#843 16 Novembre 2024 11:20:30
La parabole du semeur de Octavia E. Butler
Cette dystopie, écrite en 1993, se déroule à partir de 2024, principalement en Californie. Pas de cataclysme ici, ni de virus meurtrier et encore moins d’invasion extraterrestre. Juste une lente dégradation du tissu social et de l’économie qui font en sorte que le nombre de sans-abri a explosé, que des hordes de vandales sillonnent la contrée pour attaquer, voler et violer, souvent sous l’emprise d’une nouvelle drogue qui transforme ses adeptes en incendiaires incontrôlables. La police ne fait plus son travail et participe même au rançonnage des plus faibles. Les riches et les commerçants sont protégés par une myriade de gardes armés, la classe moyenne est organisée en petites bourgades retranchées derrière des murs de fortune, les autres, malchanceux, errent, quémandent, tentent de survivre au jour le jour.
Dans ce contexte on suit Lauren, une jeune Noire , de son adolescence à sa mi-vingtaine, d’abord au sein de sa communauté, ensuite sur la route vers le nord. Instruite dès l’enfance sur les questions religieuses, son père étant pasteur baptiste, elle développe peu à peu une conception personnelle de Dieu, fortement influencée par le chaos ambiant et le besoin impérieux de se raccrocher à un espoir quelconque. Cet aspect mystique, bien qu’assez présent, enrichit le livre plutôt que le plomber pour des lecteurs comme moi qui sont méfiants envers toute forme de bondieuseries. L’autrice parvient bien à nous transmettre l’inquiétude perpétuelle de ses nombreux personnages pris dans un engrenage de folie furieuse. Le récit est bien développé, sombre, mais captivant. L’écriture simple, directe, crue par moments. Après un début hésitant, j’ai été happé par cette histoire qui nous plonge au cœur de ce que l’humain peut avoir de pire en même temps que ce qu’il peut avoir de lumineux en résilience et en espoir. Une belle trouvaille.