Souvenirs à partager

 
  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #31 20 Février 2024 16:40:52

    Claire C a écrit

    Coucou ici !

    Tes textes me manquent un peu brijoudu93, voici quelques idées de thèmes : ACCOUCHEMENT, NUIT D'ORAGE, IMMIGRATION, est-ce que quelque chose t'inspire et te tente parmi ceux-là ? Ou un autre thème qui te viendrait ?


    coucou
    ton message est très gentil, pour l'instant ce sont les vacances en région parisienne et je ne suis pas trop chez moi mais promis demain après midi j'aurai un peu de temps et je partagerai quelques lignes avec toi (par contre je ne sais pas encore quel thème je vais choisir !)

  • Claire C

    Passionné du papier

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    #32 20 Février 2024 17:20:42

    Ok super ! Merci pour ta réponse brijou (tu m'autorises ce diminutif ?), et au plaisir de te lire quand tu auras du temps !
    J'en profite pour rappeler que le topic est ouvert à tous, si d'autres bonnes volontés sont prêtes à écrire avec nous ce serait chouette. En tous cas merci à tous ceux qui passent par ici et qui maintiennent ce sujet en vie, ça me fait bien plaisir d'y écrire de temps en temps et d'y lire aussi d'autres souvenirs enrichissants !
  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #33 22 Février 2024 15:31:05

    Nuit d'orage

    j'ai toujours énormément l'orage et les éléments déchaînés !
    Etre chez moi enveloppée pelotonnée dans un doux plaid et écouter la pluie taper sur les bavettes des fenêtres et voir les éclairs est un spectacle que je trouve formidable !
    Quand j'étais petite je trouvais cela magnifique et j'aimais compter (après le coup de tonnerre) lentement pour savoir où était situé l'orage !
    Par contre je ne pouvais pas aller au bout de ma "passion" parce que ma mère était terrorisée par l'orage et elle s'enfermait dans la salle de bains dans le noir et allumait des bougies !
    du coup nous n'avions pas le droit ma soeur et moi de regarder par la fenêtre, il fallait éteindre toutes les lumières et s'éloigner de tous les ouvrants possibles et imaginables !
    ce qui limitait grandement les endroits où nous pouvions rester !
    c'est un tout petit texte mais c'est un souvenir d'enfance lié à l'orage que je trouve touchant (pour moi en tous les cas !)
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #34 22 Février 2024 16:21:49

    Coucou !

    Merci pour ton souvenir touchant ! C'est marrant j'avais aussi un souvenir d'enfance en tête avec ce titre, du coup je m'aligne sur ton choix et c'est parti pour :

    ***

    NUIT D'ORAGE


    C'est l'été, il fait chaud, nous sommes en Savoie, seuls chez les grands-parents. Nous sommes 6 petits enfants, 3 garçons, 3 filles, et nous dormons dans une immense chambre à l'étage tous ensemble : deux filles dans le grand lit près de la fenêtre, deux garçons sur un matelas au milieu de la pièce, et moi et mon frère dans deux lits individuels dans l'autre coin de la pièce, sous les combles. Je suis l'aînée des petits-enfants, suivie par deux garçons, mon frère est le plus petit. Ce n'est pas facile d'être le pivot entre un grand-père hyper autoritaire et un cousin rebelle. Toujours à la recherche d'une conciliation, je prends souvent les coups de tout le monde, et je ne suis au final vraiment proche de personne.

    La chambre des grands-parents est au rez-de-chaussée, et un escalier en colimaçon en bois sépare les deux étages. Cette nuit, l'orage gronde. Impossible de dormir. Les petits ont peur, et je cherche une solution. Naïvement, comme j'aime faire face à mes angoisses, je propose à tout le monde de nous mettre devant la fenêtre. Nous nous y rassemblons donc, et nous regardons les éclairs. C'était un chouette moment, nous étions bien plus courageux là tous ensemble à regarder le ciel et à compter les secondes avant le tonnerre.

    J'étais plutôt fière de moi... quand nous entendons soudain les marches de l'escalier grincer une à une, assez rapidement. Une seule émotion nous a pris : la peur. Les deux filles ont plongé dans leur lit juste à côté, le plus petit a filé comme le vent et nous, les grands, moins vifs, les deux garçons et moi sommes restés pétrifiés à la fenêtre. Mon grand-père à ouvert la porte et, nous voyant là, debout, s'est mis dans un accès de rage folle que rien ne peut contenir ni raisonner. Il a attrapé le premier qu'il a pu toucher et l'a giflé de toutes ses forces.

    C'est tombé sur mon cousin, pas le rebelle, mais l'autre, qui heureusement avait un état d'esprit en or, et n'était pas le moins du monde rancunier. Comme je m'en suis voulue ! J'ai voulu m'expliquer, mais ce n'était pas le moment, en quelques secondes nous étions tous couchés et la porte claquait derrière mon grand-père. Je peux encore entendre les marches de l'escalier craquer et voir la fureur dans les yeux de cet homme. Quelle émotion, comme c'était injuste !

    Dernière modification par Claire C (22 Février 2024 16:23:43)

  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #35 22 Février 2024 16:31:20

    effectivement quelle injustice !
    je ne sais pas les relations que vous avez eues ensuite avec ce grand père si sévère mais j'aimerais bien savoir !
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #36 22 Février 2024 17:06:56

    Ok, je prépare un petit texte sur mon grand-père (petite note, c'est de lui que parle mon texte sur le deuil...) ,  ! Toi aussi, ça te dirait de me présenter un de tes grands-parents un de ces jours ?
  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #37 22 Février 2024 21:00:51

    oui avec plaisir
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #38 23 Février 2024 14:54:31

    Super !

    Voici comme promis mon petit texte, j'espère qu'il répondra en partie à tes interrogations :

    ***

    MON PAPY

    C'est un peu bizarre pour moi d'écrire sur cet homme. Mon passé appartient à son vivant. Un passé douloureux certes, mais cohérent, qui faisait du sens. Après sa mort, même s'il a fallu quelques années pour que les derniers boulons de mon appartenance à un passé cassent, la vie que j'avais vécu jusque là s'est arrêtée définitivement. Voilà qu'aujourd'hui, mes mots me font retrouver ce personnage de mon enfance et de mon adolescence, oh combien haut en couleurs ! Je suis heureuse de le faire revivre ici. Merci.

    Mon grand-père, c'est la figure autoritaire et crainte de mon enfance. Discipline de fer. Quand il sifflait, il fallait en un clin d'oeil qu'on soit à table. On finissait nos assiettes, qu'on aime ou pas le menu, jusqu'à en vomir parfois (heureusement les repas étaient plutôt en général adaptés à nos goût enfantins). On le croisait presque à chaque vacances, avec tous les autres petits-enfants, parfois avec les parents, parfois sans. Il se faisait un devoir de dire à ses trois enfants combien ils éduquaient mal leur progéniture et qu'il était content de pouvoir nous redresser...

    Et pourtant, même petite, je me souviens de son rire, il aimait jouer avec nous et nous "mettre des piquettes" au Rumikub, au Boggle, aux cartes... Il aimait rassembler sa famille, et il avait le sens de l'accueil et recevait tout le monde généreusement. Tous les soirs, après le repas, quand toute la famille était réunie, les adultes jouaient à des jeux de société, les enfants restaient parfois un peu pour profiter de l'ambiance et de l'animation, et les grands-parents se faisaient discrets. L'espace de quelques heures, toutes les divergences étaient gommées, place au jeu ! Combien je rêve de revivre de grandes réunions avec ces jeux et ces rires !

    Quand j'ai grandi, je suis souvent retournée voir mes grands-parents, seule. Et j'ai découvert leur intimité, leur petit rythme du quotidien que j'avais plaisir à respecter. J'en profitais pour étudier, et j'avais mon espace et mes repas préparés avec ponctualité. J'ai trouvé de la fierté et de l'écoute en mon papy, et nous aimions nous disputer sur des tas de sujets. Son autorité ne me faisait plus peur, et j'avais appris à ne pas le provoquer. Par exemple, si je leur disais que je voulais bien regarder le "Julie Lescaut" ou autre policier du soir avec eux à la télé, je n'avais que quelques secondes pour rappliquer quand il me hurlait de venir.

    Il était fier de nourrir mon esprit exigent autant qu'il le pouvait. Il m'a offert des livres, et il m'a emmenée visiter la vallée de la Maurienne ; et Rome, avec tous mes cousins ; et Barcelone, avec une cousine. Il aimait apprendre et était curieux de tout : il fallait le retenir dans ces villes pour qu'il n'entre pas dans toutes les cours privées des gens pour observer les sculptures ou l'architecture... Il aimait aussi ses semblables, et s'intéressait à tout le monde, malgré son manque de tact caractérisé. Mais sa bonne nature profonde permettait aux gens de supporter ses accès d'humeur ou ses vues étroites sur certains sujets.

    Il aimait, même maladroitement, sa famille, et il veillait à prendre des nouvelles de chacun. Il s'intéressait vraiment à nous, il posait des questions, il creusait, il rendait service autant qu'il lui était possible. Certes, c'était souvent déplacé et péremptoire, mais il avait un vrai souci de son prochain. Ses questions étaient pertinentes, suivies, il se souvenait de tous nos échanges et cela me faisait du bien de le trouver présent, conséquent et attentif. Une personne qui vous montre que vous comptez pour lui, est-ce que cela n'est pas un trésor ? Mon grand-père, c'est un peu mon anti-héros au grand coeur. Il mériterait tout un livre, et j'espère que ce petit texte fait honneur à sa mémoire.

    Dernière modification par Claire C (23 Février 2024 15:27:02)

  • brijoudu93

    Lecteur professionnel

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    #39 23 Février 2024 15:15:16

    Merci pour ce témoignage très touchant
  • Claire C

    Passionné du papier

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    #40 27 Février 2024 15:25:28

    Merci brijou ! Ce n'est pas facile de présenter quelqu'un, et quelqu'un que l'on a côtoyé longtemps, et de tenter d'être fidèle à chacune des facettes que nous avons connues de lui. C'est complexe un être humain ! J'ai un peu l'impression d'en avoir trop dit ou pas assez (bienvenue dans mon monde des remises en questions permanentes !). D'ailleurs, si tu te lances sur le sujet, je suis intéressée par tes ressentis sur cette écriture.

    J'aurais peut-être mieux fait de répondre plus directement à ton interrogation comme cela : les 3 cousines (dont je fais partie) sont restées en contact plus ou moins proche avec ce grand-père. Mais les 3 cousins n'ont pas du tout cultivé cette relation.

    Cela me fait poser quelques questions (dont je n'ai aucune réponse) : est-ce que les crises d'autorité stupides blessent plus fortement les garçons ? Est-ce que les filles apprennent plus facilement à passer outre et à voir les qualités derrière ces violences ?

    ***

    Un nouveau petit texte pour aujourd'hui : LA MORT

    L'idée de la mort a toujours été très présente dans ma vie, et j'en ai toujours eu peur. Petite, j'avais l'impression que cette mort viendrait par la fenêtre de ma chambre, sous les traits d'un cambrioleur nocturne. Je souhaitais de toutes mes forces m'endormir la tête vers cette fenêtre et les yeux ouverts, pour faire face. J'étais persuadée que le cambrioleur commencerait par me crever les yeux. Mais il se trouve que la position qui m'était confortable pour dormir plaçait ma tête face au mur et dos à cette fenêtre, et, sans surprise, il m'était impossible de dormir les yeux ouverts... J'ai donc dû me résoudre à mourir d'un grand coup derrière la tête. Finalement, la mort n'a pas pris ce visage, et j'ai la chance de vivre encore, chance dont je mesure le prix chaque jour.

    Je me suis imaginé des centaines de fois combien l'intensité de la douleur devait être forte pour en arriver à mourir, et j'ai très peur de ressentir ces derniers instants. Je ressens aussi le grand vertige métaphysique de "l'après". Je me suis efforcée, nuit après nuit, de m'imaginer mon âme dans l'infini de l'espace et du temps, sans aucune capacité d'action, et ces idées me font frissonner au plus profond de moi. Pour les autres membres de ma famille, mes angoissent n'avaient pas de fondement : pour eux, la mort, c'est le rien, donc pas de quoi s'angoisser ; et, surtout, ils se considéraient implicitement immortels et ne se sentaient pas concernés par le sujet. Comment ces idées sont elles arrivées dans ma tête ? Avais-je, trop jeune, déjà trop lu de récits de la mythologie grecque ?

    J'ai trouvé plus d'écho à ma sensibilité sur la vie et la mort, et à ma célébration de la vie de chaque jour, à Ouagadougou. Là-bas aussi, la mort fait partie de la vie. On ne se donne pas de rendez-vous trop en avance, qui sait si on sera encore là demain ? Elle ne faisait pas spécialement peur à mes amis burkinabés, mais elle était présente, et ça me rassurait un peu de ne pas la nier.

    Parfois, je passe quelques temps sans y penser, quand j'ai la tête pleine et le corps bien occupé, et puis, au détour d'une nuit, ces pensées reviennent et m'assaillent. Elles ont d'autres armes aujourd'hui, puisque je ne tiens pas seulement à ma vie, mais à celle de mon compagnon, sans qui tout mon équilibre actuel s'effondrerait, et, surtout, à celle que j'ai fait naître. De tout mon coeur, je souhaite la vie à ce petit être que j'ai porté et qui est si heureux d'être au monde !

    Dernière modification par Claire C (27 Février 2024 15:36:59)