[Suivi lecture] Errant

 
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    #841 09 Novembre 2024 14:08:49

    Northanger Abbey de Jane Austen

    J’ai retrouvé dans ce livre tout ce que j’aime de Austen : l’ironie toujours présente sous la surface, l’obsession du mariage réussi, le papotage futile érigé en art de vivre, les personnages féminins naïfs et lucides à la fois, les hommes souvent calculateurs et immanquablement condescendants, la joyeuse oisiveté de la bourgeoisie, etc. Et comme je savoure ces dialogues, un peu ampoulés, pleins de circonlocutions, parfois d’une rare élégance, parfois d’une charmante vacuité, toujours justes ! Cette autrice ne m’a jamais déçu ; le ton qu’elle adopte, les ambiances qu’elle crée, l’époque dans laquelle elle évolue, tout concourt à me ravir.

    Parodie dit-on des romans gothiques, possiblement, mais n’ayant pas lu « Les mystères d’Udolphe », je ne puis me prononcer là-dessus, sauf pour dire qu’on est bien loin du « Le moine » de Lewis qui appartient à ce genre. Cela n’ôte rien à la valeur intrinsèque du bouquin, le personnage de Catherine étant captivant, elle qui, malgré son côté oie blanche, décode assez bien les manœuvres des uns et des autres, fait preuve autant de curiosité que de sens moral. Son enthousiasme est beau à voir, de même que sa résilience devant l’affront qu’elle subit bien malgré elle. En somme, cette lecture m’a enchantée.
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    #842 11 Novembre 2024 15:52:53

    Les pièges de l’exil de Philipp Kerr

    Comme à son habitude dans cette série, l’auteur entremêle fiction et faits réels. Ici son héros est concierge au Grand-Hôtel près de Nice, il servira malgré lui d’intermédiaire dans une affaire de chantage où il fera la connaissance de Somerset Maugham et de son entourage et, de là, sera mêlé à une ténébreuse partie d’espionnage et de contre-espionnage. Les diverses intrigues sont en elles-mêmes captivantes bien que complexes, alors que les nombreux personnages semblent rivaliser de fourberies, de demi-vérités et de basses manœuvres. Aussi faut-il être attentif aux détails pour ne pas perdre le fil des évènements.

    Bernie Gunther est fidèle à lui-même, c’est-à-dire tourmenté, retors lorsque requis, d’un cynisme lucide, en même temps qu’il aligne sa conduite sur des principes qui le rendent sympathique. Autour de Somerset Maugham gravite une cour que Kerr dépeint très bien ; on y retrouve la crainte continuelle d’être démasqué en tant que pédéraste, ce qui d’ailleurs s’avère fondé puisqu’une photo de partouze de tantouzes donne lieu à un chantage. Le respect qui s’installe entre Somerset et Bernie au fil de leurs rencontres est beau à voir et plusieurs de leurs dialogues sont franchement savoureux. Bref, un autre très bon épisode de cette saga qui malheureusement s’achève.
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    #843 16 Novembre 2024 11:20:30

    La parabole du semeur de Octavia E. Butler

    Cette dystopie, écrite en 1993, se déroule à partir de 2024, principalement en Californie. Pas de cataclysme ici, ni de virus meurtrier et encore moins d’invasion extraterrestre. Juste une lente dégradation du tissu social et de l’économie qui font en sorte que le nombre de sans-abri a explosé, que des hordes de vandales sillonnent la contrée pour attaquer, voler et violer, souvent sous l’emprise d’une nouvelle drogue qui transforme ses adeptes en incendiaires incontrôlables. La police ne fait plus son travail et participe même au rançonnage des plus faibles. Les riches et les commerçants sont protégés par une myriade de gardes armés, la classe moyenne est organisée en petites bourgades retranchées derrière des murs de fortune, les autres, malchanceux, errent, quémandent, tentent de survivre au jour le jour.

    Dans ce contexte on suit Lauren, une jeune Noire , de son adolescence à sa mi-vingtaine, d’abord au sein de sa communauté, ensuite sur la route vers le nord. Instruite dès l’enfance sur les questions religieuses, son père étant pasteur baptiste, elle développe peu à peu une conception personnelle de Dieu, fortement influencée par le chaos ambiant et le besoin impérieux de se raccrocher à un espoir quelconque. Cet aspect mystique, bien qu’assez présent, enrichit le livre plutôt que le plomber pour des lecteurs comme moi qui sont méfiants envers toute forme de bondieuseries. L’autrice parvient bien à nous transmettre l’inquiétude perpétuelle de ses nombreux personnages pris dans un engrenage de folie furieuse. Le récit est bien développé, sombre, mais captivant. L’écriture simple, directe, crue par moments. Après un début hésitant, j’ai été happé par cette histoire qui nous plonge au cœur de ce que l’humain peut avoir de pire en même temps que ce qu’il peut avoir de lumineux en résilience et en espoir. Une belle trouvaille.
  • Errant

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    #844 20 Novembre 2024 12:28:23

    Le Dahlia noir de James Ellroy

    Une relecture après au moins une trentaine d’années ; je ne me souvenais pas à quel point c’est bon. À l’instar de poupées russes, il y a une intrigue dans une intrigue qui en cache une autre. À chaque fois qu’on pense avoir fait un pas en avant, on se tasse de deux et on recule pour mieux explorer une autre tangente. Les personnages sont trempés dans l’acier, on nage dans la corruption, la suspicion, les magouilles, la passion ; tout est exacerbé, poussé à la limite. Il n’y a pas de temps morts, mais des revirements à profusion, des développements inattendus, des révélations étonnantes. Les jeux de coulisses au sein des forces policières, les incursions dans les bas-fonds des putes, macs et autres malfrats, le cloaque des Spraque, l’étrange triangle de Kay, Lee et Ducky, sont autant de points d’intérêt qui gardent le lecteur rivé au bouquin. Ce type de polar, au rythme trépidant, sans aucune relâche, me convient parfaitement malgré sa violence omniprésente. Je remets les trois tomes suivants dans ma PAL.
  • LaurentVo

    Dompteur de pages

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    #845 20 Novembre 2024 12:54:54

    Je rejoins totalement ton avis sur le "Dahlia Noir". Je vais d'ailleurs lire bientôt LA Confidential le troisième tomes de la quadrilogie ;)
  • Errant

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    #846 23 Novembre 2024 12:15:14

    La voix du sang de Anthony Ryan


    Pourtant amateur de fantasy, je me demande bien comment j’ai pu tout ignorer jusqu’ici de cette trilogie qui démarre sur le chapeau des roues. J’ai été soufflé par la qualité de ce premier tome dont toutes les facettes impressionnent. Au début, l’apprentissage d’un préadolescent au sein d’un ordre guerrier ne promet rien de tellement neuf sous le soleil. Puis, peu à peu, le tableau s’enrichit : amitiés naissantes, épreuves captivantes, maîtres instructeurs colorés, etc. La complexité de l’univers se déploie avec les différentes religions, le jeu de pouvoir entre les ordres et la monarchie, les éléments de géopolitiques au sein de Royaume. L’auteur introduit progressivement de nouveaux acteurs majeurs et multiplie les intrigues sans jamais égarer le lecteur, au contraire, il ne cesse de l’appâter.

    On suit le héros, Vaelin Al Sorna, du début à la fin avec tous ses doutes, ses interrogations, ses découvertes, ce qui nous permet d’apprécier le développement de sa morale personnelle. Ses frères ne sont pas que des faire-valoir, leurs propres histoires, aptitudes et destinées sont aussi dignes d’intérêt. La touche de fantasy est légère, mais pertinente et soulève bien des questions. Tous les personnages sont bien campés, intéressants et, pour certains, le mystère persiste quant à leurs desseins réels. Il y a tant de secrets bien enfouis, d’ambitions camouflées et de trahison dans l’air que l’on se demande comment vont évoluer les choses. Cet imposant tome, au-delà de sept cents pages, se lit vite tellement l’histoire est envoûtante. J’ai été ravi et souris déjà à l’idée de poursuivre ma découverte de cet auteur.
  • Grominou

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    #847 23 Novembre 2024 20:06:04

    Je ne connaissais pas du tout moi non plus!  À en juger d'après le nombre de votes sur la fiche, c'est pourtant une série très populaire!
  • Errant

    Bookworm

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    #848 25 Novembre 2024 12:21:21

    Dix petits nègres de Agatha Christie

    Pourtant amateur de romans policiers, j’ai peu lu de cette grande dame, peut-être parce que Poirot me tapait sur les nerfs et que miss Marple me laissait froid. À l’occasion d’un club de lecture, j’ai relu avec grand plaisir celui-ci. Tellement apprécié en fait que je retenterai l’aventure avec Poirot, même s’il est absent ici, je garde de bons souvenirs de « Mort sur le Nil » ; peut-être mes préjugés voleront-ils en éclats ? Pour en revenir à nos moutons, inutile de reprendre ici l’histoire archi connue, sinon que pour rappeler l’existence de la comptine maudite et la disparition graduelle des statuettes de nègres en porcelaine, deux éléments qui contribuent grandement au récit.

    Indéniablement l’autrice nous accroche avec cette série de disparitions mystérieuses, inexplicables à première vue ; on veut savoir comment tout cela est possible, on tourne les pages encore et encore pour en arriver à un dénouement qui, à défaut d’être simple, m’a semblé satisfaisant. La concordance des morts avec la comptine, les soupçons qui changent de direction à la façon d’un pinball, l’atmosphère du huis clos, les scènes qui s’enchaînent à une vitesse folle, tout m’a plu et rivé à ma lecture. Seul bémol, avec le recul, on s’aperçoit que les personnages sont esquissés à grands traits, peu fouillés ; qu’importe dans le fond, ils meurent si rapidement ! Bref j’ai grandement apprécié cette relecture qui m’a fait réaliser que je sous-estimais peut-être cette auteure mythique.
  • Grominou

    Administratrice

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    #849 25 Novembre 2024 20:49:36

    Contente de cette réconciliation! Moi j'ai toujours adorée Agatha, elle ne m'a jamais déçue! Poirot me fait bien rigoler, mais je peux comprendre qu'on le trouve agaçant...
  • Errant

    Bookworm

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    #850 27 Novembre 2024 15:09:11

    Cible mouvante de Ross Macdonald

    Première rencontre avec cet auteur qui, semble-t-il, constituait avec Raymond Chandler et Dashiell Hammett le trio incontournable du roman noir de son époque. À première vue, l’association se tient. L’histoire principale est plutôt convenue ; la disparition d’un riche homme d’affaires est peut-être une fugue d’alcoolique, peut-être un kidnapping, un détective engagé par sa femme aux motivations floues, un entourage suspect, des fréquentations malsaines. Lew Archer, le privé, aura à naviguer à travers toutes ces embrouilles. L’histoire est intéressante, les revirements de situation nombreux et imprévisibles, le dénouement correct. Jusqu’ici, du bon, mais rien pour écrire à sa mère.

    C’est au niveau du traitement que ce polar se distingue. Car, si Archer sait être violent à ses heures, il préfère souvent jaser, raisonner, autant avec ses suspects qu’avec les forces policières qui n’apprécient pas toujours ses interventions. Et avec l’héritière probable, jeune femme un peu désorientée et indécise, il fait preuve de tact et délicatesse, aidant à la réconforter un peu à la façon d’un grand frère et s’empêchant d’exploiter sa fragilité. Bref, Macdonald dote son héros d’un flair psychologique aigu et d’une droiture morale plutôt exemplaire, ce qui s’éloigne du stéréotype du privé alcoolique plus ou moins délinquant lui-même. En somme, voici un privé dur et brillant, mais raffiné et subtil. Comme ce tome est le premier d’une série dédiée à ce personnage, je suis curieux de voir comment il va le faire évoluer.