#585 12 Mars 2023 13:19:36
La terre de Émile Zola
Il y a dans ce roman un souffle qui me faisait parfois penser à Germinal: les passions exacerbées, des conditions de travail explorées à fond, une lutte sourde entre petit peuple et nantis, des rivalités malsaines au cube etc. J'ai lu avec avidité cette brique digne d'un thriller. Les descriptions de cette Beauce, ses paysages et sa terre, ne m'ont pas ennuyé du tout, au contraire, j'y ai trouvé un puissant pouvoir d'évocation qui me transportait, preuve de la qualité de l'écriture. De même que pour les dialogues, incisifs, durs, à l'image des personnages. J'ai aussi apprécié l'image de cette communauté rurale avec ses divisions, ses ambiguités, ses rêves perdus noyés dans l'alcool. Voilà pour les cotés positifs.
Mais quel gang de vindicatifs, toujours à s'entredéchirer, chérissant leurs rancoeurs, jouissant des prises de becs ! À la longue cette violence continuelle m'a fatigué; seuls Delhomme et Jean détonnent parmi ces obsédés de la confrontation. La fixation des acteurs sur l'argent devient également lassante. Quant au sort réservé aux femmes il est loin d'être enviable, sans doute une réalité de l'époque, mais quand Françoise se fait violer par son beau-frère, aidé de sa soeur en plus, et que Zola lui fait aimer cela, j'ai quelque peu décroché . . . Il y a des passages déchirants dans ce roman, notamment tout ce qui a trait à la déchéance du père Fouan et des sévices que lui infligent ses enfants. Les hymnes à la terre devancent presque aussi le courant actuel de nature writing. Mais au total d'autres éléments laissent un goût amer qui teinte mon appréciation.
Waswanipi de Jean-Yves Soucy
À l'aube de la vingtaine, l'auteur est appelé à travailler pendant deux mois près d'une réserve indienne où il fréquente quotidiennement deux guides de la nation Cri. Cinquante ans plus tard, il écrit sur cette expérience, mais la mort le rattrape avant qu'il puisse terminer. Publié à titre posthume, ce court roman n'en est pas moins intéressant malgré ses allures d'inachevé.
C'est avec un soif d'apprendre et une grande ouverture d'esprit que Soucy aborde les Cris. Ceux-ci, en constatant le respect qu'il leur voue, s'ouvrent peu à peu sur leur culture et croyances. Sans mettre d'étiquettes, on peut dire que de ces deux guides, l'un était plutôt traditionnaliste alors que l'autre était plutôt partisan d'une adaptation graduelle à la modernité tout en voulant aussi farouchement conserver son héritage culturel. Ces deux points de vues enrichissent le texte et incitent le lecteur à la réflexion. Depuis 1963 la réalité des réserves a bien changé mais le texte reste d'actualité, notamment quant à l'infantilisation qu'entretenait la loi fédérale sur les Indiens. C'est bien écrit, instructif, facile à lire mais on ne peut que regretter que l'auteur n'ait pas eu le temps d'étoffer encore plus son récit.