[suivi lecture] Exuline

 
  • Exuline

    Insomniaque des livres

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    #591 20 Février 2025 10:07:52

    <image>L'île aux enfants - Ariane Bois

    C'est l'histoire de Pauline et Clémence, deux fillettes inséparables, deux sœurs vivant près des champs de cannes à sucre, qui un jour, en allant chercher de l'eau à la rivière, sont enlevées, jetées dans un avion, séparées, et qui devront affronter bien des épreuves avant de comprendre ce qui leur est arrivé. Il ne s'agit pas d'un conte pour enfants, même cruel, mais de la véritable histoire des exilés de la Creuse, un transfert massif d'enfants venus de l'île de la Réunion pour repeupler des départements isolés de la métropole en 1963, contre leur gré et celui de leurs familles, devenue un scandale d'état. Dans ce roman, c'est la fille de Pauline, Caroline, qui, trente ans plus tard, mène l'enquête sur l'enfance de sa mère, provoquant ainsi des réactions en chaîne et l'émoi de celle qui pour survivre a dû tout oublier...

    Comment devenir soi quand on vous a menti ? Peut-on se reconstruire un arbre généalogique ? Qu'est- ce qu'était l'adoption dans le secret et les non-dits des années 1970 ? L'histoire d'une résilience, d'une reconstruction et une plongée dans un épisode peu glorieux de l'histoire de France à travers les yeux de deux enfants.


    J’avais envie d’un livre fort sur un sujet marquant, et je n’ai pas été déçue. Après avoir découvert la plume d’Ariane Bois et assisté à sa rencontre pour la sortie de Ce pays qu’on appelle vivre, je me suis plongée dans L’Île aux Enfants. Ce roman revient sur une ignoble politique migratoire menée entre 1962 et 1982, où des milliers d’enfants réunionnais ont été arrachés à leur famille et envoyés en métropole, plus précisément en Creuse et parfois dans d'autres département considérés en déficit de population.

    Présentée comme une chance pour ces enfants issus de familles pauvres, cette déportation d’État fut en réalité un déracinement brutal. Très peu ont connu l’amour et la chaleur d’un véritable foyer. Beaucoup ont été exploités, battus, déshumanisés, réduits à l’état de main-d’œuvre gratuite dans une France rurale encore figée dans le passé. Vague de suicides, traumatismes psychologiques, L’Île aux Enfants est un cri pour rappeler cette injustice, un pan honteux de notre histoire. C’est choquant, révoltant, et pourtant bien réel.

    Si le sujet est bouleversant, j’ai apprécié qu’Ariane Bois ne tombe pas dans le larmoyant. Son style, très journalistique (mais c'est initialement son métier, je ne l'oublie pas), met en avant la vérité brute plutôt que le romanesque. Cependant, cette approche m’a gênée. La structure du récit, avec ses allers-retours constants entre les époques et ses personnages écartelés entre passé et présent, m’a semblé trop fragmentée. Cela reflète sûrement le traumatisme vécu par ces enfants, mais j’ai eu du mal à pleinement m’attacher aux protagonistes.

    Dès les première lignes, les premiers paragraphes, les premières pages, je ressens ce cri qui se forme dans ma gorge, qui l'a serre, qui la gratte, qui la tord. Ce premiers mots m'éclatent à la face. Comment a-t-on pu manipuler ces parents pour leur faire croire que l’exil serait une chance pour leurs enfants ? Malgré la misère et l'insalubrité, ce sont les parents qu'ils faut aider. Quelle peine pour ces enfants et ces parents manipulés en profitant de leur illettrisme et de leur crédulité. Des policiers, des religieuses au cœur même de l'organisation.  L'exil, l'inconnu et la solitude car même la fratrie est désunie. seul, abandonné, ils vont devoir grandir. Et pourquoi ces enfants qui ne disent pas  : où sont mon papa et ma maman, je veux revoir mon papa, je veux revoir ma maman?  Comment ces petits, à qui l’on promettait des vacances, ont-ils pu être dépossédés de tout, même de leur propre nom ? Pauline devient Isabelle, une nouvelle identité imposée comme un chien abandonné sur le trottoir.

    1962-1963 ce n'est que le début, le début de la nouvelle histoire de Pauline mais aussi le début de l'inimaginable. Des enfants déracinés, ça a duré jusqu'en 1982, l'année de ma naissance, 20 ans sans cris, sans larme, juste une douleur dans le paysage français. Un politique migratoire pendant les 30 glorieuses, qui au contraire rend  notre pays  pas glorieux.

    Comme je le disais Ariane Bois choisit un angle narratif où le roman s’efface parfois derrière l’enquête. L’histoire de Pauline est bouleversante, mais j’ai été déçue par sa fille. Son parcours, censé restituer la vérité et donner un sens à cette tragédie, m’a semblé trop évident, trop linéaire,  comme si la transmission de la mémoire était un simple passage de relais. Cela amoindrit, à mes yeux, l’impact du récit. J’aurais aimé plus de complexité, plus de heurts dans cette quête de mémoire.

    Malgré cela, L’Île aux Enfants reste un livre essentiel. Il met en lumière une réalité trop peu connue, une douleur encore vive dans l’histoire de France. Si la forme m’a parfois frustrée, le fond, lui, est d’une puissance indéniable. Un roman nécessaire pour ne jamais oublier.
  • pontdeslivres

    Lecteur assidu

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    #592 20 Février 2025 12:48:47

    Perso, j'avais bien aimé Stupeur et Tremblement court roman efficace qui va à l'essentiel ! Curieuse de lire ton avis final ^^
  • LaurentVo

    Bibliophile

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    #593 20 Février 2025 17:37:50

    Exuline a écrit

    LaurentVo a écrit

    Oh à ce point là Exuline. C'est si mauvais ?
    Tu auras mon retour en fin de semaine si tout va bien ;)


    Je ne sais pas si le terme mauvais convient, mais je pense que j'ai fais une overdose de ce genre de policier en ce début d'année, c'était sûrement le livre de trop ;)


    Ca arrive. Faut faire une petite désintox et après ça repart. Ou prendre un "Mars". :lol:=D

  • M.Kate

    Chercheur de mots

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    #594 20 Février 2025 22:42:48

    Ah je suis contente que tu aies lu ce roman d'Ariane Bois! Je l'avais fait commander à ma médiathèque et j'étais restée choquée par l'histoire de ces enfants. Encore une partie de l'Histoire qui fait honte à l'humanité...
    J'ai lu récemment L'amour au temps des éléphants de la même autrice, et bien que j'ai été frustrée par le côté "rapide" de l'histoire (qui aurait mérité quelques dizaines de pages supplémentaires) j'ai appris beaucoup de choses, c'était vraiment pas mal.
  • Exuline

    Insomniaque des livres

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    #595 21 Février 2025 09:32:48

    LaurentVo : trop sucré le mars :ptdr:
    M.Kate : j'ai également repéré L'amour au temps des éléphants, il est dans ma WL, mais j'en est tellement dans ma PAL que je le lirai seulement à l'occasion.
  • Exuline

    Insomniaque des livres

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    #596 21 Février 2025 09:39:24

    <image> À un cheveu - Maëlle Desard

    Un grand bain d'humour et d'empowerment
    À 17 ans, Emma aime la natation, son frère presque jumeau, le chocolat et dessiner dans les marges de ses cahiers. Elle serait à un cheveu de la belle vie si elle n'avait pas perdu les siens, de cheveux, deux ans plus tôt (tandis que le reste de ses poils a continué à pousser, merci bien !). Affublée d'une perruque avec laquelle elle entretient une relation d'amour-haine quasi mystique, Emma décide de profiter du déménagement de sa famille pour repartir de zéro. Nouvelle vie, nouveaux amis... et peut-être un premier amour !
    Un roman lumineux sur l'acceptation de soi et de son corps, résolument féministe et universel !


    Je suis particulièrement surprise par cette lecture, car je ne pensais pas l’aimer autant. À un cheveu est un roman qui parle aux adolescents, à ceux qui subissent du harcèlement, à ceux qui ont un handicap, à ceux qui veulent être des bonnes personnes, à ceux qui se posent des questions, à ceux qui n'aiment pas leur corps, à ceux qui ne comprennent pas le monde dans lequel ils évoluent. Mais il est aussi écrit pour les parents, pour leur permettre de mieux comprendre le monde dans lequel leurs enfants évoluent aujourd’hui. J’ai compris, en quelques heures de lecture, bien plus que par des questions qui restent souvent sans réponse.

    Ce livre touche à un élément clé de la féminité : les cheveux. Longs ou courts, raides ou bouclés, noirs ou blonds. On en a, on les supporte, on les subit, on les dresse, on les coupe, on les soigne. Mais lorsqu’on n’en a plus ? Comment se sent-on ? C’est toute la force de ce roman, inspiré par l’histoire personnelle de Maëlle Desard, elle-même atteinte d’alopécie.

    Ce qui m’a le plus marquée dans cette lecture, c’est sa lumière. Malgré un sujet difficile, l’autrice insuffle de l’espoir à chaque page. Elle parle d’amitié, d’entraide, du regard des autres, qui peut aussi être bienveillant. Loin d’être un récit larmoyant, c’est un concentré d’optimisme et de réalisme sur la vie des adolescents d’aujourd’hui.

    La parentalité y occupe également une place essentielle. L’autrice aborde l’impuissance des parents face à la souffrance de leur enfant, leur maladresse, leur amour inconditionnel. C’est de l’amour filial à l’état pur, sincère et touchant.

    Certains lecteurs pourraient être surpris, voire choqués, par le langage parfois cru du roman. Il m’a fallu quelques pages pour m’adapter à cette écriture très directe, mais c’est précisément ce qui lui donne toute sa force. Ce réalisme brut le rend authentique, vivant, vrai. À cet âge, on parle sans filtre, sans mièvrerie, avec des mots parfois abrupts et avouons le aussi vulgaire, mais ils traduisent parfaitement les émotions et les tempêtes intérieures.

    L’adolescence, c’est aussi les hormones en folie, le besoin de plaire, de séduire, de se sentir beau, d’être accepté. Maëlle Desard retranscrit tout cela avec une justesse impressionnante.

    J’ai été séduite par ce roman, que je recommande chaudement. Il trouve toute sa place dans le Mois de mars au féminin, tant il aborde avec subtilité la question de l’image de soi et de l’acceptation. Un roman fort, sincère, et profondément humain.
  • LaurentVo

    Bibliophile

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    #597 21 Février 2025 18:14:59

    C'est vrai que le "Mars" c'est sucré mais c'est bon.
  • Exuline

    Insomniaque des livres

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    #598 03 Mars 2025 14:07:52

    BILAN FEVRIER 2025

    Le mois de février a été une très bonne surprise, puisque j'ai lu des livres que je n'avais pas prévu de lire du tout, et puis j'ai été embarqué et puis j'ai dévoré, et puis il y a eu de la nouveauté et je ne pouvais pas passé à côté, bref, chamboulement complet de ce que je voulais lire fin janvier et ce que j'ai réellement lu, mais je suis comme ça, j'ai des envies et puis elles changent.

    Ce mois-ci a été également été marqué par le 10 ans de mon blog et si vous n'avez pas lu ma rétrospective c'est parici.

    Je vous présente donc mon bilan de févier: 9 livres pour un total de 2 942 pages. Je continue à lire de petits romans (moins de 250 pages) que j'intercale entre des romans un peu plus gros, mais on est loin des pavés traditionnels de plus de 500 pages. Mais j'ai bien aimé mon éclectisme de ce mois. Il manque encore des chroniques à venir, mais c'est pour les jours à venir. J'étais en vacances, pas d'internet, déconnection, et ça fait aussi du bien.

    <image>Arsène Lupin gentleman cambrioleur - Maurice Leblanc
    La redondance des intrigues, la prévisibilité des dénouements et le héros un brin démodé ont fait que je me suis ennuyée. Néanmoins, pour un jeune lecteur souhaitant découvrir les premières bases du polar, ce recueil peut s'avérer une porte d'entrée accessible et divertissante.




    <image>Elia : La passeuse d'âmes, tome 1 - Marie Vareille
    Une lecture incontournable pour les amateurs de dystopies bien ficelées, servie par une plume addictive et un univers original. Imaginez La Passe-Miroir revisitée à la sauce Germinal avec une touche de Divergente... et vous obtenez un cocktail qui fonctionne à merveille




    <image>Elia : La passeuse d'âmes, tome 2 : Saison froide - Marie Vareille
    Marie Vareille confirme son talent pour construire une dystopie addictive et poignante. Si le premier tome posait les bases, celui-ci plonge sans retenue dans la noirceur, la tension et la violence, nous préparant à une conclusion qui s’annonce inoubliable. Un roman coup de poing qui ne laisse aucun répit et qui prouve que la dystopie a encore de belles histoires à raconter.




    <image>Elia : La passeuse d'âmes, tome 3 : Saison chaude - Marie Vareille
    Cette trilogie fut une belle découverte, portée par des personnages touchants et par une plume addictive. Ce dernier tome, bien que sans grand retournement de situation et finalement prévisible, propose une fin cohérente et aboutie. Une lecture qui conviendra parfaitement aux amateurs de dystopies, même si elle ne révolutionne pas le genre




    <image>Le bureau des affaires occultes, tome 1 - Éric Fouassier
    Roman captivant, à la croisée du polar historique et du thriller ésotérique. L’ambiance sombre, le contexte politique instable et les personnages marquants font de cette lecture une véritable immersion dans un Paris aussi inquiétant que fascinant. Une belle réussite qui donne immanquablement envie de découvrir la suite.




    <image>L'île aux enfants - Ariane Bois
    L’Île aux Enfants est un livre nécessaire. Il rappelle que l’histoire officielle oublie parfois ses pages les plus sombres, et qu’il faut des voix comme celle d’Ariane Bois pour les faire entendre. Un roman qui dérange, qui interpelle, mais qui ne m’a pas totalement convaincue dans sa forme





    <image>À un cheveu - Maëlle Desard
    J’ai été séduite par ce roman, que je recommande chaudement. Il trouve toute sa place dans le Mois de mars au féminin, tant il aborde avec subtilité la question de l’image de soi et de l’acceptation. Un roman fort, sincère, et profondément humain avec une touche d'humour qui ne gâche rien.




    <image>Stupeur et tremblements - Amélie Nothomb
    Ce roman retrace avec humour et recul son expérience professionnelle au Japon, marquée par un choc culturel brutal. À travers son regard décalé, AM expose la rigidité du monde du travail nippon et la place des femmes, incarnée par Fubuki Mori. Si le récit est fluide et accessible, il laisse des zones d’ombre et un manque de remise en question. Un texte drôle et piquant, mais dont l'impact aurait pu être plus profond.



    <image>Sans soleil , tome 1 : Disco Inferno - Jean-Christophe Grangé
    Ce livre n’est pas pour tout le monde. C’est une lecture qui marque, qui dérange, qui écœure parfois. Mais si l’on est prêt à plonger dans l’ombre, alors c’est un roman fascinant, qui montre une époque à la fois libérée et brisée, où la mort rôde dans chaque recoin de la nuit parisienne.




    Très bon mois de mars.

    Dernière modification par Exuline (03 Mars 2025 14:55:20)

  • ImagIn

    Grand chef libraire

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    #599 03 Mars 2025 14:11:04

    Le bureau des affaires occultes me fait envie depuis un bon moment, il faut que je trouve un moyen de le caser quelque part... :angel:
    Bonnes lectures, Exuline !
  • Grominou

    Administratrice

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    #600 03 Mars 2025 14:23:53

    J'ai vu que tu t'es procuré L'Île aux trente cercueils, j'espère bien qu'il te plaira davantage que celui que tu as lu!