[Suivi Lectures] Aealo

Et bien... je ne vais pas déroger à la règle, j'ai été absolument impressionnée par l'index que tu as fait et que j'ai parcouru hier, sur des titres déjà lus ou sur des titres présents dans ma PAL. Parmi ceux-ci, je note De pierre et d'os, de Bérengère Cornut, dont j'ai fait l'acquisition peu de temps avant le confinement mais que je n'ai toujours pas lu... La couverture me renvoie une atmosphère trop liée à l'hiver pour que je le lise maintenant, je crois !

Bravo pour ta patience pour réaliser l'index. Au vu des réactions que cela suscite, tu as bien fait =D

Je vois que tu aimes Zweig grâce à honha, as-tu lu son seul roman : La pitié dangereuse ? Et son autobiographie, Le monde d'hier ? Je te les recommande fortement !
Niveau adaptation BD, comme tu en parles dans ton dernier avis avec beaucoup de justesse, je te recommande Le joueur d'échecs par David Sala. J'ai trouvé qu'il avait très bien saisi l'essence du livre dans ses dessins et la construction des planches.

A bientôt !

Du plomb dans l'atmosphère

-Qui êtes-vous?
- Nowonmai

<image>Je n’avais à la base jamais prévu de lire L'exorciste de William Peter Blatty… Pour la simple et bonne raison que c’est quand on me l’a prêté que j’ai appris que c’était un livre…
Mais avant d'en dire quoi que ce soit, ma lecture ne se présentait pas sous les meilleurs auspices pour la simple et bonne raison que : Le film ne n’accroche pas plus que ça... J’ai beaucoup de choses à lui reprocher mais ce n’est pas le sujet (et j’y reviendrai rapidement plus tard). Donc à la base, j’y suis allé un peu à reculons mais bon la personne qui me l’a prêté m’en a dit tellement de bien que j’étais quand même curieux… Alors au diable la prudence !
Mais avant de tenter le diable et de signer un pacte avec lui, pour ceux qui ne le connaîtrait pas, de quoi parle ce contrat :
Pour Chris MacNeil et sa fille Regan, une adolescente de quatorze ans, la vie s'écoule heureuse et aisée dans un quartier bourgeois de Washington. Et puis, un jour, des bruits étranges résonnent dans la calme demeure, des objets disparaissent, des meubles sont déplacés. Quant à Regan, d'étranges métamorphoses la défigurent, des mots obscènes jaillissent de sa bouche. Tandis que peu à peu la personnalité de l'enfant se disloque face aux médecins impuissants, la police est saisie d'horreur devant l'atroce vérité. Damien Karras, prêtre et psychiatre, sera-t-il le seul recours ?
Promis j’arrête là mes blagues sur le diable, d’autant qu’il n’est pas question du diable ici mais de Pazuzu, démon mésopotamien pour la petite histoire (bien qu’on n’insiste pas dessus dans le livre).
Alors pour commencer, le film est étonnement fidèle au livre au final. Même l’introduction que je n’avais pas comprise dans le film est également le chapitre d’introduction du livre… On retrouve dans le livre une bonne partie des ingrédients du film (le côté captivant, le malaise, l’ambiance lourde…). Mais je les ai trouvés tous plus intenses dans le livre ! Mais ironie de la chose, c’est que plusieurs des reproches que je pouvais faire au film (lenteur, longueurs, manque de clarté…) se trouvent d’une manière ou d’une autre comblés ou amoindris ici. Mais j’arrête là de comparé au film puisque c’est de toute façon à l’œuvre originale qu’on a affaire ici.

Le début est plutôt rose, comme le laisse prévoir le synopsis… Le temps d’installer le décor mais très vite viennent s’ajouter des événements secondaires qui vont déjà commencer à assombrir les nuages blancs petit à petit. De quoi comprendre de le rose ne va pas durer longtemps tout en donnant une petite idée de ce vers quoi on se dirige… Et c’est une des forces du livre : jouer avec les attentes du lectorat ! William Peter Blatty va faire monter la sauce crescendo et l’épaissir de plus en plus, installant ainsi une atmosphère lourde à mi-chemin entre le magnétisme et le malaise.
Sans être outrancier dans sa montée en puissance, l’auteur tombe malgré tout dans la facilité de quelques passages un peu stériles et inutilement à rallonge (surtout certains dialogues…). Ce qui, il faut le dire, ne rompt pas l’ambiance (grâce à certaines ambiguïtés) mais brise parfois un peu le rythme… Vous l’aurez compris cette « montée en puissance » est par instant plus proche d’une volée d’escalier que d’une courbe…

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Mais tout le temps prit n’est pas perdu…
Tout d’abord parce que sans en avoir l’air, il y a finalement peu de personnages au centre de cette histoire mais par certains dialogues, certaines pensées ou certaines actions parviennent même à teinter les relations entre ces rares protagonistes (et certains personnages secondaires) d’une certaine ambiguïté efficace. Même si hélas pour certains personnages les relations sont plus intéressantes que les personnages eux-mêmes car autant le dire de suite : ils ne sont pas tous égaux en termes de background… Et c’est dommage car finalement les 2 seules choses qui permettent un peu près de nous attacher à Reagan, c’est « l’injustice de ce qui arrive à une enfant » et le regard de sa mère sur ce qui lui arrive… Ça marche plus ou moins mais c’est maigre mine de rien…
Ensuite parce même si l’exorcisme met du temps à arriver, c’est ici justifié : par ce qui, à mon sens, apporte une part de réalisme à l’histoire : le doute général. Ici on est loin de certains scénarios où il suffit de crier « démon » et « exorcisme » à tout bout de champs et de claquer des doigts pour que se pointe un curé dans l’heure. La méfiance est de mise… Beaucoup d’hypothèses médicales sont creusées et même l’Eglise se montre sceptique pour de multiples raisons…

- De nombreux catholiques instruits, madame MacNeil, ne croient plus au Diable lui dit-il d'un ton adouci. Quant à la possession, depuis que je suis entré dans la Compagnie, je n'ai jamais rencontré un seul prêtre qui ait pratiqué un exorcisme. Pas un seul !

Un autre bémol, ce sont certaines « descriptions »… Même si l’atmosphère n’a jamais cessé de me laisser un poids au creux de l’estomac, je dois dire que je n’ai jamais réellement ressenti de la peur (du frisson). A cela plusieurs raisons. Je suis un habitué du genre et puis disons le franchement, l’exorcisme est un sujet qui a été usé jusqu'à l'abus depuis (clin d’œil au cinéma d’horreur)… Mais en plus, certains éléments ne sont pas toujours assez bien décrits que pour s’en faire une idée nette. L’exemple le plus flagrant c’est la représentation de la métamorphose de Reagan (la petite fille) qui n’aurait pas été forcément aisé à imaginer/visualiser sur les seuls écrits de William Peter Blatty. Car je dois l’admettre, autant pour les autres personnages ce n’était pas le cas, autant ce sont les traits de Linda Blair qui me venaient immanquablement à l’esprit à partir du moment où Reagan commence à subir des changements…

-Montre-moi, Regan et je relâcherai peut être une courroie, proposa Karras. Si....
Il tressaillit brusquement de surprise en se trouvant devant une paire d'yeux enfantins remplis de frayeur, d'une bouche ouverte pour un muet appel au secours.
Mais l'identité de Regan s'estompa aussi rapidement qu'elle était apparue sous un nouvel aspect qui brouilla la vision fugitive de la fillette.

Je comprends sans aucun problème pourquoi ce livre a marqué les esprits à sa sortie et comment il a pu devenu un best-seller… Il faut dire qu’en 1971, parler d’exorcisme pour un roman c’est surprenant, c’est original (pas loin d’être une première à mon avis), c’est osé (surtout vu les propos blasphématoires tenu par le démon)… Rien de plus normal que ce livre ait été adapté quelques années plus tard.
Alors même si, au final, ce livre ne m’a pas fait peur comme le voudrait sa réputation, j’ai passé durant cette lecture un moment bien plus saisissant qu’avec son adaptation ciné ! Oui, ce livre n’est pas parfait et il a un peu vieilli (mais ne s’en sort pas trop mal de ce côté-là) mais je reste malgré tout ébahi par sa capacité à déposer spontanément cette charge sur les épaules même en reprenant le livre pour en lire une quinzaine de pages…
Vous laisserez-vous tenter ?

- Qu'attendez-vous pour commencer? Tout de suite... Hein?
Quelque chose ne tournait pas rond.
- Tu aimerais cela? s'enquit Karras intrigué.
- Énormément.
- Mais est-ce que cela ne te chasserait pas de Reagan?
Le démon rejeta la tête en arrière en gloussant à perdre haleine, puis s'arrêta brusquement et répondit d'une voix gutturale :
- Cela nous rapprocherait.
- Toi et Reagan?
- Nous et vous, mon bon ami, croassa la voix. Nous et vous. Ha! ha! ha!
Karras sentit de nouveau cette main glaciale l'effleurer, se poser sur sa nuque, puis glisser impalpable. La peur diagnostiqua-t-il. Mais la peur de quoi?

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