[Suivi Lectures] Aealo

Salut Aealo !

Comme toi, ma connaissance de la littérature japonaise n'en est qu'à ses prémices. J'ai beau avoir lu beaucoup de mangas, en écrivain japonais je ne connais qu'Haruki Murakami. Mais cette saga me donne bien envie ! En plus, ça me permettrait de valider plusieurs Dieux pour Mythologics avec des sujets dont je n'ai pas l'habitude comme les histoires de familles. J'avoue que j'avais été assez surprise par Sommeil de Haruki Murakami et j'avais envie de lire plus de littérature japonaise, mais je ne connaissais pas d'autres auteurices vers lesquels me tourner.

Pour D'un coeur léger, je ne me serai jamais retournée si je n'avais pas vu la mention Dormeur du val. J'aime la poésie d'Arthur Rimbaud de tout mon coeur ! J'ai récemment relu Une saison en enfer et je relis régulièrement Le bateau ivre :pink: donc, un livre qui le met en scène, même quelques pages, j'accours ! Je crois que même sans le poète, ton avis m'aurait convaincue. On va dire qu'une mention à Rimbaud c'est la cerise sur le gâteau !

Je te souhaite de bonnes lectures ! Et j'attends avec impatience ton avis sur Moi, ce que j'aime, c'est les monstres !

Blue Velvet

Parfois des choses si terribles surviennent
que les gens veulent que le monde soit à l'image
de ce qu'ils ressentent au plus profond d'eux.

<image> Autant être honnête mais quand on parle trop d’un livre, il arrive que ça en soit au point de me faire atteindre la saturation… Et disons-le en toute décontraction, me casser ainsi les pieds, c’est meilleur moyen pour que soit je ne le lise pas du tout, soit je le lise 10 ans après la vague…
Et c’est peu dire que Moi, ce que j'aime, c'est les monstres, tome 1 de Emil Ferris est pourtant passé par cette case… Les librairies, les bibliothèques, la Grande Librairie, LA… Il n’y avait pas moyen de regarder ‘’livre’’ sans tomber dessus… :goutte:
Pourtant, voilà, des circonstances particulières (je vous épargne les détails) m’ont amené ce livre dans les bras… Autant dire que l’état d’esprit en commençant étant sans doute pas top mais il ne faut jamais jurer de rien…

Jetons un coup d’œil à la dentition du fameux monstre :
Chicago, fin des années 1960. Karen Reyes, dix ans, adore les fantômes, les vampires et autres morts-vivants. Elle s’imagine même être un loup-garou: plus facile, ici, d’être un monstre que d’être une femme. Le jour de la Saint-Valentin, sa voisine, la belle Anka Silverberg, se suicide d’une balle dans le cœur. Mais Karen n’y croit pas et décide d’élucider ce mystère. Elle va vite découvrir qu’entre le passé d’Anka dans l’Allemagne nazie, son propre quartier prêt à s'embraser et les secrets tapis dans l’ombre de son quotidien, les monstres, bons ou mauvais, sont des êtres comme les autres, ambigus, torturés et fascinants.

Je préfère annoncer la couleur d’entrée : il risque d’être compliqué de rendre cet avis complet et limpide tant l’œuvre dont il est question ici est dense !

Petit retour en arrière… Souvenez-vous les longues heures en classe pour suivre les cours… Pas toujours passionnants il faut le dire (et c’est un ex-prof qui parle !), vous vous ennuyez, la vue par la fenêtre est pas terrible, du coup, vous vous mettez à gribouiller au bic sur les bords blancs de vos feuilles de cours… Avec un bic, pas forcément évident de parvenir à des résultats ‘’potables’’, au mieux, le résultat sera ‘’vaguement appréciable’’ (à moins que vous ne soyez des tueurs/tueuses de votre côté)… Bref le bic, pas facile…
Et bien Emil Ferris a, semble-t-il, rentabiliser ses heures (non non ce n’est pas aussi simple que ça) car partant sur cette ‘’technique du bic‘’, elle parvient à en tirer des prouesses d’une finesse, presque d’un réalisme par instant, que je n’avais encore jamais vu jusque là ! C’est saisissant !
Mais elle ne se contente pas que de ce type de dessin ! Elle intègre à tout ça des dessins, moins réalistes plus proches de la caricature, notamment pour les hommages (aux magazines d’horreur type Creepy) ou du cartoon pour son héroïne (mais là-dessus, je reviendrai pas après). Mais la plus grosse claque que vous puissiez prendre visuellement ce sont sans doute les reproductions de grands tableaux que Emil Ferris intègre à son histoire. Et cela, rien qu’au bic à nouveau !
Vous l’aurez compris non il n’y a pas que du bic bleu. Mais mieux que ça, il n’y a pas qu’un seul type de dessin ! Une véritable prouesse technique étendue sur 400 pages ! Et on en redemande, on attend le tome 2 !

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D'après Deeze, la vie c'est jamais tout bien ou tout mal, tout noir ou tout blanc. Pour lui, la plupart des choses, c'est comme les milliers de nuances dans les dessins au crayon. Pour maman, au contraire, soit c'est bon, soit c'est mauvais.
Je crois qu'ils ont tort. Pour moi, c'est comme sur une photo, on dirait vraiment des nuances, mais si on regarde de très près ce sont de minuscules points d'encre noire sur une parfaite page blanche.

Lorsque vous ouvrez ce roman graphique, sachez que vous ouvrez un journal intime. Celui d’une fille de 10 ans (mais en réalité, il est assez difficile de lui donner un âge…) nommée Karen Reyes.
Alors non, vous risquez de ne pas vous en rendre compte de suite que c’est un journal… Pourquoi ? D’abord parce que vous ne trouverez pas de dates et pas de structures non plus, ce qui peut donner l’impression d’un bordel sans nom annoté à gauche, annoté à nouveau à droite… Malgré tout ça, oui vous êtes bien au sein d’un journal intime.
Ensuite, il faut le dire, le récit attaque brutalement… Comme si vous saviez déjà, de suite où vous étiez et ce que vous lisiez ! :goutte: Pas de présentations, on plonge dans le récit et l’élément fil rouge pointe le bout de son nez dans les 20 premières pages… On n’a pas eu le temps de s’attacher au(x) personnage(s) qu’on ne connait pas encore que déjà on est plongé dans le récit jusqu’au cou. :D Ca a un côté grisant certes, mais ça ne facilite pas l’immersion dans un premier temps. :goutte: On n’y parvient qu’à partir du moment où on commence à s’attacher à Karen et/ou à son enquête.
Notre implication durant ce laps de temps est donc un peu plus compliquée mais il faut s’accrocher ! J’aurais tendance à vous dire que ça en vaut la peine mais je comprendrais pleinement qu’on n’accroche pas et qu’on lâche. Pour moi, ce pari de début passe ou casse… Je le comprends d’autant mieux qu’avec moi, ça a failli casser…

<image> Moi, quand je serai grande, je serai une zombie (faite d'obscurité, de toujourité, et de trucs comme ça), donc j'aurai pas peur de la mort. Les zombies, à être ni vivant ni mort, là-bas dans l'obscurité, ça a pas de "problème d'estime de soi" ; et puis la "lumière", c'est pas aussi extraordinaire que c'qu'on dit. Une seule visite dans les sous-sols des bazars genre Goldblatt, avec votre mère et une flopée d'autres dames qui se battent sous l'éclat des néons pour des trucs comme des théières ébréchées ou des culottes avec les jours de la semaine mal écrits dessus (maredi, mèrecredi), ça suffit pour bien voir la façon dont la lumière, ça fait de la vie un truc pourri et suintant...

Mais passons au-delà du dessin, car un roman graphique n’est pas que graphique sinon ça perd de son intérêt…
Moi, ce que j'aime, c'est les monstres à travers son intégralité (ses hommages, son histoires, ses références, ses clins d’œil, ses personnages…) aborde un nombre de sujets incroyables ! Je ne vous en ferai pas une liste exhaustive (car de un, je n’ai pas cette prétention et de deux, je ne souhaite pas non plus vous le divulgâcher).
Par sa trame scénaristique, il va être question de plongée dans l’Histoire, oui oui celle avec une majuscule, grâce aux flashbacks (parmi les instants qui m’ont fait le plus perdre pieds durant cette lecture !).
L’Art est présent sous de multiples formes, que ce soit les reproductions et anecdotes sur des tableaux célèbres ou des petits clins d’œil discrets. Ce livre en est rempli mais vu sa prouesse graphique, n’en fait-il pas partie lui aussi ?
De nombreux clins d’œil sont fait au genre policier (que ce soit les lieux, l’ambiance, même quelques looks) et là encore c’est discret et ne s’étend pas sur des pages mais c’est juste posé là discrètement.
Il y a un amour pour le cinéma également, celui de l’horreur tout particulièrement (mais pas que). Il suffit de voir les 20 premières pages du livre pour s’en convaincre ! Non ce ne sont pas des références littéraires mais bien cinématographiques. Et puis quand on voit certains plans qu’elle dessine, il y a une volonté de mise en scène qui passerait très bien sur pellicule ! (Ce n’est pas un hasard si l’adaptation a l’écran a déjà été signée)…
Bien sur, avec un tel intitulé, un thème c’est l’Horreur, servant plus de cadre et de centre d’intérêt de notre héroïne que véritable élément scénaristique. Elle est omniprésente certes, mais plus dans une fonction d’illustration. Je ne dis pas qu’elle n’est pas importante, je veux simplement dire pas là qu’elle est présente de manière illustrative et thématique mais pas scénaristique au sens strict. En somme, vous ne verrez pas de zombies surgir pour dévorer notre héroïne ou de loup-garou venir massacrer sa famille. Non. Ce n’est pas l’idée de cette histoire…
Car au fond, le plus surprenant avec son titre, Moi, ce que j'aime, c'est les monstres nous parle aussi d’amours (je vais y revenir plus loin) en multipliant les formes, les relations, les conjugaison de binômes… C’est même pour moi un des thèmes principaux de ce livre.

Je sais pas ce qui s'est passé entre mon père et ma mère, ou ce qui s'est passé entre Deeze et ses chéries, mais j'en viens à croire que l'amour est une sorte de monstre, voire le monstre le plus bizarre en liberté. Et si vous pensez que l'amour, ça déchire pas les gens en lambeaux sanglants... vous avez tort!

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Tout ça dit avec une certaine poésie : le regard d’une enfant qui ne comprend pas toujours bien ce qui se passe dans le monde des adultes mais qui en perçoit certainement plus (parfois même trop pour 10 ans ?) que ce qu’ils croient. Le tout est mélangé à ce qui est encore son très riche imaginaire enfantin peuplé de monstres.
Et même au-delà, de cette poésie pas toujours aussi douce que ce qu’on pourrait croire, cette histoire avec ses personnages dans certaines des réflexions, parvient presque à faire de la philosophie par instant. Ne s’étendant pas dessus car ce n’est pas son but mais malgré tout, les réflexions sont là, posées…

- C’est toi qui répètes tout le temps qu’on doit devenir ce qu’on est et pas ce que les gens te disent d’être.

Quand la vie n’est pas facile et qu’on ne comprend pas tout ce qui nous entoure, il est parfois plus facile de se mettre des œillères…
Mais lorsqu’on ne veut surtout pas voir certaines de choses qui nous entourent, alors il est plus facile de combler les vides, même par des monstres. Ainsi ils comblent les vides qui nous entourent : ceux laissés par un père parti, devenu l’homme invisible sur les photos ou par des amis bien trop peu nombreux pour ne pas dire absents… C’est plus facile de se dire qu’on est entouré de monstres ça évite de se rendre compte que des amis il n’y en a pas ou presque… On se sent ainsi moins seul(e)… Puisqu’on est toujours entouré de monstres…

Pour les enfants, les adultes semblent toujours libres. Mais, en vérité, il y en a beaucoup qui sont comme prisonniers. Et si on se demande qui les retient, 9 fois sur 10 d'après ce que je sais, ce sont les fantômes qui les hantent...

Et puis il y a les monstres de la réalité aussi… Les ‘’vrais’’ monstres ne sont pas toujours ceux qu’on croit… On peut aimer les gens malgré eux, en ayant conscience (ou non) qu’ils sont des monstres dans leur genre… Karen a en quelques-uns dans son entourage… Mais après tout, elle, ce qu’elle aime, c’est les monstres…
Et dans ces conditions on grandit plus vite… On perçoit plus que ce que les adultes croient…
Mais pas forcément tout… Surtout quand on ne veut pas voir…
Même s’aimer soi-même et s’accepter tel que l'on est n’est pas facile… On préférerait être quelqu’un d’autre… Quit même à être un monstre… (Le dessin plus "cartoon" dans ces moments n'a rien d'un hasard)
Ce serait même tellement plus facile comme ça, pas besoin de se demander pourquoi on est seul… Les monstres, même quand ils sont gentils, les gens les fuient… Alors si les monstres sont solitaires, ce n’est pas leur faute…

N’oubliez jamais : les vrais monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit…

Ne laisse jamais la noirceur des autres faire tomber la nuit en toi.

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