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    #931 10 Février 2025 13:47:03

    Un nommé Peter Karras de George P. Pelecanos

    Dans son « Dictionnaire amoureux du polar », Pierre Lemaitre écrit que la tétralogie qui commence avec ce titre « a propulsé Pelecanos parmi les incontournables du polar américain, faisant presque jeu égal avec Dennis Lehane. ». Étant fan de Lehane, c’est tout un compliment auquel je souscris entièrement. Car, même si l’histoire des meurtres de prostituées qui est le côté policier de ce roman reste presque en filigrane, c’est surtout à une captivante étude de mœurs que nous convie l’auteur. Campé dans le milieu de la petite pègre et à l’époque où les droits de Noirs n’étaient qu’une vague vue de l’esprit, on entre dans le quotidien de la lutte pour la survie des immigrants de deuxième ou troisième génération. On pénètre ainsi dans un monde avec ses codes, plutôt contraignants, mais aussi une joie de vivre et, surtout, une façon d’envisager la vie bien particulière, une sorte de mélange entre une douce insouciance et un certain fatalisme.

    J’ai été conquis par ce récit qui nous présente un microcosme intrigant et hyper sympathique. Il n’y a pas de héros ici, juste des gens qui tentent de s’en sortir et qui sont poussés, bien malgré eux, à choisir des solutions extrêmes. Le caractère des acteurs principaux est très bien développé, c’est vraiment la force de ce livre qui ne manque pas pour autant d’action, quoique ce n’est pas cela qui prime. Le dénouement, pour atypique qu’il soit, me semble cadrer exactement avec tout ce qui précède. Bref, merci à Lemaître, il m’a fait découvrir un auteur qui tombe exactement dans mes cordes.

    Dernière modification par Errant (14 Février 2025 07:31:54)

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    #932 13 Février 2025 13:09:49

    Des cliques et des cloaques de Jim Thompson

    J’aime cet auteur principalement pour son humour. Or, ici, il a laissé cet aspect de côté et il en résulte un petit roman noir, un parmi tant d’autres, ni mauvais ni mémorable. C’est une déception pour moi de la part d’un auteur qui est capable de beaucoup mieux. On suit un voyageur de commerce plutôt paumé, trichant sur ses comptes, haïssant son patron, ses clients, sa femme et la vie en général. Dans sa tête, il n’a aucune responsabilité quant à sa misérable existence, ce ne sont que les autres qui lui mettent des embûches dans les pattes. Au hasard d’une vente ratée, il flaire une occasion, repart dans un de ses rêves de grandeur et magouille solidement. Mais quand on est un loser né, les choses ne sont pas faciles…

    Je n’ai pas éprouvé une once de sympathie pour ce flemmard irresponsable. Il y a assez de revirements imprévisibles pour capter et soutenir l’attention, la montée de tension est bien construite et l’auteur va droit au but, sans digressions inutiles. La fin est abrupte, c’est le moins qu’on puisse dire. Mais tout cela ne réchappe pas un polar qui manque de mordant autant sur la forme que sur le fond.
  • Livrepoche.fr (Nicolas)

    Lecteur professionnel

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    #933 13 Février 2025 17:47:16

    Salut salut,
    Je ne connais pas du tout George P. Pelecanos mais fan absolu de Lehane, je me vois contraint de découvrir le monsieur.
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    #934 17 Février 2025 13:10:54

    Noyade en eau douce de Ross Macdonald

    Une cliente peu encline aux confidences fait appel à un privé pour retrouver l’auteur d’une lettre de menace qu’elle a reçu. De fil en aiguille, cela amènera Lew Archer à s’immiscer au sein d’une famille dysfonctionnelle, à côtoyer des gens plus louches les uns que les autres, à subir quelques raclées, à en distribuer autant, en plus de s’enfarger dans bon nombre de cadavres. Présentée ainsi, on pourrait croire que les scènes d’action s’enchaînent à un rythme trépidant et pourtant non ; l’auteur prend le temps de bien exposer en long et en large les certitudes de son héros ainsi que les motivations et pulsions de tout un chacun.

    D’une certaine façon, on pourrait croire que Archer est débonnaire, allant de l’un à l’autre à la pêche d’informations, ne s’embarrassant pas de théories fumeuses, ni ne recourant à des déductions alambiquées. Mais il se révèle tenace, obstiné, intègre et finalement perspicace. Sa relation aux forces de l’ordre est floue et changeante, idem pour celle avec les malfrats. Les personnages féminins de ce bouquin m’ont semblé particulièrement bien réussis ; un beau mélange d’élégance, de naïveté et de rouerie qui fait en sorte qu’on se demande toujours sur quel pied danser avec elles. Tout cela confère un cachet spécial à ce polar qui est le deuxième opus d’une longue série consacrée à ce privé. Et je ne me priverai pas de la suite, de temps à autre, pour renouer avec cet énigmatique et flegmatique détective aux convictions inébranlables.
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    #935 19 Février 2025 12:50:51

    Les jours vivants de Ananda Devi

    Tombé un peu par hasard sur ce court roman d’une autrice que je ne connaissais pas du tout, ce fut toute une découverte. À l’aube de la fin de sa vie, Mary Grimes végète dans sa maison décrépie de Londres et se remémore sa terne existence quand, soudain, une rencontre fortuite illuminera sa vie pour un moment. Le thème est noir charbon, l’autrice l’explore sous différents angles et l’on ne voudrait sûrement pas se trouver à la place de cette pauvre Mary. Mais elle sait aussi, en tablant sur le hasard et une touche de fantastique, nous montrer que l’espoir que les choses s’améliorent existe toujours, au moins pour un certain temps, car la réalité, plus forte que les refuges de l’imaginaire et du délire, nous rattrape inévitablement.

    Le côté obscur de ce roman est toutefois plus que compensé d’abord par une écriture absolument remarquable, élégante, juste. Les thèmes abordés en filigrane — laideur, solitude, pauvreté, racisme, isolement — sont rendus avec subtilité, délicatesse même. La touche magique vient aussi non seulement alléger l’ambiance oppressante, mais aussi embarquer le lecteur dans un ailleurs aussi impossible que réjouissant. Bref, toute une découverte, et il me tarde déjà de voir comment cette autrice abordera d’autres thèmes, en espérant qu’ils soient d’emblée moins tristes.
  • Stellade

    Englouti sous les livres

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    #936 19 Février 2025 18:04:34

    Je te souhaite un joyeux anniversaire!!!!!
    :pompom:
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    #937 23 Février 2025 15:19:09

    King suckerman de George Pelecanos

    Lorsqu’on tente de jouir de la vie en gardant un profil bas dans un environnement toxique, la fatalité peut frapper vite et sournoisement. C’est ce qui arrive à nos deux compères qui croisent la route d’une petite bande de dégénérés qui s’éclate pour le simple plaisir de foutre la merde. Dans ce jeu à qui pissera le plus loin, il serait surprenant que les enchères ne montent pas jusqu’à l’irrémédiable. Reste à voir qui sera encore debout à la fin et, surtout, dans quel état.

    Intrigué par le sort qui était réservé à Dimitri Karras, le fils du héros de tome précédent, j’ai survolé ce récit en savourant l’ambiance baba cool de l’époque, en restant sidéré par le facilité avec laquelle des desperados faisaient parler les armes et en me demandant bien comment j’aurais pu m’en sortir d’un un tel contexte. N’eût été de multiples références musicales qui ne m’évoquaient rien — à part Hendrix et B. B. King — et qui sont généreusement distribuées, trop à mon goût, mon bonheur aurait été complet. Reste que j’ai passé un super bon moment et que la suite de cette tétralogie m’attend ; c’est pour bientôt !
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    #938 24 Février 2025 13:52:22

    Le sang des innocents de S.A. Cosby

    Être shérif n’est déjà pas facile, mais quand tu es Noir dans un patelin sudiste, les choses se compliquent. Suite à une fusillade dans une école, l’enquête met à jour quelque chose de plus terrifiant qui impacte toute la communauté. Sur un fond de tensions raciales exacerbées, le shérif Titus et ses adjoints devront vaincre les résistances de ceux et celles qui se taisent, soit par peur, soit par mépris, soit par méfiance. L’adversaire est de taille, les crimes horribles et l’enquête complexe.

    Ce livre a bonne presse et je joins le club des admirateurs, et ce, sans aucune restriction. Car le personnage principal, accaparé par les exigences de l’enquête qui sort de l’ordinaire, est tiraillé entre la réserve qu’exige son poste et la haine qu’il éprouve envers des racistes qui ne cessent de le provoquer ; garder son sang froid en de telles circonstances relève de l’exploit. Il évoluera personnellement et professionnellement au cours de ses investigations. L’intrigue principale est captivante, l’auteur met en scène une panoplie intéressante de personnages secondaires, maintient un rythme soutenu, dépeint bien une communauté gangrenée par ses problèmes internes et nous présente un policier d’une intégrité exemplaire, malgré ses inclinaisons moins vertueuses. En somme, un excellent roman policier, noir, mais pas uniquement. Un auteur que j’ai découvert avec joie.
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    #939 01 Mars 2025 12:45:38

    Le mur mitoyen de Catherine Leroux

    Il y a de ces livres dont il n’est pas facile de parler ; celui-ci en est un. Car, si les différentes histoires qu’on suit ici finissent par se rejoindre un tantinet, leur lien est tout de même faible. Par contre, les thèmes de fond se ressemblent ; filiation, fatalité, détresse, liens familiaux, etc. On alterne entre quatre récits, chacun bien construit, aux frontières précises, mais qui ne cessent de nous inciter à chercher les liens, d’autant plus que la temporalité n’y est pas clairement établie pour la majeure partie du roman. Et des surprises de taille surgissent ici et là. Ce n’est pas un casse-tête, mais on doit prêter attention.

    J’aime quand les auteurs font appel à l’intelligence de leur lectorat, ce qui est nettement le cas ici. En plus d’une écriture fluide, d’une fausse simplicité, Leroux nous propose une réflexion sur le destin avec des personnages aussi déterminés qu’attachants. Leurs quêtes m’ont captivé de la première à la dernière page, chaque lien entre les récits que je décodais me semblait un clin d’œil que m’adressait l’autrice. J’ai comme eu l’impression de me faire bercer tout au long de ma lecture autant par les propos qui portent à réfléchir que par cette écriture qui coule de source et dont il émane une magie indéfinissable. Il est très rare que je recommande des livres tellement les goûts sont disparates et pas discutables ; mais je vais faire une exception pour cette perle-ci.
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    #940 03 Mars 2025 15:16:03

    Père et fils de Larry Brown

    Après avoir purgé trois de prison pour avoir tué « accidentellement » un bambin alors qu’il était au volant, Glen revient dans son patelin natal, le cœur plein de rancœur, en en voulant à la terre entière, car, bien sûr, aucun de ses déboires n’est de sa responsabilité, ce sont toujours les autres qui lui cherchent des poux, ou bien la malchance qui s’abat sur lui. Et tous ces cons devront payer d’une façon ou d’une autre… Dès le début, on sent qu’une catastrophe approche, reste à voir qui écopera et qui s’en sortira. La tension monte à chaque chapitre, la folie de Glen aussi. Brown nous rive à notre siège de lecteur jusqu’à la toute fin, même si quelques indices nous la laissent entrevoir un peu à l’avance, bien qu’on ne puisse en être certain.

    Au-delà du suspense, bien fignolé en soi, ce roman noir s’attache à l’entourage immédiat du déséquilibré, chacun à sa façon se demandant bien comment il peut incurver la marche du destin ou si cela est seulement possible. On y trouve aussi un tableau très vivant d’une petite communauté où chacun lutte pour sa survie, coincés dans la pauvreté, souvent aux prises avec la bouteille, condamnés à des emplois aliénants lorsqu’ils en trouvent. Et tout se sait, les gens jugent. Malgré ce contexte pour le moins déprimant, tout espoir n’est pas complètement perdu, certains sont plus résilients, s’accommodent, se débrouillent. J’ai aimé ce portrait social autant que les tribulations de l’ex-taulard et sa vision du monde complètement tordue que l’auteur nous dépeint avec brio, dans un cas comme dans l’autre.