[Suivi lecture] Errant

Porteurs de peau de Tony Hillerman

Premier tome d’une série qui en comportera une douzaine, ce polar marque surtout parce qu’il nous entraîne chez les Najavos et leurs coutumes ancestrales. C’est en effet sur une réserve que des meurtres et tentatives de meurtre ont lieu et ce sont principalement deux policiers Navajos qui vont conduire l’enquête. Il est impossible de dissocier celle-ci de la réalité particulière de ce peuple, autant dans son déroulement que dans son origine. Dans mon cas, cette immersion a été convaincante sans être concluante ; assez pour reluquer le deuxième opus, histoire de vérifier si, l’effet de nouveauté estompée, le charme opère encore.

Hillerman campe bien ses personnages principaux, les rend suffisamment complexes, et un fion mystérieux, pour qu’ils nous intriguent. Il sait aussi créer un contexte dépaysant, distiller des informations sur la culture des Navajos et nous initier à leur façon d’être et de croire. L’ambiance, le mode de pensée des policiers et l’importance accordée aux éléments des Premières Nations ne sont pas sans rappeler, dans un autre registre, l’excellente série consacrée au shérif Longmire par Craig Johnson. Reste à voir si Hillerman réussira à maintenir cette qualité au fil des épisodes suivants, ce que je souhaite vraiment.

La colline du dernier adieu de Marion Zimmer-Bradley

Je suis fan de la légende arthurienne, mais cet épisode de la série « Les dames du Lac » n’a qu’un lien ténu avec celle-ci telle qu’on la connaît plus généralement. Merlin n’y fait qu’une rapide apparition, une sorte de courant d’air sans plus. Par contre j’ai apprécié le côté politique de ce roman où les Brittons piaffent de bouter les Romains hors de l’île, malgré leur puissance militaire questionnable. La temporisation prônée par les druides et les prêtresses pose de bonnes questions… L’aspect romance m’a moins intéressé ; Gaius et Élane, victimes plus ou moins consentantes de leurs destinées m’ont semblé tous deux en dissonance entre leur chagrin d’amour et les choix de vie qu’ils font.

Cette série étant basée sur la place des femmes dans la légende, on peut s’attendre à ce que cet aspect soit central dans le récit. Et il l’est : le contrôle des prêtresses par le haut druide, le peu de considération de Gaius pour sa femme légitime, les traditions machistes, tout y est, explicitement, mais subtilement en même temps. L’autrice n’a pas jugé bon d’y aller à gros traits et c’est tant mieux ainsi. Au final je n’en sors ni emballé, ni déçu, mais bien déterminé à lire le reste de la série, dans l’ordre chronologique des évènements, puisque l’approche de l’autrice enrichit la légende.

Oh je ne savais pas ça, My!

Pour ma part j'avais beaucoup aimé, sans savoir à ce moment-là qu'il faisait partie d'un cycle!

Moi non plus je ne savais pas cela !


Je suis un sournois de Peter Duncan

Dans une petite ville, le chef de police a obtenu son poste en faisant chanter le maire ; cela donne une idée du personnage. Or, il s’avère que le maire et les autres notables de la ville, tous drapés d’une façade de piété ostentatoire, sont du même acabit ou même pire. Alors, lorsqu’une femme aux mœurs légères, fréquentée par tout un chacun, est assassinée, c’est la course au maquillage, pour ne pas dire au magouillage, afin que la vérité sur la vertu de ces maris ne soit pas dévoilée lors d’une éventuelle enquête. Toute l’histoire est racontée par le policier qui, lui aussi, a de sombres secrets à garder enfouis…

À tordu, tordu et demi, c’est ce qui ressort de cette lecture où les plans machiavéliques s’additionnent, se superposent, s’annulent. Les femmes ne sont pas en reste, ayant elles aussi leurs visées pas très catholiques. J’ai aimé l’humour caustique du narrateur, ses analyses alambiquées, ses plans d’une fourberie raffinée. L’auteur maintient un rythme d’enfer, utilise bien le sex-appeal de ses deux héroïnes qui ne se résument pas à des faire-valoir et a imaginé une bande de tarés d’une hypocrisie rare. Et, tel un casse-tête, tout tombe en place au dernier moment. Mais bien malin qui aurait pu prévoir de quelle façon ! Un petit détour qui vaut la peine pour rigoler un peu.

Rue barbare de David Goodis

Dans un quartier miteux, un ex-boxeur fait la loi. Avec la complicité d’un as du couteau, et celle des flics qu’il arrose généreusement, il rançonne, vole et viole en toute impunité. Trois choix s’offrent aux résidants : s’acoquiner, partir ou regarder ailleurs. Mais est-ce une façon de vivre ? Uniquement de survivre à tenter d’éviter les coups, à faire semblant de ne pas voir, à faire semblant que tout cela indiffère…

Goodis peint un univers sombre, sans espoir, où la fatalité écrase tout, où l’idée, même de la plus petite protestation, semble irréaliste. Tous les personnages baignent dans ce monde sordide aux frontières infranchissables et aux lendemains sans surprise. Pourtant, il nous concocte une histoire qui se tient et qui, malgré la violence omniprésente, aussi physique que psychologique, nous laisse sans arrière-goût. À lire si vous ne craigniez pas les cloaques, sinon vaut peut-être mieux s’abstenir. Reste que cet auteur est puissant et que je compte bien découvrir ses autres écrits.