mais au bout d'un temps, le fait que les paysages lui inspirent l'un ou l'autre peintre je comprends tout à fait :
Les silhouettes sombres de petits personnages accompagnés de chiens avancent sur la grève pour nous accueillir. Bruegel peignait ainsi les campagnards. L'hiver transforme toute chose en tableau hollandais : précis et vernissé.
Mais dire qu'il se tient à la façon de tel tableau :
Je vais passer six mois à la mode russe : assis devant le thé, le regard à travers le carreau, la main sur la joue dans la position du Dr Gachet peint par Van Gogh.).
Mais le sommet c'est dans dans des moment comme celui où il alimente le feu :
Lorsque je lui fais offrande de bûches, je rends hommage à Homo erectus, qui maîtrisa le feu. Dans sa Psychanalyse du feu, Bachelard imagine que l'idée de frotter deux bâtonnets pour allumer l'étoupe fut inspirée par les frictions de l'amour...)...
Quel intérêt? Sinon tuer le "naturel" de l'écriture... Il donne cette impression de vouloir absolument placer tel ou tel élément... Personnellement ça me sort de la censée immersion... Parmi les "références" qui usent... Celles des livres qu'il est en train de lire... *soupir* Il y a par exemple toute une page notée p.23 "extrait" p.36 "extrait" p.51 "extrait"... Une fois encore quel intérêt? Oui c'est un journal mais quand tu en es à écrire pour remplir... Quel intérêt à le journal?
Les références culturelles et autres ont tendances à se calmer dans la seconde moitié mais c'est trop tard le mal est fait...
Puis il y a les moment où il veut en faire un trop voulant parfois jouer le "un peu trop spirituel" (oui j'ai bien compris que c'est sans doute censé être de l'humour mais au bout d'un temps, ça use...).
Qu'on me donne une pelle et un foulard rouge, je bâtirai le socialisme
ou encore...
Je suis empereur d’une berge, seigneur de mes chiots, roi des Cèdres du Nord, protecteur des mésanges, allié des lynx et frère des ours. Je suis surtout un peu gris parce qu’après deux heures d’abattage de bois, je viens de m’envoyer un fond de vodka.
Pourtant il est capable de vraies notes d'humour Moins on parle et plus on vivra vieux" dit Youri. Je ne sais pourquoi mais je pense soudain à Jean-François Copé. Lui dire qu'il est en danger.
ou bien...
V.E. me sert du phoque en daube au petit déjeuner. Cette viande est une charge nucléaire, elle explose dans la bouche et pulse sa force dans les vaisseaux du corps.
- Camarade, donne-moi du phoque, donne-moi un char et laisse-moi la Pologne ! dis-je.
Mais oui... c'est ça... on rigole... Ha... ha...
Le gros problème pour moi avec ces deux entraves du texte (surtout la première), c'est qu'un moment a fini par s'installer un doute (et je l'ai encore)... Comme je l'ai dit, ce texte finit par manquer de "naturel" (pas de nature). Pour un journal, à force d'en faire des caisses, il finit par laisser s'installer un doute : il donne pas toujours une impression "d'authenticité" si je puis dire ça ainsi... Cette sensation de "pas toujours très naturel" finit par me faire trouver des étrangetés comme un livres qu'il lit mais n’apparaît pas dans sa liste de début d'ouvrage... Parce ne pas parler de tout les livres c'eszt normal (Et Mon Dieu je l'en remercie!) mais parler de livre pas censé être là... On ne m’ôtera pas de l'esprit que y a des trucs tout de même un peu louche.. Mais bon j'insiste pas plus là-dessus...
Mais je terminerai de parler du "style" en abordant ce qui est la cerise sur le gâteaux pour moi... Jusqu'ici on aurait pu se dire que le style pouvait parait pompeux (par moments ce n'est pas faux) mais Sylvain Tesson parvient à être hautain à quelques occasions.
Ce matin Irina me fait les honneurs de sa bibliothèque. Dans de vieilles éditions de l'époque soviétique, elle possède des oeuvres de Stendhal, Walter, Scott, Balzac, Pouchkine. Le livre le plus récent est le "Da Vinci Code". Légère baisse de civilisation.
Il y a eu aussi...
donne pas toujours une impression "d'authenticité" si je puis dire ça ainsi
Ce soir, je finis un polar. Je sors de cette lecture comme un dîner chez McDo : écœuré, légèrement honteux. Le livre est trépidant. Sitôt refermé, on l’oublie. Quatre cents pages pour savoir si MacDouglas a découpé MacFarlane au couteau à beurre ou au pic à glace. Les personnages sont soumis à la toute-puissance des faits. L’abondance des détails masque le vide. Est-ce parce qu’ils ressemblent à des rapports que ces romans sont appelés « policier » ?
Ou encore ce moment de malaise pour moi où il apprend par téléphone satellite que sa soeur a accouché et sans tendresse pour ce neveu nouvellement né, il exprime :
... sur la Terre qui accueille un petit être de plus sans que personne ne lui ai demander la permission.
Du coup, face à ça, je dois bien avouer ne pas avoir réussi à ressentir de la compassion quand lui se fait larguer alors qu'il est encore en Sibérie...
Abordons la suite! Les soucis principaux un peu plus spécifiques de seconde moitié!
Parce qu'un tel isolement du coup n'est pas propice qu'à l'émerveillement non... Je n'ai pas compter mais deviner quel mot qui est (à mon avis) le plus présent dans ce livre... Encore plus que "solitude" il me semble : Oui! Vodka! ^^ Autant au début elle passait plutôt "inaperçue" étant plus mise en évidence comme un moyen de se chauffer ou pour accueillir. Autant dans la seconde moitié, moins de référence certes mais plus de vodka! Pour le citer : La cabane, cellule de grisement. L'impression c'est le temps qu'il cherche à noyer (j'ai d'autres théories mais j'y reviendrai sans doute)...
Vers 5 heures, enfin, il se passe quelque chose : les nuages s’ouvrent. Le bleu du ciel dissout l’ouate. La masse grise se disloque et des écharpes de brume prennent la taïga à la gorge. Vite, un verre ! Que la vodka m’aide à mieux saisir la subtilité de ces transformations ! Ah, si j’avais du vin… Au cinquième shot, je comprends ce qui se passe à l’intérieur du nuage.
Tout ça en constatant que les écrits se concentrent plus sur les actions (actions qu'on connait pour la plus part depuis un petit temps : pêche...) que sur la Nature... Du coup, nos impressions de déjà-lu/vu, bien ça comment à se répéter un peu aussi...
Tout ce ressenti est sans doute du aussi en partie au fait que c'est bien par moment bien trop pessimiste pour moi...
Nos rêves se réalisent mais ne sont que des bulles de savon explosant dans l'inéluctable.
ou
La beauté ne sauvera jamais le monde, tout juste offrira t-elle de beaux décors pour l'entre-tuerie des hommes.
Je doute que vous soyez toujours là... Mais si c'est le cas (d'abord merci! ^^ et puis) courage, j'en arrive à ma "conclusion"...
Au final, je me suis surtout rendu compte que Sylvain Tesson est quelqu'un de mal dans sa peau (autant si pas plus que dans son époque)
Entre l'envie et le regret, il y a un point qui s'appelle le présent. Il faudrait s'entraîner à y tenir en équilibre.
ou
Il est bon de savoir que dans une forêt du monde, là-bas, il est une cabane où quelque chose est possible, situé pas trop loin du bonheur de vivre.
Quelqu'un qui a du mal avec lui-même.
Une question se pose à l'ermite : peut-on se supporter soi-même ?
Qui court après des fantômes qu'il n'atteindra jamais, dont fait partie celui de la satisfaction (entre autre). Rien ne lui est jamais parfait ou satisfaisant de manière "durable".
Rien ne vaut la solitude. Pour être parfaitement heureux, il me manque quelqu'un à qui l'expliquer.
ou
Le bonheur est une entrave à la sérénité. Heureux, j'avais peur de ne plus l'être.
Allant jusqu'à l'auto-sabotage (et sa rupture quand il est explique en est une illustration).
Cette envie de faire demi-tour lorsqu'on est au bord de saisir ce que l'on désire. Certains hommes font volte-face au moment crucial. J'ai peur d'appartenir à cette espèce.
Supportant mal les autres également.
Nous sommes seuls responsables de la morosité de nos existences. Le monde est gris de nos fadeurs. La vie parait pâle ? Changez de vie ,gagnez les cabanes au fond des bois si le monde reste morne et l'entourage insupportable...
Et ce besoin d'étaler sa culture à tout va n'est qu'un moyen comme un autre de "remplir le vide", ce vide qui lui fait si peur. Tout comme celui de ces pages par instants (ce bouquin ne devrait pas faire près de 300 pages, mais la moitié).
Je vais enfin savoir si j'ai une vie intérieure
ou
Quand on se méfie de la pauvreté de sa vie intérieure, il faut emporter de bons livres : on pourra toujours remplis son propre vide.
Le côté presque megalo est sans doute une façade certes mais une façade qui m'a très vite excédé...
Car oui malgré tout ça, que je n'ai compris des jours après la fin de ma lecture, Sylvain Tesson est parvenu donc tout seul à me faire sortir du trop peu d'immersion proposée... Il me faisait lever les yeux au ciel bien trop régulièrement pour permettre de me sentir moi-même dans cette cabane... La première moitié et la seconde ont des problèmes différents mais ils s'entremêlent rendant l'expérience lassante... Sans pouvoir avoir au moins l'impression d'en profiter ou d'en ressentir ne serait-ce qu'une fraction... Mais le problème n'est pas ce que je pensais de lui... Je ne crois pas du moins (ou si c'est le cas, il n'y a pas que ça)... Car l'image qu'il m'inspire à présent est autrement plus négative que l'image que j'en avais avant lecture.
Parce que ça? Du Nature-writting? Ah bon? J'en ai même lu le décrivant comme "une ode à la nature"... Wouaw! Il faudra que je lise le livre dont ils parlent alors... Parce que moi j'ai lu "Au fond des bois avec mon ego, mes cigares et ma vodka"
Il me tarde de voir ce que d'autres écrivent dans le Nature-writting car ça ne pourra qu'être meilleur...
Je me pose la question pour le second Tesson de ma pàl du coup...
Je terminerai par la citation probablement la plus lucide de ce livre...
Le courage serait de regarder les choses en face : ma vie, mon époque et les autres. La nostalgie, la mélancolie, la rêverie donnent aux âmes romantiques l’illusion d’une échappée vertueuse. Elles passent pour d’esthétiques moyens de résistance à la laideur mais ne sont que le cache-sexe de la lâcheté. Que suis-je ? Un pleutre, affolé par le monde, reclus dans une cabane, au fond des bois. Un couard qui s’alcoolise en silence pour ne pas risquer d‘assister au spectacle de son temps ni de croiser sa conscience faisant les cent pas sur la grève.