#528 09 Novembre 2022 12:34:04
Les quatre saisons de Violetta de Chystine Brouillet
Je connaissais l'auteure pour sa série policière consacrée à Maud Graham, mais j'ignorais qu'elle avait aussi écrit ce thriller mi fantastique, mi historique; avoir su, je l'aurais lu bien avant ! Car cette histoire en quatre temps, 1719, les années 30, la deuxième guerre mondiale et le tournant de l'an 2000 m'a plu du début à la fin. D'abord le fil conducteur, un sorcier cannibale aux trousses de sa fille pour s'approprier ses pouvoirs, a toutes les caractéristiques d'un bon thriller: énigmes, bouleversements, crescendo dans l'action etc. Ensuite les personnages sont bien découpés, assez développés pour que l'on comprenne bien la dynamique de leurs relations. Quant à l'héroïne, sa naïveté initiale sera graduellement remplacée par une fougue et une détermination qui la rend terriblement attachante.
Le coté historique de chaque époque est bien documenté, j'ai aimé y rencontrer Vivaldi, cotoyer les malfrats de Capone, revivre les horreurs des camps de concentration et me rappeler l'hystérie du passage à l'an 2000. L'aspect fantastique m'a semblé assez novateur aussi avec ce tournoi supervisé par le Maître de l'Autre Monde, les interventions des sorcières externes et les pouvoirs d'Isabelle. Mais c'est surtout la passion des odeurs qu'insuffle l'auteure à sa Violetta, les liens qu'elle lui fait tisser avec la musique qui m'ont frappé; que de mélodies m'ont trotté dans la tête pendant cette lecture ! Bref que l'ampleur ce pavé ne vous rebute pas; il se digère très facilement.
Une sorte de renaissance de Anaël Turcotte
Il y a de ces livres qui fuient les étiquettes; celui-ci en est un. Vaste allégorie, ambitieuse métaphore, conte philosophique, fable sociale, un peu de tout cela sans doute. À l'aide de sept personnages, l'auteur, dont c'est le premier roman, jongle avec les concepts de destinée individuelle et d'organisation collective, les opposant parfois, les fusionnant à l'occasion. Tout cela en utilisant un récit rocambolesque parsemé de dialogues percutants et de réflexions brillantes dans un univers flou qui suit “la grande explosive de 2080” . . .
J'avoue avoir été dérouté par la démarche dans le premier tiers du bouquin, par la suite le projet se dessine mieux; peu à peu l'ambition du texte se révèle et on se demande bien comment Turcotte pourra boucler la boucle en si peu d'espace, deux cents petites pages en fait. Bien justement, une des qualités du livre c'est de laisser complètement au lecteur le soin de trancher, de se faire une opinion sur l'enjeu fondamental. On sent bien l'inclinaison de l'auteur, mais il laisse de belle façon sa fin ouverte; à nous de cogiter ! C'est extrêmement rare qu'en terminant un lecture je songe à la reprendre un jour, ce qui est le cas ici. C'est dire qu'il y a beaucoup à gratter sous la surface.
Je remercie les éditions Triptyque et le site Babelio pour m'avoir fait parvenir un exemplaire de ce texte dans le cadre de l'opération Masse critique Québec.
Carnaval de Ray Celestin
Un flic honnête, la mafia, une détective privée très amateure, un musicien de jazz qui deviendra célèbre, autant de monde à la recherche du “tueur à la hache”, le surnom donnant une idée du mode opératoire . . . Cela aurait pu donner un thriller parmi d'autre, une course entremêlée de jambettes entre poursuivants, avec un vainqueur in extremis. C'est sans compter sur le talent de Celestin. D'abord l'intrigue est bien plantée, suffisamment complexe pour ne pas voir venir sa conclusion, elle-même fort crédible. Les personnages sont assez développés pour que le lecteur en saisisse bien les motivations et émotions, ce qui les rend sympathiques, enfin pour la plupart.
Mais c'est surtout l'omniprésente Nouvelle-Orléans qui donne une couleur savoureuse à ce roman policier. La musique n'est jamais loin, que ce soit le jazz qui en est à ses débuts, le blues qui perdure ou ces indéfinissables airs qui accompagnent les marches funéraires. Les tensions raciales et ethniques ont aussi exploitées à fond, de même que le décor typique du bayou, des odeurs de bouffe créole, la corruption galopante etc. Il résulte de cet amalgame un lecture enivrante, aussi évocatrice que captivante. Et comme ce n'est que le début d'une trilogie, c'est aussi la promesse de d'autres beaux moments.