Coucou,
J’arrive un peu plus tard que les autres… et à vrai dire, je ne pensais pas pouvoir partager aujourd’hui, car ce matin je n’en étais encore qu’aux deux tiers du livre et je ne pensais pas pouvoir le terminer avant demain, mais finalement si… et tout ça pour dire un premier élément : ce style (ou du moins sa traduction… mais peut-on faire autrement quand la vo est en japonais ?) est hyper-fluide et se lit vraiment très, très vite !
J’ai lu tous vos avis jusqu’à maintenant mais je ne suis pas certaine de pouvoir répondre de façon certaine à qui a dit quoi exactement, donc ne m’en veuillez pas si je réponds parfois à certains commentaires sans plus pouvoir les attribuer à la bonne personne !
J’ai repris les questions de
Julie dans les grandes lignes, mais y réponds dans un certain désordre.
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Sur la construction et le plume etc. :
Alors, rien à dire sur les changements d’époque, car je trouve qu’on savait à chaque fois très vite à quelle époque on se trouvait, et même si ça venait un peu plus tard, ce n’était pas gênant pour la lecture.
En revanche, la construction même, c’est-à-dire le fait que ce soit une succession de nouvelles, et malgré le fait qu’elles se rejoignent toutes par un bout ou l’autre, ça m’a beaucoup dérangée ! Pas gênée : comme je l’ai dit, ça n’a pas ralenti ma lecture… mais décidément je n’ai jamais accroché aux nouvelles, je n’en ai que des mauvais souvenirs du temps lointain de ma scolarité, et depuis lors, c’est bien simple : j’évite autant que possible. J’avoue même : si j’avais su que ça se présentait ainsi, je ne me serais peut-être même pas inscrite au BC…
Certains l’ont souligné : on s’est à peine imprégné d’une histoire, on commence à s’attacher aux personnages (ou pas), et paf on tombe dans un autre univers ! Ce n’est même pas de la frustration que j’en ressens, mais une forme d’agacement.
Mais donc, comme je disais, au final on se laisse entraîner, et on ne lâche plus, notamment à cause de l’écriture. Je suis assez étonnée de lire le sentiment général qui parle d’une ambiance feutrée voire tamisée… Moi je trouve que c’est tout simplement très japonais ;) : il y a une espèce de retenue assez typique, que j’ai également ressentie dans les rares autres livres que j’ai déjà lus venant de cet Extrême-Orient qui, même si on croit le connaître depuis notre lointain occident, reste très mystérieux et très différent. Les choses ne sont jamais dites de façon abrupte, on utilise les mots et les phrases comme on sert le thé – c’est-à-dire de façon cérémonieuse, avec des gestes millénaires et cette délicatesse que l’on voit dans tout ce qui parle de près ou de loin sur le Japon. Il y a aussi tout ce respect pour les anciens – que ce soient les grands-parents, ou grands-oncles et tantes, mais aussi les parents : même les ados ont l’air de faire des crises nettement plus « sages » que ce que l’on voit parfois chez nous ! C’est peut-être tout cela que certains appellent « feutré/tamisé » ?
Pour le reste, j’ai trouvé le ton très direct, certes différent de ce qu’on a l’habitude de lire dans nos littératures occidentales (qu’elles soient européennes de l’ouest ou nord-américaines) mais on est dans un registre du réel (malgré tout l’aspect fantastique, j’y reviendrai), les phrases sont courtes et descriptives, certains dialogues ou lettres sont même très cash !
Mais en aucun cas je ne comparerais à l’une des rares autres romans que j’aie lus d’un auteur japonais, en l’occurrence
La papeterie Tsubaki, qui a été cité plusieurs fois. Si on y retrouve cette « ambiance japonaise » au sens large, pour moi les deux livres n’ont pas grand-chose à voir ! Dans
La papeterie, on est en plein récit poétique, attaché aux traditions profondes du shintoïsme et plein d’humanité légère ; ici je vois nettement moins de poésie, les traditions sont celles du tout-venant japonais mais pas spécifiées plus avant (et pour l’aspect religieux, ici on parle d’autels bouddhiques, moins de shintoïsme), et s’il y a aussi un côté humain, il est beaucoup plus pragmatique – par moments, j’avais davantage l’impression de me retrouver dans un livre de développement personnel que dans un roman !
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et notamment dans la dernière partie, celle qui m’a le moins plu : l’histoire de Harumi, le « Chiot qui doute », avec cette histoire d’acheter de l’immobilier pendant la bulle, puis de tout revendre juste avant l’effondrement, ça m’a fait terriblement penser à un livre qui parlait tout enter d’une telle stratégie… mais il faudra lire « Pour aller plus loin » pour voir le titre ! ;)
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Sur les personnages :
En ce qui concerne les liens entre les différents personnages de ce livre, je dirais qu’ils sont subtils et chaque fois bien amenés, pour ça c’est un vrai coup de maître (même si ça ne me convainc pas à me remettre à lire plus souvent des nouvelles !). Je regrette juste que tous ces liens restent comme un secret entre les mains du lecteur, et que les différents personnages ne les découvrent pas, au moins quelques-uns d’entre eux ! Comme le seul lien entre eux semble être un autre lien, ce mystère qui unit le foyer Marukoen et le bazar Namiya, les personnages se croisent sans jamais se rencontrer vraiment, et quelquefois j’aurais aimé que tout à coup ils s’en rendent compte et y réagissent, même « à la japonaise », mais non…
Si je zoome maintenant vers les personnages pris individuellement – rassurez-vous je ne vais pas les décrire un par un-, il y en a certains à qui je me suis beaucoup attachée, du moins aussi longtemps que chaque nouvelle me l’a permis, mais d’autres beaucoup moins.
Les personnages vraiment centraux sont pour moi la bande de ces trois jeunes bandits en herbe, et le vieux Namiya.
Ne vous êtes-vous jamais posé la question : qui a vraiment écrit les lettres que reçoivent ceux qui déposaient leurs soucis dans la fente du volet du bazar ? Je trouve qu’il y a une certaine confusion (probablement voulue d’ailleurs, mais qui reste floue) entre l’identité du rédacteur : est-ce vraiment le vieux Namiya, est-ce que c’est ce groupe de trois jeunes ? J’ai l’impression que l’auteur entretient un certain mystère autour de ça, et ça se sent par divers artifices que certaines ont relevé : certaines de ces lettres sont trop bien écrites quand elles sont présentées comme rédigées par ces trois jeunes voyous, d’autres sont trop cash alors qu’elles sont présentées comme écrites par un Japonais tellement typique de cette niponité à l’ancienne ; ni les unes ni les autres ne collent tout à fait ! Il y a là un mystère, du même style que le temps qui s’étire de façon tout à fait irrationnelle dès lors qu’ils sont entrés dans le bazar…
Quant à ces trois jeunes individus : comme d’autres l’ont souligné, on repère assez vite Atsuya comme « le chef » un peu mauvais sur les bords, tandis que Shota et Kohei se confondent. Je ne sais pas trop si c’est à cause de leurs prénoms japonais, relativement proches à mes yeux (alors qu’Atsuya se distingue plus clairement), et auxquels je n’ai pas l’habitude – mais s’ils s’étaient appelés Pierre et Jacques, les aurais-je davantage différenciés ? J’ai la vague impression que l’auteur les a bel et bien distingués par quelques petits détails, mais ces derniers n’étaient définitivement pas transcendants !
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Sur l'intrigue :
Pour moi il n’y a pas
une intrigue, c’est le propre des nouvelles ! et c’est précisément ça qui ne m’accroche pas, donc je ne vais pas dire que c’est intéressant… Cela dit, comme pour les personnages, chaque intrigue prise séparément m’a plus ou moins plu selon le sujet.
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L’histoire de l’escrimeuse avec son entraîneur m’a un peu agacée ; celle de la jeune fille qui devient musicienne et continue de rendre hommage au musicien « manqué » qui a sauvé son petit frère, est magnifique ; le jeune garçon qui quitte ses parents ruinés et fuyards sur un parking et devient sculpteur, apprenant tardivement que ses parents ont fini par se suicider, a quelque chose de triste, voire de flippant, mais est aussi plein d’espoir sur le fait que tout le monde peut avoir un avenir ; et j’ai détesté de bout en bout l’histoire du « Chiot », tellement matérialiste, même si son rêve de créer sa boîte est légitime, en s’en donnant les moyens nécessaires dans cette société encore très machiste qu’est le Japon tel qu’il est présenté dans cette histoire-là ! Je sais qu’avec ça je n’ai pas fait le tour, il y a encore l’une ou l’autre histoire, mais ce sont celles-là qui m’ont le plus frappée.
Le rythme… bah c’est celui d’un recueil de nouvelles, et j’avoue : je me suis systématiquement arrêtée au bout de chaque histoire, et suis alors passée soit à une autre de mes lectures en cours, soit à une quelconque autre activité, avant de reprendre « l’esprit reposé » un peu plus tard.
Le vrai rythme est donné par ces liens entre les personnages de ces différentes histoires, je pense ; ils sont chaque fois révélés subtilement, pas dès le début mais assez tôt pour qu’on ne s’ennuie pas, et qu’on n’ait pas l’impression de lire des histoires complètement détachées
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Sur la fin?
J’ai déjà beaucoup écrit =D alors je ne vais plus faire trop long… en tout cas, je fais partie de la team optimiste !
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A aucun moment je n’ai imaginé que les trois jeunes iraient en prison… D’ailleurs, c’est eux qui évoquent cette possibilité et l’envisagent même avec une certaine sérénité ; mais une telle issue ne peut advenir que si le Chiot qui doute porte plainte, or on comprend sans qu’elle le dise, qu’elle ne va pas le faire. Forte de son énorme succès financier, elle veut réparer ses torts en redonnant un vrai avenir au foyer qui lui a permis de grandir… et je vois trop bien les trois jeunes, eux-mêmes issus de ce même foyer, l’aider dans cette tâche, en fonction de leurs compétences qu’ils doivent encore découvrir – ah ! j’ai adoré l’allégorie de la page blanche, et la longue réponse de Namiya était presque superflue, mais tout à la fois très « juste ». Ils n’ont peut-être aucune qualification, mais apparemment les formations en cours du soir sont monnaie courante au Japon, et en attendant leurs bras et leur volonté de faire quelque chose de bien devrait déjà permettre à ce foyer mourant de retrouver forces et couleurs ! Pour moi c’est un happy end, qui n’a décidément pas besoin de suite… ou alors un vrai roman ;) qui raconterait la suite des aventures de ces trois jeunes et du Chiot qui ne doute plus…