[Suivi lecture] Errant

 
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #331 16 Août 2021 23:01:17

    Nous avons toujours vécu au château de Shirley Jackson

    Il est bizarre ce petit livre que je n'arrive pas vraiment à classer dans un genre spécifique; littérature d'ambiance peut-être. Car tout est flou, la frontière entre réalité et fiction entre autres mais pas uniquement. Car qui sont vraiment ces personnages? Mais est-ce si important après tout? Parce que la relation entre Constance et Merrycat illumine l'histoire, transcende la méchanceté des villageois, les visées hégémoniques du cousin et la condescendance des supposés amis. L'écriture a quelque chose d'aérien, donne un ton qui révèle tellement bien la connivence entre les deux sœurs que le lecteur devient emporté par cette vague de complicité en dépit des aléas d'évènements moins heureux. Le rôle de l'oncle n'est pas anodin non plus et sert d'ancrage à cette mystérieuse cohabitation. En somme un livre intrigant, très original, que j'ai savouré de A à Z.


    L'invasion du Tearling de Erika Johansen

    Il n'est pas facile d'être reine et Kelsea l'apprend dans ce tome, surtout qu'elle ne maitrise pas encore ses pouvoirs et qu'elle doit faire face à l'armée de la reine rouge qu'elle a défié en rompant un vieux traité. Mais avec l'aide, parfois inattendue, de son entourage, elle parvient à naviguer malgré ses incursions bien involontaires dans le passé de Lily, une humaine d'avant la fondation du Tearling. Ces sauts dans le temps, la consolidation des alliances et surtout le plan que cette jeune reine a concocté pour épargner son royaume son captivants, bien mis en évidence et éveillent la curiosité quant à la suite. En somme les promesses du premier tome sont tenues, la saga se déploie bien et vivement la suite!


    En sacrifice à Moloch de Asa Larsson

    Il y a plusieurs ingrédients dans ce bouquin: fausses pistes, alternance d'une époque à l'autre, bisbille chez les enquêteurs, témoins peu coopératifs, états d'âme du personnage principal, histoires qui s'entrecoupent etc. Mais rien ne fait fouillis, on suit facilement, les points d'interrogation abondent mais trouvent peu à peu leurs solutions. Le personnage de Rebecka est attachant, déterminé et fonceur, sans toutefois cette prétention de super héros intrépide qui accompagne trop souvent les enquêteurs vedettes. Les intrigues sont bien construites, le rythme irréprochable, l'écriture nerveuse. J'avais déjà lu un opus de cette série et celui-ci m'a convaincu de lire éventuellement tous les autres, C'est tout dire !
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #332 22 Août 2021 18:06:23

    Anno Dracula de Kim Newman

    Ce début de trilogie m'a fortement impressionné. L'auteure incorpore à son récit plusieurs personnages réels ou empruntés à la littérature, l'intégration est parfaitement réussie, encore qu'il me manque des éléments de culture anglaise pour saisir toutes les références. Sur le fond d'un mariage entre la reine Victoria et Dracula, l'auteure imagine une société où humains et vampires coexistent en harmonie bien que ces derniers prennent graduellement de plus en plus de place. Dans ce contexte, Newman reprend le thème de Jack l'éventreur et brode allègrement un récit où rivalités politiques, influences du monde interlope, manigance de sociétés secrètes et guerres de pouvoirs sont mis à contribution. Il en résulte un livre dense, ambitieux, addictif, bref très réussi et qui donne envie de poursuivre la trilogie.


    J'étais Dora Suarez de Tim Cook

    Parce qu'il m'a fait passer par toute une gamme d'émotions, ce livre est surement efficace. Est-ce que je l'ai apprécié pour autant?  Par moments oui et par d'autres non, je l'ai détesté royalement. D'entrée de jeu l'auteur nous fait partager l'enthousiasme morbide du tueur pendant son premier meurtre avec ses gestes sadiques sur lesquels il s'épanche longuement, crument, de façon très détaillée avec l'intention évidente de choquer; ok on en a vu d'autres, la surenchère écœure un peu mais ça peut aller. Quand il nous livre ici et là, par le biais du journal de Dora ou via les pensées l'enquêteur anonyme, des réflexions sur la condition humaine, sur les classes sociales, sur le fonctionnement de la psyché, il m'épate carrément et dépasse de loin ce que l'on peut attendre d'un polar, même des meilleurs. Par contre toutes les scènes mettant en vedette les flics au poste de police, ici nommé l'Usine, m'ont irrité au plus point tellement ces personnages cabotinent à tour de bras, bafouent toute notion de loi ou de justice, intimident et menacent les suspects au point où on croirait assister à une messe des Hell's Angels. Bref je n'ai pas tellement aimé malgré des éclairs de génie ici et là.
  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #333 22 Août 2021 18:16:17

    Je sais pas pourquoi, j'avais l'impression que Anno Dracula était plutôt jeunesse ou YA, mais on dirait qu'il n'en est rien?
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #334 22 Août 2021 20:10:55

    Vraiment pas, à moins de jeunes érudits qui ont de la patience et que plus de 500 pages ne rebutent pas!
  • Mypianocanta

    Livraddictien de l'espace

    Hors ligne

    #335 22 Août 2021 20:23:21

    Assez curieusement je n'ai que moyennement aimé Anno Dracula au moment où je l'ai lu mais j'en garde un bon souvenir notamment pour tout ce que tu soulignes : le contexte, les références historiques et littéraires, leur parfaite intégration et une bonne histoire. Je pense que je le relirai à l'occasion avant de voir pour le tome 2.
    Et je plussoie ce n'est absolument pas jeunesse.
  • Grominou

    Modératrice

    Hors ligne

    #336 22 Août 2021 21:23:06

    Merci de vos avis à tous deux, je vais tout de suite voir s'il est offert au catalogue de la bibli!
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #337 29 Août 2021 20:59:05

    Des nouvelles d'Édouard de Michel Tremblay

    Tremblay est un des mes auteurs préférés, mais cette fois-ci la magie n'a pas opéré, je me suis carrément ennuyé. L'essentiel du livre est en fait le journal qu'Édouard a tenu lors de son voyage à Paris; d'emblée ça manque cruellement de dialogues, un des points forts de l'écriture de Tremblay. Les péripéties de sa traversée en bateau, en première classe, m'ont laissé de marbre; il se sentait comme un chien dans un jeu de quilles, on aurait pu s'en douter et il n'a rien vraiment fait pour s'en sortir. Le court passage dans Paris m'a semblé encore pire; une enfilade de noms de rues, des remarques clichés sur les Français, le désarroi d'un touriste mal préparé etc. L'auteur montre bien le coté pathétique de son personnage mais la démonstration est poussive. Sa prise de conscience finale a mis un peu de baume sur mes plaies, mais bien peu. Ce quatrième tome des “Chroniques du plateau Mont-Royal” m'a déçu pas à peu près, ce qui ne m'empêchera pas toutefois de continuer cette série culte.


    Pas d'orchidées pour Miss Blandish de James Hadley Chase

    Ce roman policier a ceci d'inhabituel que l'on sait en temps réel tout ce qui se trame chez les vilains et, en conséquence, que l'enquête de la police et du privé appelé à la rescousse n'a pratiquement pas d'intérêt ce qui n'en fait pas un mauvais livre bien au contraire. Car en lisant on imagine facilement un film de série, un bon il va sans dire, se dérouler devant nous. Les acteurs sont tout d'un bloc, personne ne fait dans la dentelle ni la subtilité, aucun temps perdu ni avec des descriptions inutiles ni avec des introspections, toujours à l'essentiel: le déroulement de l'action. Les dialogues sont direct et percutants, à l'image de ceux qui les prononcent. Les méchants le sont vraiment, les gentils à peine et la victime l'est au cube. Aucun temps mort dans cette histoire, les personnages sont colorés, le récit tient en haleine et n'est pas si prévisible qu'on pourrait le croire. J'aime de temps à autre ce type de lecture aussi facile que fascinante.



    Le dernier bus pour Woodstock de Colin Dexter

    L'inspecteur Morse fait son apparition dans ce premier livre d'une série qui lui est consacrée. Malgré sa perspicacité indéniable, ce ne sera surement pas mon enquêteur favori. Il est tellement irascible qu'il en devient bête comme ses pieds avec Lewis, son sergent pourtant d'une fidélité quasi incompréhensible. Son histoire d'amour avec Sue arrive comme un cheveu sur la soupe et n'est pas crédible. Ses méthodes d'enquête, beaucoup plus basées sur des intuitions et des déductions que sur les faits observables, font penser à du Sherlock Holmes de deuxième catégorie. Finalement je n'aime pas les dénouements à la Poirot où le détective nous tire un coupable de son chapeau après des raisonnements alambiqués. Bref Morse ne me plait pas, dommage car l'intrigue principale et le rythme m'ont semblé bien corrects. Inutile de préciser que j'oublierai cet auteur pour la suite des choses.
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #338 02 Septembre 2021 20:26:54

    La fugitive de Herbjorg Wassmo

    C'est le premier livre de cette auteure avec lequel la connexion ne s'est pas vraiment faite. Cette histoire d'un road trip à la Thelma et Louise ne m'a pas convaincu, pas plus que les valses hésitations de l'écrivaine en panne d'inspiration et en proie à une paranoïa persistante. J'en suis même arrivé par moments à me demander si Frida n'était pas qu'un personnage imaginaire de l'esprit tourmenté de Sanne . . . J'ai cherché en vain la plume acérée de Wassmo que j'avais tant aimé dans la longue saga de Dina. L'auteure m'avait habitué à ses personnages de femmes fortes, déterminées, et je tombe ici sur plein de questionnements existentiels, de doutes professionnels, de mauvaise conscience quant à l'amant délaissé. Le tout n'est inintéressant pour autant, l'écriture fluide et évocatrice, les thèmes abordés ne sont pas insignifiants non plus. Mais, question d'affinités probablement, je suis resté relativement indifférent aux sort de ces femmes. Et ce n'était certainement le but . . .



    La circulaire et autres racontars de Jorn Riel

    Contrairement aux sept tomes précédents, celui-ci est triste dans un sens puisque la circulaire du titre annonce la fermeture de la compagnie de chasse et ,de là, le rapatriement des chasseurs à la civilisation, nouvelle perturbante s'il en est une. On comprend que devant cette catastrophe tous ne réagiront pas pareil. Chaque racontar est consacré à un chasseur en particulier, ce qui permet de bien saisir ses états d'âme, de constater ses capacités d'adaptation, parfois surprenantes. Riel a toujours le don de rendre ses personnages aussi sympathiques qu'animés d'une force interne inépuisable et quelquefois déconcertante. On assistera donc ici à des conversions de carrière, à un retour aux origines, à des prêches islamistes, à une mort dans la dignités etc. C'est avec connivence mais aussi un certain motton dans la gorge que j'ai vu ces êtres d'exception se débattre devant l'injustice et réussir malgré vents et marées à rester fidèles à ce qu'ils sont profondément, c'est-à-dire des hommes fiers et dignes. Heureusement il reste un livre de racontars avant que la série ne s'achève définitivement.
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #339 13 Septembre 2021 11:28:46

    Une brève Histoire du roman noir de Jean-Bernard Pouy

    Un livre qui parle de livres ça annonce bien. Et celui-ci ne m'a pas déçu; court, précis, clair et bien écrit. Après avoir défini le roman noir par rapport aux autres genres, Pouy consacre ses chapitres à des amalgames d'auteurs selon une perspective très personnelle; pessimistes, allumés, intellos etc. Lorsqu'il traite de livres que j'ai déjà lu nos avis concordent généralement, ce qui m'a incité à noter plusieurs références pour explorer le genre. Je ne connaissais pas cet auteur mais ici son style décontracté m'a plu et a piqué ma curiosité sur les reste de sa production. Moins ambitieux en volume que le “Dictionnaire amoureux du polar” de Pierre Lemaitre, cette “brève histoire” a des similitudes de ton et d'avis personnels complètement assumés. J'ai bien aimé les deux qui sont de véritables mines de renseignements et que je recommanderais sans réserve à tous lecteurs/lectrices qui sont fans du genre.


    Vert-de-gris de Philip Kerr

    Ce tome fait partie de la série consacrée à Bernie Gunther, on le retrouve en 1954, en pleine guerre froide, alors qu'il est interrogé sur des évènements se situant principalement en 1940 et 1946. Le contexte historique de ses mésaventures est bien documenté et constitue un attrait de la série car on voit de l'intérieur les tensions existant entre les clans au sein de la société allemande. Les jeux de coulisses entre Américains, Russes, Britanniques et Français dans le Berlin d'après-guerre donnent un aperçu éclairant des tactiques d'espionnage et de manipulation en cours à l'époque.

    Le personnage de Gunther est  fascinant, lui qui doit composer avec les commandes des chefs nazis, ses propres convictions et toujours mesurer le degré de compromis qu'il est prêt, ou qu'il est obligé, de faire entre les deux. Non pas qu'il se pose en victime car il est trop conscient, habile et retors pour cela, mais sa marge de manœuvre est parfois très mince et il se trouve souvent au bord du gouffre. À la fois militaire, policier et espion il doit tirer plusieurs ficelles ne serait-ce que pour survivre dans cet univers où la vie humaine ne vaut pas grand chose. J'aime la perspective qu'adopte l'auteur pour nous faire naviguer dans ces eaux troubles; un héros ambigu, rien de moralisateur, aucun parti-pris affiché bien que plusieurs questions fondamentales sont abordés. Si on reste au premier niveau c'est déjà un très bon roman, lorsqu'on y songe un peu plus il n'en devient que meilleur.


    Mort sur le Nil de Agatha Christie

    Ce titre est un classique de l'auteure que j'ai relu avec grand plaisir. Les meurtres s'enchainent, les pistes se font et se défont, les personnages deviennent de plus en plus troubles au fur et à mesure qu'on les découvre, il n'y a pas de temps mort. Poirot impressionne par son intelligence et son acuité psychologique mais demeure un personnage froid, à la limite un peu hautain, qui n'inspire pas particulièrement de sympathie. Le fait d'enquêter ici avec un collègue permet de nombreuses confrontations d'idées qui titillent la curiosité quant au coupable. J'ai aimé ce roman policier auquel on ne peut trouver de défauts réels. Mais personnellement je préfère ceux où on peut mieux s'identifier aux protagonistes et qui se situent dans des milieux qui se rapprochent plus de ce qu'on peut avoir vécu. Reste que ce classique mérite amplement tout le crédit qu'on lui accorde généralement et que j'ai bien l'intention de revisiter, ou découvrir, quelques autres titres de cette grande dame.
  • Errant

    Lecteur glouton

    Hors ligne

    #340 16 Septembre 2021 23:45:49

    Profondeurs de Henning Mankell

    Ce roman porte sur la fuite de soi-même, les mensonges qu'on entretient avec un fond de culpabilité, de lâcheté, de facilité mais aussi d'ambiguité. Tout cela parce que le personnage central hésite entre deux femmes, entre deux familles sans s'impliquer honnêtement envers l'une ou l'autre. Très intimiste, ce roman n'a pas la portée sociale des autres bouquins de Mankell et cela m'a manqué. Quoique bien décrites, les valses hésitations du capitaine m'ont laissé plutôt indifférent tellement cet homme m'apparaissait veule, malhonnête et indigne de quelque sympathie que se soit. Les questions militaires qui sont abordées sont sans relation avec les questionnements existentiels de Lars et j'ai ressenti comme une coupure, une incohérence entre les deux thèmes. La lecture n'a pas été ardue car j'étais intrigué par le dénouement qu'y apporterait cet auteur que j'aime tant par ailleurs; et celui-ci, au moins, ne m'a pas déçu.



    La part des ténèbres de Stephen King

    Un écrivain a-t-il le droit de faire mourir soudainement un de ses personnages très populaire? Quelles en seront les conséquences si cela déplait au plus haut point à . . .  à qui au juste? C'est sur cette trame que King bâtit une histoire qui nous aspire inexorablement de l'intrigant au dérangeant et finalement à l'horrifiant. Comme à son habitude, il prend le temps de bien camper ses personnages et son environnement, fait progresser son récit à un rythme qui s'accélère graduellement et finit le tout dans un crescendo mémorable. Même si on retrouve des éléments d'une recette qu'on a vu ailleurs dans son œuvre, famille en danger, flics tiraillés, sauveteurs qui manquent de temps, forces du mal imparables etc., ce roman reste captivant et original. Les réflexions sur le métier d'écrivain et ses aléas, nombreux ici, ajoutent un point d'intérêt à un bouquin qui n'en manque déjà pas. Un des bons King que j'ai lu que je recommande sans réserve autant aux fans qu'à ceux qui ne l'ont pas encore découvert.


    Ceux de là-bas de Patrick Senécal

    Le thème de la mort, et surtout de la vie après la mort, a fait l'objet de nombreux écrits. Senécal l'aborde ici sous différents angles, du fantastique au philosophique, du mystérieux au morbide. Construit autour d'un personnage central somme toute assez banal, un psy de CEGEP un peu désabusé, l'auteur le plonge à la fois dans la triste réalité de la mort de ses parents mais aussi dans une incroyable séquence de mortalités suspectes. Jouant habilement avec les limites de l'hypnose - jusqu'où peut-on les repousser - l'auteur nous construit un récit qui happe le lecteur tel le chant des sirènes. Les déboires de Victor m'ont fasciné, j'ai partagé le désarroi d'Arnaud et totalement souscrit à la fin que nous a concocté l'auteur. Par hasard j'ai lu ce livre immédiatement après “La part des ténèbres” de Stephen King. Sans entrer dans le jeu des comparaisons je dois avouer que le deuxième n'est pas éclipsé par le premier; c'est tout dire!