[Suivi Lectures] Aealo

 
  • Cervus

    Lecteur fou

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    #1341 11 Octobre 2020 18:18:57

    Trauma de papier


    Ecrire n'engendre pas la misère, écrire naît de la misère.


    <image> Depuis mon premier Stephen King à 12 ans, ce dernier n’a cessé d’être une de mes références littéraires. D’ailleurs, j’ai toujours dans un coin de la tête de parvenir un jour à les lire tous. J’ai bien conscience qu’il y aura sans doute de la sueur, du sang et des larmes (parce que oui c’est déjà arrivé avec lui malgré tout) mais je tendrai le coup… :goutte:
    Du coup, quand le BC s’est orienté vers Misery de Stephen King j’en ai été enchanté, trop content de pouvoir saisir cette occasion ! L’occasion de lire ce King que je n’ai pas encore lu et dont j’ai probablement entendu le plus de louanges parmi ceux-ci. C’est donc peu dire que d’affirmer j’étais très curieux ! :-)

    D’autant que pour être honnête, le pitch de départ est assez simple. Un écrivain à succès, Paul Sheldon, suite à un accident de la route duquel il sort gravement blessé, est recueilli par Annie Wilkes, une dame vivant seule dans une ferme isolé de tout. Mais Annie Wilkes n’est pas n’importe qui : elle est l’admiratrice numéro un de Paul Sheldon !
    Mais malgré tout, elle n’a pas apprécié de voir son héroïne favorite mourir dans le dernier tome de Paul Sheldon…

    Nul besoin d'un psychiatre pour se rendre compte de l'aspect autoérotique de l'écriture ; on brandouille une machine à écrire au lieu de s'astiquer soi-même, mais l'un comme l'autre dépendent d'une imagination fertile, d'une main rapide et d'un engagement sans faille dans l'art de l'outrance.

    Nous plonger dans l’esprit d’un écrivain (à succès), Stephen King a trouvé là un moyen de nous parler de l’écriture (et par là de la lecture de ces écrits) dans ce qu’elle a de plus profond : les origines, les traumatismes sources, l’acte de création, les conséquences (fans et leurs attentes, gloire, éditeurs…), les espoirs, les déceptions, le partage entre satisfactions et espoirs déçus, l’appartenance ou non d’une œuvre à son auteur, …
    Il va même jusqu’à y glisser de la ‘’technicité’’ puisque cette histoire frise le méta par instant ! Par exemple, le fait d’user du ‘’il faut que’’ dans le scénario tout en l’appliquant à son propre récit ou encore parler sans cesse de la différence entre ce qui est acceptable dans une historie raconter et ce qui n’est possible que dans la réalité (y compris celle de notre personnage écrivain), jouant ainsi sans cesse avec les attentes des lecteurs de cette propre Histoire qu’on tient entre les mains !
    Bref, j’abroge le côté technique (que je trouve déjà admirable) pour passer à la suite…

    Pendant qu'il prenait des forces, elle lui raconta ce qui s'était passé et les choses lui revinrent au fur et à mesure qu'elle parlait ; il se dit que c'était bien de savoir comment il s'était retrouvé avec les jambes en morceaux, mais il y avait quelque chose, dans la façon dont il l’apprenait, qui le mettait mal à l'aise - il avait l'impression d'être un personnage dans un roman ou une pièce de théâtre, un personnage dont l'histoire n'était pas racontée comme des événements vrais, mais créés comme dans une fiction.

    <image>
    Mon Dieu les personnages ! Non seulement Stephen King tente de jouer la carte du réalisme (ici on est plus dans le ‘’possible en vrai’’ me semble-t-il que dans le ‘’c’est correct/acceptable’’) mais en plus ses personnages sont des forces de la littérature !
    Je ne reviens pas sur la porte littéraire ouverte et les possibilités méta que représente Paul Sheldon. On peut ne pas aimer Paul Sheldon au début. On peut le trouver un peu prétentieux, un peu condescendant, je pourrais le comprendre. Mais par contre, ce qui est certain c’est que son sort ne peut pas laisser indifférent ! Quoi qu’on puisse penser, on a mal pour Paul Sheldon, et on a beau avoir du mal d’évaluer si c’est un gars bien ou non, on esquissera plus d’une fois un frisson durant la lecture rien qu’à l’idée de sa douleur physique ou de son calvaire psychologique. En effet, vu la situation et les épreuves qu’il traverse, on finit par se moquer de qui il a bien pu être avant car au final, qui mériterait un tel traitement ? :goutte:
    Sans parler de son état de santé, (ne vous inquiétez pas je ne spoile rien) puisque dés le début on sait qu’il ne pourra jamais partir en courant… Ce qui donne un côté irrémédiable et fataliste à la situation. D’où une impression encore plus rude quand les choses s’enveniment la fois suivante, puis encore la suivante, puis encore la suivante…
    La seule question étant : Mon Dieu mais où cela va-t-il donc s’arrêter ?

    Saurais-je ? Et comment, je saurais ! Il y a un million de choses que je suis incapable de faire. J'ai jamais pu frapper une balle incurvée au base-ball, même au temps de l'université. Je suis pas fichu de réparer un robinet qui fuit. Je ne tiens pas sur des patins à roulettes et n'arrive pas à tirer un accord en do majeur correct sur une guitare. J'ai essayé deux fois de me marier, et ça n'a pas marché ni la première, ni la deuxième. Mais si vous voulez que je vous emmène en balade, que je vous fiche la frousse, que je vous fasse pleurer ou sourire, alors là, oui, je suis votre homme. Je peux le faire et continuer jusqu'à ce que vous criiez pouce ! Je sais faire cela, je SAIS.

    <image>
    Seconde force littéraire se nomme Annie Wilkes ! Et ce nom va me hanter encore trèèèèèèès longtemps croyez-moi… :goutte:
    C’est bien simple, pour la faire courte :  Annie Wilkes rejoint le top des personnages les plus flippants que j’ai jamais rencontré dans mes lectures (et j’aime le fantastique et l’horreur ! C’est dire !), ainsi que le podium (peut-être même plus) des personnages les plus effrayants de King ! Elle est parvenue à me mettre encore plus mal à l’aise que Grippe-sou ou les fantômes de l’hôtel Overlook !
    Quand un personnage parvient à vous mettre mal à l’aise rien par le fait de savoir que les pas se rapprochent c’est que son auteur a atteint un niveau atmosphérique en matière de frisson ! Il faut le dire : ça nécessite une maîtrise de fou pour parvenir à implanter chez le lectorat un frisson dés qu’elle est dans les parages, pour réussir à nous rendre tendu autant que Paul lorsqu’on est en sa présence juste parce qu’on se demande quand elle va dérailler ou encore comment elle va exercer sa colère… King parvient à nous la nous faire craindre grâce à l’imprévisible (crédible) du personnage…

    Il songea que son esprit et la tondeuse à gazon avaient beaucoup en commun : ce que l’on en pouvait voir paraissait normal. Mais si l’on mettait l’un et l’autre à l’envers pour étudier comment ça fonctionnait, on tombait sur une machine à tuer pleine de sang à la lame redoutable.
    <image>
    Mais là où on atteint le sommet du tour de force pour moi, c’est que King parvient à mettre en place et à gérer d’un bout à l’autre un huis-clos avec seulement 2 personnages ! Et ce, sans user des facilités, sans jouer dans les abus de flash-back et sans jamais devenir redondant ! Je ne peux que lui tirer mon chapeau !
    La présentation du mal dans ce qu’il a de plus sournois et de plus visqueux au point de coller aux baskets pour ainsi dire jusqu’au bout, te laissant là seul à te demander comment t’en débarrasser… Il parvient à te coller une véritable phobie qui te colle à la peau jusqu’au bout, jusqu’à la frontière de la folie… Autant pour Paul que pour le lectorat, s’il ya bien un mot absent de cette histoire c’est « pitié »… :goutte:

    … son imagination si foutrement vivace s’abandonnait rarement à l’horreur, mais que Dieu lui vînt en aide lorsqu’elle le faisait. Que Dieu lui vînt en aide lorsqu’elle s’était échauffée, maintenant : elle était brûlante et allait à fond la caisse. Que fût d’une absurdité totale tout ce qui lui venait à l’esprit ne faisait pas un gramme de différence dans l’obscurité. Dans l’obscurité, ce qui est rationnel devient stupide et la logique se réduit à un rêve Dans l’obscurité, on pense avec sa peau.

    On est là face à un travail d’orfèvre effroyable à faire froid dans le dos, à une plume aux métaphores et comparaisons d’une puissance imagière hallucinante, à une tension implacable, à une œuvre maîtrisée à en devenir culte (ah non ça c’est déjà fait ! :D).

    Jamais ‘’magistral’’ et ‘’infernal’’ n’ont aussi bien rimé…

    Dernière modification par Aealo (08 Janvier 2021 11:00:00)

  • Grimhilde

    Serial lecteur

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    #1342 11 Octobre 2020 20:21:11

    Coucou toi !

    Je comprends que les livres soient une priorité dans l'installation. Ça fait du bien de voir tous ses amis bien installés chez soi ! Home is where the book is.

    Alors personnellement les livres philosophiques qui ont changé ma perception des choses sont :
    L'existentialisme est un humanisme de Sartre, un de mes premiers bouquins de philo, sur la liberté de l'homme et la mauvaise foi... je l'ai en double, pour pouvoir le prêter et l'avoir toujours chez moi
    De l'inconvénient d'être né de Cioran, un livre bien lourd dont je crois que nois avons déjà parlé, où l'auteur explique qu'il est préférable de ne pas naître que de vivre avec l'idée insupportable qu'on va mourir un jour.
    Éloge de la lenteur, un livre qui propose à chacun de ralentir... alors comme personnellemenr je suis quelqu'un de plutôt lent je n'ai pas vraiment trouvé de principes à appliquer mais plutôt quelqu'un qui était de mon avis sur le fait de ne pas se dépêcher (je déteste vraiment ça ça m'angoisse t'imagine pas) que ça m'a fait du bien
    La vie secrète des arbres m'a appris à considérer le végétal autrement
    Sorcières de Mona Chollet, même si je suis déjà une féministe convaincue ce livre a quand même bouleversé mes perceptions
    Poussières d'étoiles d'Hubert Reeves et tous les ouvrages sur l'astronomie et l'astrophysique en général, qui me rappellent qu'on est bien peu de choses...
    Zéro déchet de Bea Johnson qui m'a initiée doucement et sûrement au zéro déchet (je ne regarde plus aucun emballage de la même façon)
    La ferme des animaux de George Orwell, que j'ai ré écouté il y a peu de temps... et ça me fait toujours autant réfléchir.

    Et toi, quels ouvrages ont bouleversé tes perceptions durablement ?

    Je sens que j'adorerais la BD que tu as lu où Superman a atterri en Union Soviétique, j'ai très très envie de la lire (hop coucou la WL) :heart: . J'adore les uchronies (bon même si là c'est plutôt une ré écriture dans la fiction) et tout ce qui touche à l'URSS. Bref c'est fait pour moi je crois. Merci pour cet avis !

    J'ai adoré ton avis sur Misery aussi et je te rejoins en tous points. J'avais vu le film il est glaçant, l'actrice qui joue Annie joue très bien.

    Bon e lecture à bientôt

    Dernière modification par Catysprint (11 Octobre 2020 20:29:26)

  • Vinushka

    Puits de lecture

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    #1343 15 Octobre 2020 21:00:49

    Tu donnes envie de lire Misery même si j'ai vu le film il y a peu de temps (car ne pouvant malheureusement tout lire, j'ai fait le choix de découvrir cette oeuvre par le biais du cinéma). Cela arrivera peut-être un jour, car ça ne me dérange pas d'avoir déjà vu l'adaptation ! Je rejoins Catysprint sur le film et la prestation de Kathy Bates. :pink: J'aime beaucoup les citations que tu as choisies également. J'aimerais bien "découvrir" King avec Shining prochainement (j'ai lu Running Man et j'avais vraiment eu du mal, mais je doute qu'il soit très représentatif).
  • Cervus

    Lecteur fou

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    #1344 15 Octobre 2020 21:55:23

    Bonsoir Catysprint!

    Ça fait du bien de voir tous ses amis bien installés chez soi ! Home is where the book is. : J'aime beaucoup cette formule ^^

    L'existentialisme est un humanisme est dans ma pàl, je verrai donc ça à un moment ou un autre. ^^
    De l'inconvénient d'être né se trouve quant à lui dans ma WL depuis une éternité mais n'en est pas encore sorti! :D Je pense que nous en avons déjà parlé en effet! ;)
    Éloge de la lenteur là par contre je note car je en le connaissais pas mais ça m'intéresse! ;)
    La vie secrète des arbres, je peux comprendre, je n'ai pas eu ce déclic avec le livre car je l'avais déjà (à force de traîner dans les bois) mais ce livre ne peut qu'amener ce genre d'éveil. ;)
    Sorcières je ne peux qu'être d'accord! :D
    Zéro déchet je le lirai un jour très certainement mais je souhaite d'abord mettre bien d'autres choses en place d'abord. :-)
    La ferme des animaux oui je l'ai lu et je peux comprendre également.

    Et pour ma part? Oulà... :grat: Bon pas besoin de revenir sur Psychologie des foules de Gustave Le Bon et Sorcières de Mona Chollet (et l'essai de Vargas) puisque j'en ai déjà parlé. ;)

    Défaite des maîtres et possesseurs de Vincent Message : m'a fait réfléchir sur la consommation de viande (même si je n'ai pas réussi à arrêter je ne consomme plus de la même manière)
    Le Coeur de l'ogre de Isabelle Sorente : très difficile à expliquer car ce fut très personnel, ça a été une réflexion sur moi-même.
    Les animaux dénaturés de Vercors : à confirmer ce que je pensais déjà - il est impossible de mettre une barrière entre humain et animal
    Quelqu'un d'autre de Tonino Benacquista : m'a amené une profonde réflexion sur des questions autour de l'identité, de la personnalité, de la définition du soi.
    Anti Kamasutra à l'usage des gens normaux de Arthur de Pins et Maïa Mazaurette : remet les points sur les i en matière de sexualité.
    Comme par magie : Vivre sa créativité sans la craindre de Elizabeth Gilbert : un lâcher-prise, une décomplexion de l'imagination et de la créativité et les bien fait qui en découlent. Je me prends bien moins la tête depuis.
    La désobéissance civile de Henry David Thoreau : a aiguisé mon regard sur les lois, la "justice", le "système" et à ne pas en faire une fatalité qu'on subit.
    Le charme discret de l'intestin : Tout sur un organe mal aimé de Giulia Enders : on ne voit plus jamais sa digestion, son système digestif et son alimentation de la même manière!
    Ainsi parlait Zarathoustra de Friedrich Nietzsche : ce livre a engendré chez moi un vrai bouleversement sur quantité de mes idées, m'a appris à réfléchir et penser les choses autrement, avec plus de pertinence et d'ouverture... Et encore tant d'autres choses...
    La vague de Todd Strasser : m'a fait comprendre comment certaines choses peuvent s'installer insidieusement, à quel point il faut rester vigilent (et certains points d'actualités n'y échappent pas...)

    Je me dis que pour Superman (dont je ne suis pas du tout fan à la base) j'en attendais peut-être trop... :chaispas:
    J'ai beaucoup le principe des uchronies également mais ic , je ne sais pas ce qui coince, pourquoi ça ne parvient pas à me convaincre pleinement...:grat:

    Je n'ai pas encore vu le film Misery mais ça ne saurait tarder! :-)

    Je te souhaite de bonne lecture à toi aussi! ;)



    Bonsoir Vinushka !

    Je comprends qu'on puisse faire le choix de découvrir le film avant le livre.
    Par contre je n'ai encore ni vu ni lu Running man.
    D'ailleurs c'est drôle que tu parles de l'ordre de découverte et de Shining.:angel: Car personnellement je ne peux pas saquer le film de Kubrick... :tomatoes: Pas taper...
    En fait, j'ai lu le livre et très vite après j'ai vu le film... Mais le film ne tient tellement pas la route à côté du livre que je ne pouvais qu'être déçu par le Kubrick.
    Je serai curieux d'avoir ton avis sur Shining. ;)

  • Cervus

    Lecteur fou

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    #1345 15 Octobre 2020 21:55:35

    Casse-tête tchèque


    Le jugement n'intervient pas d'un coup ; c'est la procédure qui insensiblement devient jugement.


    <image>Comment développe-t-on un avis sur de l’absurde ? :grat: C’est déjà une absurdité en soi…

    Commençons par le commencement… Oui oui car Kafka a beau être absurde, il y a quand même un début à tout ça ! :D
    J’ai découvert Franz Kafka le jour où les circonstances m’ont littéralement mises La Métamorphose dans les mains. J’ai lu sans trop savoir où je mettais les yeux… et bon sang, je suis tombé sous le charme !
    Plusieurs de ses œuvres ont suivi avec le plus souvent un grand plaisir de lecture (La colonie pénitentiaire, Le château , La Lettre au père) ! 
    Principal manquant à l’appel, un de ses classiques : Le procès
    Alors lorsque c’est présenté l’opportunité d’une lecture commune, j’ai signé des deux mains ! :D

    - C'est la Justice, dit enfin Titorelli.
    - Maintenant je la vois, dit K. ; voici le bandeau sur les yeux, et voici la balance. Mais est-ce qu'elle n'a pas des ailes aux pieds, est-ce qu'elle n'est pas en train de courir ?
    - Oui, dit le peintre, cela faisait partie de la commande : une Justice qui fût en même temps déesse de la Victoire.
    - Cela se combine mal, dit K. en souriant. La Justice doit être immobile, sinon sa balance vacille et il ne peut plus y avoir de jugement équitable.


    Kafka… Kafka… Kafka… C’est troublant car lorsqu’on l’a déjà lu, on sait à quel point ce nom dit déjà tant de choses. Mais lorsqu’il faut décrire ça à quelqu’un qui ne l’aurait jamais lu, la dimension est autre… Et dans Le procès, quoi qu’on en pense, c’est du Kafka…
    Ca signifie une situation initiale presque banale : un homme dans son lit.
    Puis une première action étonnante certes mais pas déroutante : Réveil brutal par des hommes inconnus.
    Et à partir de là, si on tire sur la bobine, les bizarreries s’enchainent pour ne pas dire s’enfoncent dans une logique illogique pour nous et le personnage principale, Joseph K., mais au contraire tout à fait normale voire banale pour tout autre personnage de l’histoire…
    Le tout dans un malaise presque palpable puisqu’on ne comprend pas le pourquoi des choses, dans une ambiance pesante puisque la suite nous parait tellement floue que tout est possible ou presque (car on est dans l’absurde mais pas le débile)…
    Sur ces différents points, je retrouve beaucoup d’éléments de Le château par exemple.

    <image>
    Dans ces conditions, la défense est naturellement dans une position très défavorable et délicate. Mais c'est à dessein, là encore. Il faut vous dire que la défense n'est pas à proprement parler autorisée par la loi, mais seulement tolérée ; encore tout le monde n'est-il pas d'accord sur l'interprétation des textes législatifs qu'invoquent les partisans de cette tolérance.

    Je reste admiratif de cette capacité à écrire des pages d’explications de logiques propre à l’univers, en somme de développement d’un système absurde et alambiqué, pouvant même être contradictoire (en fonction des personnages) mais sans se tirer dans les pattes. Je ne comprends pas comment il parvient à tenir une telle performance…

    Ensuite, les chapitres s’enchainent avec plus ou moins de ‘’logique’’ (plutôt décousue ici il faut le dire). Les situations sont décalées et absurdes mais le personnage l’est tout autant…
    Joseph K. est imbuvable (un peu comme dans Le château mais il est pire ici) mais il est victime d’une certaine ironie. En effet, on a l’impression que plus il veut comprendre, plus il s’agite, plus il s’agite plus il s’enfonce dans les ennuis… En somme, c’est comme s’il cherchait les ennuis en cherchant à comprendre, comme s’il creusait sa propre tombe… Avec au final, presque l’impression que s’il était resté ‘’tranquille’’ dés le début après ‘’l’accusation’’, les choses ne se seraient sans doute pas passées ainsi…
    (et encore… mais je vais y venir)

    Tu vois ça, Willem, dit-il, il reconnaît qu'il ignore la loi, et il affirme en même temps qu'il n'est pas coupable!

    Par contre, comme chaque fois avec Kafka, je pense que ça passe ou ça casse… Donc je peux comprendre celles qui n’ont pas accroché (et celui-ci est sans doute encore ‘’pire’’, plus ‘’tordu’’, plus ‘’décousu’’, moins ‘’structuré’’ que certains de ses autres ouvrages).
    J’en ai même du mal à cerner le message… Alors oui, il y a sans doute au premier plan une critique du système judiciaire et administratif. Pour le second, ça n’aurait rien d’étonnant puisque Franz Kafka a travaillé dans les assurances si ma mémoire est bonne, autant dire les procédures et la paperasse il les a connus. :D
    Mais je dois avouer que j’ai eu pendant une bonne part de ma lecture, une autre idée (elle pourrait correspondre en partie du moins à la vie kafka)… J’ai comme une sensation de parallèle avec la foi et la religion… Tant de ‘’personnages importants haut-placés’’ dont tout le monde parle mais que personne n’a jamais vu, une justice et des gens dans lesquels on demande de croire aveuglément, des personnes qui soi-disant représentent et communiquent mieux avec cette ‘’hauts-placés invisibles’’ que ne pourrait le faire le commun des mortel, l’avant dernier chapitre qui n’est pas un hasard (à mon sens), des textes aux allures soi-disant sacrées (aussi bien les lois que la parabole), des troubles et des questions avec des envies de réponses dans un sujet sans fin et sans réponses véritables…
    Mais l’ironie c’est que je pense qu’il pourrait être lu de manière existentialiste aussi : la vie n’a pas de sens, quoi que tu fasses que tu te débattes ou non ça ne changera rien car c’est la même fin qui nous attend tous… (oui j’ai conscience que je caricature un peu :goutte:)

    <image>
    La seule attitude judicieuse consiste à s'accommoder de l'état des choses.

    Je ne serais qu’à demi-étonné… Kafka n’ayant pas véritablement été ce qu’on pourrait appelé un ‘’bon vivant’’… :goutte:
    Moi ce n’est pas mon type de mentalités donc je reconnais avoir eu plus de mal avec ce genre de message et même c’est peut-être bine une des choses qui me déplait dans cette lecture… C’est sensation de fatalité qui traîne dans l’air…

    Tout ça pour dire, que j’y ai trouvé une bonne part de ce que j’aime chez Kafka mais ça n’a pas été le Kafka le plus prenant… :goutte: Ce n’est, pour moi, pas le meilleur pour découvrir Kafka…
    Je ne suis pas certain qu’en découvrant Kafka par ce côté-ci j’en aurais lu d’autres… Quel tort, quel dommage, quelle perte ça aurait été !  ^^

  • Melody Pond

    Lecteur-express

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    #1346 16 Octobre 2020 13:47:20

    Hey coucou par ici !
    Comment vas-tu ?

    A propos de Stephen King, quand tu dis "ses personnages sont des forces de la littérature !"
    Mais carrément ! Je l'ai constaté dernièrement dans Simetierre, il traite ses personnages comme personne !
    En tout cas, j'ai rarement été déçue par un King et Misery est dans WL, tu m'a juste donné envie de l'en sortir plus rapidement. =D

    Kafka j'suis pas hyper fan. J'ai lu Les métamorphoses que j'ai moyennement apprécié.
    Je vois que je ne lui ai pas donné de note, c'est dire à quel point j'étais mitigée. :D
    Avant ça j'avais tenté Le château, sans succès, j'ai abandonné très vite.
    Comme tu dis, je pense que ça passe ou ça casse avec lui. Sauf que j'ai été mitigée suite aux Métamorphoses. Etrange... :grat:

    Bonnes lectures à toi !

  • Grimhilde

    Serial lecteur

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    #1347 18 Octobre 2020 19:05:10

    Hello Aealo

    Tu vas bien ? Que lis-tu en ce moment ?

    J'aime beaucoup ton avis sur Kafka et ton analyse (mais je te l'ai déjà dit sur le topic de la LC, olala on se retrouve partout dis moi). Moi aussi j'ai souvent eu cette sensation deu Joseph K était pris dans des sables mouvants, et que s'il se débattait il agravait son cas. Mais à la fois s'il ne faisait rien il sombrait de toute façon...

    Éloge de la lenteur a été écrit par un journaliste il y a un petit moment déjà, mais certaines choses sonnent bien actuelles encore.
    C'est drôle, pour Les animaux dénaturés je n'ai pas compris le même message que toi ! J'y ai vu une incroyable difficulté à définir la "frontière" entre l'homme et l'animal certes mais au final pour moi il y a une conclusion à ce questionnement : l'homme est différent de l'animal car il s'est extrait de la nature pour la questionner, se positionner en face d'elle. J'ai un ami qui a brûlé ce livre (et il aime beaucoup les livres) parce que la prise de position philosophique le mettait en colère.
    Comme toi ce livre m'a énormément fait cogiter.
    J'avais oublié de citer Désobéissance civile, évidemment !La vague aussi m'a fait de l'effet mais cette lecture remonte à il y a longtemps.
    Je dois vraiment me motiver à lire Zarathoustra.

    Bonne soirée et à bientôt =)
  • Vinushka

    Puits de lecture

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    #1348 18 Octobre 2020 23:26:40

    Je n’ai pas vu le film de Running Man (pas trop envie du coup haha), mais il l’a écrit avec son autre pseudo. Je suppose qu’il y a une raison, mais je ne me suis pas trop renseignée ou alors j’ai oublié… hm hm Et je n’ai pas vu Shining. Dommage qu’il soit pas terrible, car il me fait bien envie ce film. Mais je préfère lire le livre car le résumé me tente énormément et je me dis que si je dois retenter ma chance, il pourrait être le bon !

    Contente de lire ta chronique sur Kafka. Au collège, il y a donc bien des années, j’ai emprunté La métamorphose -> rendu sans l’ouvrir. Récemment j’emprunte Le procès -> pas le temps de le lire (j’avais emprunté d’autres livres en même temps, j’ai quand même lu les premières pages et je me suis dit que je réemprunterai). Bref bref, que de rendez-vous manqués. J’ai suivi un peu votre LC et je pense que j’emprunterai plutôt la métamorphose qui a l'air moins décousue si j'ai bien compris. La lecture a l’air exigeante. Rien que lire la première citation que tu as mise en exemple sur le procès, j’ai envie de me poser pour méditer. Ton analyse est intéressante !
  • Cervus

    Lecteur fou

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    #1349 25 Octobre 2020 13:11:37

    Hello Melody!

    Disons que ça peut aller. Les conditions au boulot sont difficiles (faire un boulot de 5 à 2 ce n'est pas le plus simple). Je me sens extrêmement fatigué (mentalement). A tel point que je n'arrive pas à me concentrer pour lire en ce moment. C'est dire... :goutte:

    C'est en effet ce que j'ai toujours aimé chez King mais je trouvé que dans Misery c'est encore plus marqué! Car tenir avec seulement 2 personnages sur une aussi longue durée si ils ne sont pas solides, prenants et puissants ce serait impossible. Or ici ça va tout seul c'est dire la portée des personnages!
    Je suis content si ça t'a donné envie de sortir Misery plus vite de ta WL car plus j'y pense et plus je me dis que c'est sans doute un des 3 meilleurs King que j'ai lu. :grat:

    Pour Kafka, je comprends. J'ai été converti par une amoureuse de Kafka et j'ai accroché de suite.
    Si La Métamorphose ne t'a pas parlé plus que ça (hors c'est sans doute le plus accessible de ses romans absurdes selon moi), je ne suis pas certain que le moindre autre livre passera... Si ce n'est La Lettre au père car ce n'est pas absurde, c'est juste une lettre que Kafka avait adressée à son père. Mais c'est fort, c'est dur et elle fait complètement écho à La Métamorphose puisqu'on perçoit ainsi le pourquoi de certaines tensions entre les personnages si on met Kafka à la place de Gregor. Un exercice que j'avais beaucoup aimé.

    Bonnes lectures à toi aussi !



    Salut Caty !

    Ce que je lis en ce moment? O_o Oulà! Vaste question... :goutte:
    A la fois tout et rien...  Tout parce que j'ai tellement de lecture en cours ou que je voudrais entamer en ce moment et en même temps rien car je suis tellement fatigué (mentalement) que je ne parviens pas à me concentrer et pique du nez au bout de 2 pages...
    Disons que les "vraies" lectures entamées en ce moment ce sont :
    - Improvisation théâtrale : La fabuleuse science de l'imprévu de Nabla Leviste : Un livre de réflexion sur l'improvisation théâtrale (que je pratique) donc pour moi c'est intéressant. Mais je pense pas que ça intéressera grand monde ici... :D
    - La Bhagavad-Gîtâ de Sri Aurobindo : Texte mystique à l'origine de croyance orientale (mais il faut encore que je creuse la question) dont l'hindouisme.
    - Vladivostok Circus de Elisa Shua Dusapin : Nouveau livre de cette autrice que j'ai découvert cette année et qui n'a cessé de me surprendre (avec Les bille de Pachinko qui m'a ennuyé mais obsédé) puis de me charmer (avec Hiver avec Sokcho une de mes plus belles lectures de cette année). Du coup ce nouveau sorti en septembre, je l'attendais avec impatience! :-)
    - Terre des hommes de Antoine de Saint-Exupéry : la LC en cours avec Luhnatic mais je pense que Saint-Exupéry et moi ça ne passe pas, c'est mon troisème essai et ce sera le dernier. Je n'accroche pas à cette plume... Et du coup j'ai un peu de mal d'avancer comme il faut...

    Et puis je viens d'avoir 2 lectures qui ne m'ont pas vraiment emballé... :goutte: Bref côté lecture je me suis déjà senti mieux... mais bon, je sais que c'est lié au reste...

    Oui je suis d'accord avec toi, quoi que Joseph K ait fait dans Le procès il sombrait de toute façon... Et je ne l'ai pas mis dans mon analyse mais je me suis rendu compte il y a peu que c'était sans doute une des choses qui me gênait dans ce livre : la sensation de fatalisme... Une notion que je ne partage pas...

    J'ai pris note de Éloge de la lenteur. ;)
    Pour Les animaux dénaturés, je comprends ton point de vue mais il ne m'est jamais venu à l'esprit car pour moi rien ne permet de dire que les Tropis n'en font pas autant (après tout ils ont déjà assez "de recul" que pour enterrer leur morts) certes pas aussi poussé mais en tant que "chaînon manquant" ça n'est pas impossible (à leur échelle).
    Je ne vois pas ce qui mettre en colère dans ce livre ce n'est qu'un point de vue philosophique qui nous oblige à nous positionner et nous questionner ce n'est en rien une vérité indécrottable... J'en aurais brûlé bien d'autres dans ce cas! :ptdr:
    Pour Zarathoustra, je tiens à nuancer un peu pour ne pas t'envoyer dans un mur. Je tenais à découvrir la pensée de Nietzsche (et c'est elle qui m'a déboulonné) et j'y suis allé à l'aveugle. J'ai eu beaucoup de mal par sa forme particulière mais j'en ai tiré ce que je pouvais en tiré (qui a déjà été suffisant pour me sidéré) mais tout le monde m'a dit la même chose : ce n'était pas le plus facile pour commencé Nietzsche... :goutte: Sache-le... ;)

    Je te souhaite de bonnes lectures!



    Konnichiwa Vinushka !

    Je ne sais pas s'il y a une raison, mais les livres écrits avec son pseudonyme Richard Bachman ne sont pas moins bons car sous ce pseudonyme il a quand même écrit Marche ou crève et Rage qui sont parmi les belles lectures que j'ai faites de lui.
    De mémoire, si je me souviens bien, je pense que cette idée de pseudonyme lui est venue à une époque où il était en plein succès et il souhaitais savoir si il avait du succès pour son nom ou pour sa plume.
    Disons que le film Shining n'est pas mauvais mais qu'il nie le livre (Kubrick quoi..)... Il faut essayer de le regarder sans avoir le livre en tête... Mais une fois qu'on a lu le livre, je trouve que ça passe plus... Et puis Shining est plus un film d'ambiance qu'un film d'horreur... Tu as bien raison de préféré tenter le livre. ;)

    Je ne peux que te pousser dans cette idée de tenter plutôt La métamorphose. ;) En tout cas pour moi c'est ainsi que ça s'est fait. :angel:

    Je te souhaite de bonnes lectures (meilleures que Cent ans de solitude n'est-ce pas? ;))

  • Premiere-Neige

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    Hors ligne

    #1350 26 Octobre 2020 01:50:42

    Coucou Aealo!

    Tes avis de lecture sont toujours des bijoux! J'ai vu le film de Misery sans toutefois lire le livre (J'ai ce dilemme avec King: je lis en français ou en anglais? Je l'ai pas encore résolu, du coup, je l'ai pas encore lu..!) Il y à la base quelque chose de très angoissant dans le huis-clos, et Misery tire véritablement profit de cet aspect. L'obsession maladive de la fan pour cet écrivain est terriblement malaisante.

    Kafka.... Ah! J'aurais tellement aimé le découvrir avec vous lors de la LC, mais les études de maîtrise on pris toute la place dernièrement et j'ai dû le mettre sur pause. J'ai hâte de le reprendre toutefois. J'ai aimé ce que j'en ai lu, et je me suis surprise à rire plus d'une fois! Je retiens le titre de Benacquista cependant: ça tombe droit dans mon sujet d'étude!

    Prends soin de toi!