[Suivi lecture] domi_troizarsouilles

 
  • GOUPILPM

    Lecteur professionnel

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    #91 23 Avril 2021 12:32:46

    Très belle chronique !
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #92 27 Avril 2021 23:18:57

    GOUPILPM a écrit

    Très belle chronique !


    Merci, ça me touche beaucoup! :emb::)

    Entre-temps, j'ai lu deux autres livres... deux auteurs canadiens, les deux portent le même nom de famille (que je n'avais jamais entendu avant, mais bon, ça ne veut rien dire); cela dit j'ai un peu cherché et n'ai trouvé aucun lien entre les deux, d'ailleurs ils sont complètement différents!
    Voici donc:

    Disparue chez les Mayas de Pierre-Luc Bélanger
    Relative déception: 14/20

    <image>

    Synopsis : Valérie Brunet, ses amies, Gen et Jade, et son jumeau, Félix, achèvent leur secondaire et se préparent à participer à un voyage au Mexique pendant leur dernière semaine de relâche. Après avoir trimé dur pour réunir les fonds nécessaires, ils s’envolent enfin vers Cancún. Ils visitent les pyramides Maya, font de la plongée à l’Île de Cozumel, se baignent dans la mer des Caraïbes… Hormis le « collant » Arnaud qui ne cesse de harceler sa copine, tout se déroule à merveille jusqu’au jour où, au retour d’une excursion, Valérie manque à l’appel. Dans le groupe, c’est la commotion et le branle-bas de combat. Les enseignants alertent les autorités locales, puis les parents des jumeaux. Finalement, c’est la fougueuse grand-mère qui débarque et convainc l’inspecteur Ramirez d’entreprendre une enquête qui mènera à de surprenantes révélations.

    Mon avis :
    J’ai choisi ce livre un peu au hasard, pour le challenge astrologique qui demande pour avril (il n’est pas encore trop tard !) un livre dont le prénom et le nom de l’auteur permettent de créer le mot « Bélier », avec le respect de l’accent qui plus est– ça ne laissait pas des milliards de choix ! Cet auteur canadien francophone, qui écrit essentiellement pour la jeunesse, m’était tout à fait inconnu, mais pourquoi pas ?

    On a là un roman plein de potentiel… mais qui reste désespérément plat tout du long. C’est une bande d’adolescents de dernière année qui partent en voyage scolaire (et de détente !) au Mexique, dans la péninsule du Yucatan, avec quelques enseignants. Lorsque l’une des filles du groupe disparaît brutalement, c’est le choc pour tout le monde, et en particulier pour son frère jumeau. Sous l’impulsions de la prof d’espagnol déterminée à remuer ciel et terre, et avec l’arrivée d’une grand-mère très moderne, très vite suivie par celle des parents, peu à peu les choses se mettent en place pour la retrouver à tout prix – avec l’aide de la police locale, dont on relève l’incorruptibilité tellement rare mais qui sert justement bien le roman, ou avec l’appel à la presse dans un pays qui n’a vraisemblablement pas de dispositif comparable à « alerte-enlèvement » ou « child focus ». Parallèlement à ça, on suit les mésaventures de la jeune fille disparue aux mains de ses ravisseurs, par des passages en italique à la 1re personne du singulier à  la fin de chaque chapitre, tandis que plusieurs éléments semés sans grande finesse laissent deviner à qui on doit cette disparition (sans aucune certitude cependant) longtemps avant la révélation finale.

    Ce qui rend ce livre peu crédible, en fait, c’est un certaine « facilité », et une surabondance de détails inutiles. D’une part, les personnages principaux sont issus d’un milieu privilégié, ils prennent l’avion d’Ottawa à Cancún comme je prends le tram pour aller au bout de ma rue, sans se poser la moindre question financière ; ils se permettent tout et n’importe quoi avec les locaux au Mexique du haut de leur statut d’ex-avocate ou de médecin sûr de lui, c’est tout juste s’ils ne les considèrent pas un peu comme leurs larbins. Bien sûr, ce n’est pas gênant en soi (quoique)… mais ça laisse planer cette question somme toute horrible : la jeune fille disparue aurait-elle eu la moindre chance d’être retrouvée si elle était issue d’un milieu moins privilégié ? En outre, il y a cette permanente « bonne éducation » un peu exagérée : la moindre friction entre les élèves (car bien sûr il y en a ! et l’une d’elles m’a presque fait espérer que ça bougerait un peu, mais à peine…) s’apaise avec un seul mot d’adulte, et ces jeunes s’excusent quoi qu’il arrive… je suis vraiment dubitative ! quand je vois mes propres enfants, qui n’ont même pas encore atteint le plus fort de leur adolescence, et qui sont pourtant « bien élevés » (ce n’est pas moi qui le dis ! mais on me le dit parfois, peut-être juste pour me rassurer ?) et éduqués dans une école considérée comme élitiste par certains, leur comportement pourtant sage –en général- est à des années-lumière de ce qui est montré ici ! Soit l’auteur écrit son rêve d’ados sans tenir compte de la réalité, soit les jeunes Canadiens de 17 ans sont des exemples pour les ados du monde entier ! Mais sincèrement, je n’y crois pas une seule seconde…

    D’autre part, ce récit est parasité par une surabondance de détails de la vie quotidienne qui ne servent pas à grand-chose ! Déjà, l’intrigue même (c’est-à-dire le départ pour le Mexique) ne commence qu’après 25%, ce premier quart ayant été consacré à l’explication de ce qui va être mis en place pour pouvoir financer ce voyage pour ceux qui ont moins de moyens – oui, rendons justice à l’auteur : au moins il y a un peu pensé ! Mais franchement, ça n’a aucun intérêt en lien avec l’intrigue, ça aurait pu (dû) être beaucoup plus court.
    Ensuite, avant l’enlèvement même, on a plusieurs scènes des visites touristiques au Mexique – et là, à nouveau, je suis partagée : d’un côté, on voit que l’auteur a déjà visité le coin et l’a beaucoup apprécié, il y a un vague sentiment de passion qui en ressort (mais alors une passion bien calme), mais d’un autre côté, ça ne fait que ralentir l’intrigue !
    Mais surtout, quand je parle de surabondance de détails, c’est le fait que chaque petit geste est détaillé en toutes circonstances : on fait les valises avec les protagonistes, on passe à la salle de bains avec eux, on boucle sa ceinture dans l’avion avant le décollage avec eux, on arrive à l’hôtel avec eux, on va au restaurant avec eux et on choisit les plats avec eux, c’est tout juste si on ne compte pas les grains de sable avec eux ! Ce procédé peut être intéressant selon le contexte, mais quand c’est tout le temps, tout le temps, tout le temps, ça devient passablement ennuyeux, sans faire avancer l’intrigue.

    A vrai dire, le plus problématique avec ça, c’est que les événements réellement importants, ce qui fait bouger l’histoire, sont traités exactement de la même façon. Dès lors, ni l’action ni les émotions ne parviennent à se dégager de l’ensemble, tout est présenté de façon similaire entouré d’une certaine gangue d’ennui. Pour donner un exemple concret, qui je l’espère n’est pas spoilant, l’auteur nous explique que Félix, le frère jumeau de la disparue, pleure sa sœur pour qui il s’inquiète, de la même façon qu’il range ses chaussettes dans sa valise. C’est ensuite pareil pour les parents quand ils arrivent à leur tour au Mexique. On est dans le même registre, dans le même exposé de faits, sans jamais susciter de vraie émotion. Ces parents-là bien raisonnables traitent la disparition de leur fille comme ils traitent n’importe quelle urgence dans la vie, eux les médecins qui vont régulièrement en mission pour MSF, sans avoir l’air d’être réellement touchés – or ça, la mère en moi ne peut pas y croire ! Si ma fille venait à disparaître lors d’un voyage scolaire à l’étranger, je ne pourrais certainement pas rester aussi stoïque que ce qu’on dit de cette femme-là ! J’aurais pleuré, j’aurais crié, j’aurais tempêté et on aurait sans doute dû me mettre sous anxiolytiques ! Mais elle, elle a l’air aussi malheureuse que si elle avait perdu son portefeuille… alors que c’est de sa fille qu’l s’agit !
    De façon similaire, même les passages en italique consacrés à Valérie, la disparue, souffrent de cette absence de vrai suspense : on a peur avec elle pendant quelques pages, mais très vite tout redevient analytique sans vraie émotion.

    Tout cela est peut-être lié à un défaut assez classique contre lequel on m’a plus d’une fois mise en garde en atelier d’écriture : expliquer les choses, c’est bien, mais ça ne suffit pas. Il faut aussi montrer les choses. Dire que Félix a fait un cauchemar, ça peut passer, mais à moins de vouloir faire au plus court, c’est très insuffisant, voire inutile ; il faut idéalement plonger le lecteur dans le cauchemar de Félix, il faut qu’on ait l’impression d’émerger avec lui dans ses draps mouillés de transpiration et de larmes et qu’on se débatte dans notre propre lit avec un sentiment d’urgence – mais cela n’arrive jamais ! Si seulement Félix ne faisait pas sa valise tout gentiment juste après, il serait peut-être plus crédible – le lecteur veut des sentiments forts, alors qu’il s’en fout de la valise ! (pour le dire un peu brutalement)

    Cela dit, j’ai quand même continué de lire sans ennui majeur. Sans être exceptionnelle, l’écriture est plutôt fluide et légère, assez agréable. On « sent » de façon évidente le prof de français dans cet auteur, car tout est toujours très didactique (un peu trop à mon goût, même, et ça contribue sans doute au manque d’émotion). En outre, même si la plupart des éléments de ce livre sont improbables, tant sur le fond qui tombe quand même très souvent dans un certain cliché du Mexique, que sur la forme très lisse, l’ensemble dégage une impression de sympathie un peu naïve. Ainsi, ce livre a un indéniable côté « lecture reposante » qui tombait bien à pic – sachant que je sors d’un brûlot de près de 1.200 pages sur les atrocités commises par les Ku Klux Klan : ici, en comparaison, on est dans le monde des Bisounours ! or, j’avais sans doute bien besoin d’une lecture aussi peu bousculante (oui, j’invente le mot) à ce moment précis de mon calendrier de lectures. Si je l’avais lu à un autre moment, j’aurais peut-être été bien plus critique…

    Au final, le principal intérêt de ce livre réside, pour moi, dans la langue. Les auteurs canadiens francophones restent relativement confidentiels dans notre vieille Europe ! D’ailleurs, lorsque j’ai préparé ma liste de livres canadiens pour un autre challenge (« En 2021, je voyage »), j’ai trouvé un certain nombre de best-sellers plus ou moins récents, la plupart écrits en anglais et traduits en français – et alors vraisemblablement par des traducteurs de chez nous, ou qui pour le moins ont veillé à utiliser un français international neutre. En revanche, j’ai trouvé nettement moins d’auteurs canadiens francophones, parmi eux encore moins qui ne soient pas diffusés à prix prohibitif (le GF de celui-ci coûte 34,28€ ! c’est à peu près le double d’un roman jeunesse édité en France… heureusement qu’il était aussi disponible en Kindle !), et parmi ces derniers quasi-aucun qui corresponde à mes goûts littéraires…

    Dès lors, découvrir un livre écrit par un enseignant canadien francophone, à destination de jeunes Canadiens francophones, qui affiche sans aucun complexe sa québécitude (ou canaditude ? puisque Ottawa, d’où tout démarre et d’où vient l’auteur, n’est géographiquement pas tout à fait au Québec), c’est vraiment très savoureux ! Ce roman est truffé d’expressions qu’on n’entend pas chez nous. Certaines sont connues ou se devinent sans souci, et me font tout au plus le même effet que quand j’entends un Français me parler à coups de soixante-dix ou quatre-vingt-dix. :ptdr : D’autres me plaisent car elles insistent sur la francophonie – c’est un phénomène connu de la part du Canada francophone, mais qui m’interpelle, car ici (en Belgique, et je pense aussi en France) on intègre les mots d’autres origines, notamment anglo-américaine, sans sourciller… mais nous ne souffrons pas de la proximité (voire l’inclusion) géographique d’un géant anglophone à l’heure où l’anglais (américain) s’impose comme langue-clé dans le monde entier. Par ailleurs, à l’échelle de ma petite Belgique, l’influence toute relative de la langue néerlandaise (flamande) reste plutôt anecdotique – dès lors, on se préserve beaucoup moins ! Ainsi, ça fait quelque peu sourire, mais avec un brin de nostalgie teinté de jalousie linguistique, de voir un selfie devenir un égoportrait, ou un smartphone devenir, à très juste titre d’ailleurs, un téléphone intelligent, tout simplement… Et ce ne sont là que deux exemples, mais j’en ai relevé pas mal d’autres ! Enfin, certaines autres expressions sont tout à fait inconnues, et si elles ne gênent pas à la compréhension générale du livre, j’ai quand même dû rechercher leur signification exacte.

    Quoi qu’il en soit, ce livre a réveillé et enchanté mon intérêt pour la langue française dans toutes ses variations. Rien que pour ça, il vaut le détour ! ce n’est pas tout à fait suffisant pour en faire un vraiment bon livre, mais au moins j’ai passé un moment agréable, sans grande révélation ni excitation littéraire. Ce roman est trop marqué par son manque d’émotion, si ce n’est d’ordre linguistique… mais c’est déjà mieux que rien !





    Les rois mongols de Nicole Bélanger
    Celui-ci par contre a été un coup de coeur: 19/20!

    <image>

    Synopsis : Octobre 1970. Manon, adolescente sensible et délurée, apprend qu’elle et son petit frère qu’elle aime plus que sa propre vie seront placés en familles d’accueil. Jamais Mimi et elle ne seront séparés. Jamais. Elle l’a promis « juré craché ». Devant la menace imminente, Manon choisit le chemin de la rébellion et de la fuite. Inspirée par les événements politiques qui secouent le pays, elle élabore un complot dans le but de kidnapper une vieille femme qui leur servira d’otage et de grand-mère. Avec l’aide de ses deux cousins, elle met vite son plan à exécution.
 

    « Ils vont me l’aplatir, me l’uniformiser, me le rouleaucompresser, éteindre ses désirs, tuer sa rage. Je ne les laisserai pas faire. Moi pis Mimi, on va s’en aller loin. On va rester rebelles, insoumis, mal élevés et fiers de l’être. Plus personne va réussir à nous décourager en nous faisant croire qu’on est des sans-dessein. On va devenir capables de tout. »




    Mon avis :
    Voici un court roman remarquable, et en même temps bouleversant !
    Nous sommes à Montréal en 1970, à cette époque où les adultes font peu de cas des ados (le mot n’est même pas utilisé une seule fois), les considérant tout au plus comme de grands enfants qui n’ont de toute façon rien à dire, mais doivent aller à l’école en semaine et à la messe le dimanche, aider à la maison et obéir aux adultes. A l’époque, on ne répondait pas encore aux questions des enfants. nous dit-on dès les premières pages.
    On est aussi en pleine Révolution tranquille, mais les pauvres n’en sont pas moins pauvres… C’est dans ce contexte que Manon, issue d’un milieu clairement défavorisé, super-protectrice envers son petit frère Mimi, vaguement amoureuse de son grand cousin Paul et complice des deux frères de ce dernier à peine plus jeunes qu’elle, tente peu à peu à de comprendre ce monde des adultes qui l’entourent. Mais elle fait face à ce qu’il a de pire : la lente dégénérescence de son père atteint d’un cancer, la dépression dans laquelle sa mère impuissante plonge peu à peu, la pauvreté de son oncle alcoolique et de sa famille (où seul Paul semble vouloir relever la tête), et un Dieu qu’elle implore mais qui reste éternellement silencieux. C'est alors que, avec Mimi et les deux jeunes cousins, ils décident de s’offrir une grand-mère (en la kidnappant !), et partent sur les routes vers une vie libre et meilleure. Mais évidemment, les choses ne se passent pas comme ils auraient espéré…

    Vu le contexte, on aurait pu s’attendre à un roman désespéré – ou désespérant, ce qui revient peu ou prou au même. Mais non… L’auteure présente tout par le biais des yeux de Manon qui, du haut de ses 16 ans, voit le monde avec une certaine candeur, qui n’est pas de la naïveté pour autant. Elle ne cherche pas à cacher ses premiers émois adolescents, ses premières tentatives de féminité, tout comme elle a un sens de la justice exacerbé, très pur, enfantin presque, et entièrement dédié au bien-être de son petit frère.
    Mais le vrai tour de force dans cette histoire plutôt triste, c’est qu’elle ne sombre jamais dans le mélo, car cette fraîcheur de la jeune héroïne se traduit par une écriture légère et lumineuse, et aussi à travers une bonne dose d’humour. Oh ! rien ne m’a fait franchement rire aux éclats, on n’est pas dans ce registre-là, mais certains passages m’ont fait très largement sourire, grâce à leur petit côté décalé. L’auteure va même plus loin : elle joue sur deux tableaux très différents, qui s’imbriquent l’un dans l’autre et se complètent. On a d’une part la narration même, écrite dans un français courant, parfois même soutenu, orné çà et là de quelques québécismes, mais de façon plutôt discrète. C’est dans cette narration que l’autrice (toujours à travers la voix de Manon) parvient à asséner en quelques mots, en quelques phrases apparemment innocentes, des réalités qui interpellent tout à coup, tant elles sonnent juste. J’ai relevé quelques passages, en voici un parmi ceux qui m’ont le plus touchée : A l’époque, on ne fermait pas encore les portes des églises à triple tour en dehors des heures de messes : Dieu nous faisait encore confiance. Je n’ai pas choisi cet exemple par hasard, à vrai dire. Certes, ça m’interpelle personnellement pour des raisons que je ne vais pas développer ici, mais l’auteure n’est pas tendre envers cette Église, hypocrite et bien-pensante ; plusieurs passages, toujours teintés de cet humour quelque peu caustique, relèvent ce silence étourdissant d’un Dieu en qui Manon voudrait encore croire pourtant, ou se moquent de la cupidité des prêtres, qui voient l’argent avant de voir l’Humain. On n’est jamais dans une attaque rangée contre cette Institution, mais clairement elle n’a pas bonne presse auprès de l’auteure !

    D’autre part, le récit est ponctué de toute une série de dialogues, essentiellement entre Manon et ses cousins ou avec son frère, et là : bienvenue dans le Québec profond ! On a l’impression d’entrer ainsi dans ces reportages qu’on voit parfois à la télé, où l’on interviewe des autochtones canadiens et bien francophones, sur l’un ou l’autre événement, mais alors nos chaînes de télévision se sentent obligées de proposer des sous-titres, tellement la façon de parler des personnes interviewées peut paraître incompréhensible à nos oreilles européennes. On est bien au-delà d’un accent différent… pourtant nous parlons la même langue ! Alors, certes, ces dialogues-là restent tout à fait compréhensibles (pas besoin de sous-titre ou de notes de bas de page !), mais j’ai quand même parfois dû les relire plusieurs fois, me les imaginer à l’oral comme si ça allait les faire mieux passer, et parfois (souvent) rechercher la signification de l’un ou l’autre mot, ou expression – ce qui, comme dit plus haut, n’est pas nécessaire pour la partie strictement narrative. Mais alors, au lieu de devenir tout à coup gênants au milieu d’un texte très abordable, ces dialogues très typés en rehaussent encore davantage la saveur déjà bien présente, ils donnent cette petite touche de piquant qui accentue le plaisir de la lecture, sachant par ailleurs qu’ils sont eux aussi empreints de pas mal d’humour : Manon a un excellent sens de la répartie !

    Par ailleurs, il faut aussi souligner le contexte politique, qui est omniprésent en arrière-fond du roman, sans être jamais étouffant. La Révolution tranquille… quésaco ? Eh bien, ma foi, ça aussi il a fallu aller chercher sur Internet, et me rendre compte au passage à quel point mes connaissances sur le Canada sont quasi-inexistantes ! A part le sirop d’érable (hum !) et quelques autres particularités culinaires, ou le fait qu’on y parle un français bizarre, dans ce pays où les francophones sont numériquement dominés par des compatriotes issus des lointains Ango-saxo-germains – une situation que certains aiment comparer à celle de ma petite Belgique, où les francophones minoritaires ont tendance à se faire bouffer par les Flamands majoritaires, mais une voix me dit que c’est bien différent, même s’il y a des similitudes -, en fait, ici en Europe, on ne connaît rien ni de l’Histoire ni de l’actualité du Canada ! Or, cette Révolution tranquille semble avoir été une série d’événements majeurs, qui a connu ses partisans et ses opposants, semant quelques morts au passage… Je ne dis pas que je vais tout à coup me passionner pour cette Histoire-là, mais en tout cas, cette prise de conscience que je ne connais rien d’un pays proche par la langue mais tellement éloigné pour le reste, c’est un peu comme un électrochoc sur l’étendue des choses encore à découvrir ! Et c’est aussi le bonheur de se dire que c’est la lecture, et ce beau roman en particulier, qui permet cette petite découverte qui pourra peut-être en amener d’autres, comme une piqûre de rappel toute en douceur.

  • Bouledechat

    Passionné du papier

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    #93 28 Avril 2021 09:08:28

    Eh bien tu m'as convaincue avec Les rois mongols ! Quelle belle chronique ! Je ne lis presque plus de contemporain pourtant (j'ai commencé ma vie de lectrice avec ça à l'adolescence donc il y a encore des choses qui résonnent, mais depuis que j'ai découvert la Fantasy j'aime trop m'évader donc ça passe en priorité par rapport au reste). Mais là ! Ce serait dommage de passer à côté. Ce ne sera probablement pas pour tout de suite, mais ce que tu décris de l'ambiance et de la narration a l'air vraiment propre à me plaire. Merci pour ce partage !

    Bonne lecture ! :)
  • zoeline

    Bookworm

    Hors ligne

    #94 02 Mai 2021 11:06:06

    un petit coucou en espérant que tu vas bien et que tes lectures te plaisent
    tu es doué pour l'écriture
    bon dimanche
  • Cendre

    Gollum littéraire

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    #95 02 Mai 2021 20:27:12

    J'ai bcp ton insert historique sur l'œuvre de Tolkien et j'ai bien ri avec le // des hobbits et des anglais à ne pas déranger  l'heure du thé haha. J'avais été transporté pas l'univers créé par Tolkien dans le SdA mais quand j'ai lu le Hobbit après, j'ai vraiment senti très fort le public jeunesse avec des situations assez convenues , simplistes et des perso plutôt caricaturaux. De plus je trouvais que l'univers était "expédié" et survolé. Pour moi les 2 œuvres n'ont rien à voir même si elles se passent dans le même monde et s'enchainent chronologiquement : le public n'est pas le même, le ton non plus et donc la magie fonctionne de manière tout à fait différente.

    Les rois mongols a l'air super en plus je ne connais pas du tout l'histoire du Québec de cette époque et ce serait l'occasion d'en apprendre plus.
  • Grominou

    Modératrice

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    #96 03 Mai 2021 13:46:29

    Pour préciser, la Révolution tranquille n'a fait aucun mort, il s'agit plutôt d'un mouvement politique et culturel qui a permis aux Québécois de s'approprier les leviers de leur économie et de leur culture et de rejeter la mainmise de l'Église sur toute les facettes de la société (éducation, mœurs, etc).  Il ne faut pas confondre avec les agissements du FLQ (Front de Libération du Québec) qui ont culminé avec la Crise  d'octobre en 70 et qui, eux, ont fait des morts.

    Le film tiré des Rois mongols a remporté un bon succès ici, mais je ne l'ai pas vu, ni lu le livre d'ailleurs.  Quant au nom de famille Bélanger, il est effectivement assez courant ici.

    (Je passe sur l'expression «français bizarre»! ;)


    PS Parlant de nom de famille...  Le personnage principal du roman que je lis est belge et s'appelle Pierre Claes, peux-tu me dire comment ça se prononce?  Cla-èss ou Clèss ou Cléss?

    Dernière modification par Grominou (03 Mai 2021 14:37:30)

  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #97 03 Mai 2021 15:50:17

    Grominou a écrit

    Pour préciser, la Révolution tranquille n'a fait aucun mort, il s'agit plutôt d'un mouvement politique et culturel qui a permis aux Québécois de s'approprier les leviers de leur économie et de leur culture et de rejeter la mainmise de l'Église sur toute les facettes de la société (éducation, mœurs, etc).  Il ne faut pas confondre avec les agissements du FLQ (Front de Libération du Québec) qui ont culminé avec la Crise  d'octobre en 70 et qui, eux, ont fait des morts.

    Le film tiré des Rois mongols a remporté un bon succès ici, mais je ne l'ai pas vu, ni lu le livre d'ailleurs.  Quant au nom de famille Bélanger, il est effectivement assez courant ici.

    (Je passe sur l'expression «français bizarre»! ;)


    PS Parlant de nom de famille...  Le personnage principal du roman que je lis est belge et s'appelle Pierre Claes, peux-tu me dire comment ça se prononce?  Cla-èss ou Clèss ou Cléss?


    Oh merci pour toutes ces infos!
    Je crois que l'autrice des Rois mongols mélange un peu les deux (ce qui est encore plus perturbant pour le lecteur non averti): elle place son histoire dans le contexte de la Révolution tranquille, ou alors juste après, mais effectivement elle cite à plusieurs reprises le FLQ (dont ferait partie le fameux cousin Paul), et l'intervention de l'armée parce qu'il y a eu des débordements... et hélas des morts. Elle soulève d'ailleurs les incompréhensions que ça a pu créer, avec ces militaires anglophones sensés aider les gens... qui ne les comprenaient pas; il y a une scène très "sympa" (je ne trouve pas de meilleur mot) où un de ces militaires demande à Manon de pouvoir aller aux toilettes chez elle (ce qu'elle ne comprend pas tout de suite, évidemment)...

    Et désolée pour le "français bizarre", ce n'était pas négatif en tout cas!!
    Ca me fait penser à tous ces films français où, dans une scène ou l'autre, il est question d'imiter "l'accent belge". En général mon mari et moi (et même les enfants aussi désormais), nous sommes atterrés! Déjà, il n'y a pas un seul accent belge - on ne parle pas à Liège (accent très typique) comme à Bruxelles (accent proche du flamand) ou à Mons (là on est presque chez les ch'tis)... Mais le pire, c'est que cette imitation d'accent belge à la française, c'est en fait l'imitation parfaite de nos ministres flamands (donc non francophones!) quand ils prétendent parler français... Notre actuel premier ministre est plutôt bon d'ailleurs, il fait des erreurs çà et là mais ça reste correct, et clairement il a travaillé son accent depuis l'enfance - si on ne sait pas qu'il est flamand, on pourrait presque croire à un  vrai "accent belge"! :ptdr:
    Mais alors, c'était la honte intergalactique (comme diraients mes ados) quand on entendait parler notre ancienne ministre fédérale de la santé...
    (j'ai trouvé un exemple encore disponible... où en plus elle se fout ouvertement du journaliste francophone au profit des Flamands... et oui, je vous promets que cette femme a été notre ministre de la santé... https://www.sudinfo.be/id174262/article … ein-direct

    Ah! Claes est la forme "francophonisée" du flamand Claas, c'est ce qu'ils appelle un "a long" et ça se prononce comme un â un peu plus allongé, mais en legato, il n'y a pas de coupure orale entre les deux voyelles ;) Il n'y a pas d'équivalent en français, je réfléchis... peut-être le plus proche serait le son a dans base, case ou ce genre de mot.
    Un peu comme si tu avais Clââs
    Je ne sais pas si c'est plus clair?




    Et à part ça, j'ai 6 livres :O à venir ajouter ici!
    Ceux et celles qui me voient sur l'un ou l'autre challenge ont déjà vu les versions courtes de mes commentaires, mais pour chaque livre il y a aussi un commentaire long, je vais essayer de mettre ça en ligne d'ici demain... et probablement en plusieurs posts sinon ça va être trop long!

  • Invité

    Invité

    #98 03 Mai 2021 23:02:27

    Ce que tu dis sur Les rois mongols donne très très envie de lire ce livre !!
  • Grominou

    Modératrice

    En ligne

    #99 04 Mai 2021 02:46:28

    Ah merci pour la prononciation, je vais pouvoir le dire comme il faut, même si c'est juste dans ma tête! :lol:  Ça me chicotait à chaque fois que je tombais sur ce nom!

    Tu as raison pour les accents, au Québec aussi c'est très différent d'une région à l'autre.  Et même à Montréal, l'accent de l'Est de l'île est assez différent du centre (l'Ouest étant plutôt anglophone).

    Si ça t'intéresse, il y a un fil de discussion sur la littérature québécoise dans la section Blabla livresque, tu pourrais venir y poser un petit avis...
  • domi_troizarsouilles

    Enfileur de mots

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    #100 05 Mai 2021 08:45:27

    Bonjour tout le monde! :)

    Me revoici (enfin) de retour, avec rien moins que 6 livres, dont la plupart ont encore été lus en avril, que je ne vous ai pas encore présentés ici...
    Comme annoncé, je vais les détailler en 2 posts, car sinon ça va être trop long, et le lien avec mon index perdra trop de son intérêt... et puis de toute façon, au moment où je commence ces mots, je ne suis pas certaine de pouvoir même terminer l'enregistrement de seulement 3 livres, après tout je suis au taf - vive le télétravail! (en réalité, j'adore ça, j'ai même fait partie des "précurseurs" parmi mes collègues... mais désormais bloquée à la maison depuis plus d'un an, à travailler sur un tout petit portable, loin de ces fameux collègues dont j'étais très proche, ça devient insupportable! mais c'est une autre histoire...)

    Avant de commencer, je ne m'attendais pas à créer un tel engouement pour Les rois mongols ! ;) mais j'ai trouvé l'histoire vraiment très belle, écrite dans une langue qui m'a autant charmée que surprise par endroits, donc oui je le recommande! ;)

    Et pour rebondir:

    Grominou a écrit

    Si ça t'intéresse, il y a un fil de discussion sur la littérature québécoise dans la section Blabla livresque, tu pourrais venir y poser un petit avis...


    Ah je ne pense jamais à aller sur les Blabla livresques ! Je passe déjà beaucoup, beaucoup de temps sur les challenges (et sur Discord car un certain nombre y sont liés), mais c'est vrai que j'ai tendance à délaisser les autres sections de LA; je vais aller explorer cela... ;)




    Et maintenant place aux livres - sachant que, parmi les 6 que je vais mettre ici, un seul a reçu la note de moins de 17/20 :O et les réactions sur les divers challenges où j'ai mis un avis court, allaient dans le même sens... mais ce livre-là sera pour le 2e post, donc place aux livres "légers"!

    Le gang des prodiges de Marissa Meyer
    Un gentil 17/20, qui s'inscrit dans la moyenne donnée par les autres lecteurs!

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    Synopsis : Il y a plus de dix ans, les Renégats, un groupe d'hommes et de femmes détenteurs de pouvoirs surhumains, ont vaincu les super-vilains. Ils font désormais régner la paix et la justice. Mais les super-vilains n'ont pas disparu...
    Parmi eux, Nova, qui a dédié sa vie à la lutte contre les Renégats, responsables de la mort de sa famille.
    Prête à tout, elle se fait passer pour l'un des Renégats et infiltre leur repaire afin de les espionner. Mais lorsqu'elle se lie d'amitié avec le fils adoptif des deux principaux Renégats, ses certitudes vacillent...


    Mon avis :
    Encore un livre qui n’était pas prévu dans ma liste à lire du mois… mais qui m’a attiré l’œil lors d’une visite du catalogue de ma bibliothèque, et paf j’ai craqué ! Ce n’est pas comme si j’avais une PAL de la mort qui tue, et des listes à lire mensuelles que je ne termine jamais =D ; et puis, pour simplifier les choses, les livres empruntés ont une durée de vie (sur mon appareil) limitée, donc il fallait que je le lise rapidement !

    Sur cette petite introduction, une autre précision est peut-être utile. J’ai lu quelques commentaires de-ci de-là sur ce livre, et vu ainsi que beaucoup le comparent (souvent à son désavantage) aux histoires des héros Marvel, et notamment au film X-Men… Alors disons-le de suite, au risque de passer pour une inculte : les héros Marvel, j’en sais – vaguement - ce que me raconte mon petit de 8 ans, mais je l’écoute en bonne mère à moitié indigne, c’est-à-dire d’une seule oreille, car on ne peut pas dire que ça me passionne !. Quant à X-Men, je me rappelle avoir tenté de regarder le film lorsqu’il est passé à la télé il y a quelques mois : au bout de 10-15 minutes j’en avais marre et j’ai changé de programme. En fait, côté super-héros, j’en suis restée à Goldorak, Spiderman ancienne version, et l’indétrônable Zorro (même si c’est dans un tout autre genre). Tout ça pour dire que j’ai entamé ce livre avec un esprit tout à fait neutre et sans aucune influence… et j’ai beaucoup aimé !

    Certes, le schéma de base n’est pas révolutionnaire, il est même plus que téléphoné, avec l’éternel combat entre le Bien et le Mal, où les super-vilains sont très méchants malgré un petit côté humain qui émeut un peu, tandis que les super-héros sont géniaux malgré leurs limites qui semblent s’accentuer.
    Ce qui rend ce livre assez intéressant, c’est que ce combat manichéen tellement traditionnel touche à des notions de société plus délicates qu’une simple dichotomie, où il suffirait d’effacer les méchants pour que tout aille bien. Car ici, les super-vilains Anarchistes ont d’abord éradiqué ceux qui ne cherchaient que le mal, et ainsi ils ont semé chaos et destruction, mais on entend que, dans le fond, ils rêvent d’une société où il n’y aurait pas de structure dominante, mais des citoyens capables de vivre ensemble en s’autogérant, libres et intelligents – en fait on ne devrait pas les appeler Anarchistes, mais Utopistes ! Et face à eux, on a les super-héros Renégats – un nom bien ambigu lui aussi, soit dit en passant, car si on s’en tient à la définition du wiktionnaire, qui est aussi celle que j’avais en tête sans pouvoir l’exprimer aussi clairement, un renégat est quand même celui qui a renié ses convictions, ses engagements, trahi son propre camp. Cela n’a pas beaucoup de sens ! sauf si on le prend dans le sens où ces super-héros ont recréé un certain monde après avoir vaincu (mais pas tout à fait anéanti) les Anarchistes, un monde différent de ce que tout le monde avait connu avant et dont il reste des bribes ici ou là, un monde où ils étaient haïs ou craints pour leurs prodiges, alors qu’ils sont maintenant à la tête de tout. Et c’est bien là que le bât blesse, et la question est posée quelquefois dans le livre l’air de rien : un super-héros est-il capable de devenir un dirigeant politique (au sens noble du terme, s’il existe encore) valable ?
    Pour moi, la réponse est non, l’Histoire l’a montré avec quelques exemples… Je pense notamment à Lech Walesa en Pologne dans les années 1980. Instigateur du très connu (à l’époque) mouvement Solidarnosc (Solidarité, en français), qui a fait trembler et finalement vaciller le système communiste polonais vassal de l’URSS, il a ensuite été élu …et a fait un président aussi bref que controversé. Et il y a sans doute plusieurs autres exemples, je ne sais pas pourquoi c’est celui-là qui me vient en premier à l’esprit.

    Et bien sûr, par-dessus tout ça, on a une jolie et gentille romance qui se crée peu à peu, et qui va parfois (souvent même) à reculons, mais qui reste toute douce car elle ce goût de nos premières amours adolescentes, tellement intenses mais déstabilisantes sur le coup, et qui laissent un petit souvenir sucré quelques années plus tard. C’est pourtant une romance à la Roméo et Juliette : Nova, liée aux Anarchistes par son histoire, désire se venger des Renégats qui, malgré leurs promesses, n’ont pas été là pour sa famille quand elle aurait eu besoin d’eux. Afin de mieux comprendre l’organisation des Renégats et ainsi pouvoir un jour les vaincre, elle passe une épreuve d’entrée pour pouvoir se joindre à eux… en infiltration bien sûr ! C’est là qu’elle rencontre Adrian, le fils adoptif des deux super-héros les plus adulés, plus puissant qu’il n’y paraît, et fermement convaincu de sa mission d’éradiquer les derniers Anarchistes pour le bien du monde…

    A nouveau, tout cela peut paraître très manichéen, voire simpliste. Alors il faut aussi souligner l’écriture enjouée et rythmée, avec juste ce qu’il faut de tension pour qu’on ne s’ennuie jamais, mais aussi une certaine dose d’un humour proche de la dérision et attendrissant. Les deux personnages principaux sont bien fouillés, et aucun n’apparaît tout à fait « cliché », alors que c’était un grand risque ! Nova est toute en contradictions, surtout lorsqu’il s’agit de tuer ; c’est une jeune femme forte et fragile à la fois, super-entraînée et pleine d’ingéniosité, mais très souvent dans le doute, et toujours déchirée entre son désir de vengeance et sa découverte de facettes inconnues du camp adverse. Adrian quant à lui est carrément lumineux, l’autrice le souligne d’ailleurs plus d’une fois ; il est la publicité vivante pour les bonnes actions des Renégats… mais fermement décidé à supprimer jusqu’au dernier super-vilain, tout en s’émancipant de ses pères adoptifs qu’il adore, mais dont il voudrait obtenir une vraie reconnaissance, et pas seulement l’amour inconditionnel qu’ils lui portent.
    Les personnages secondaires sont quant à eux moins approfondis, mais suffisamment bien campés pour qu’on les distingue aisément, et quand l’un ou l’autre est davantage mis en lumière, alors on fait peu à peu sa connaissance de manière plus fouillée. Mention pour le jeune et intriguant Max, pour qui j’ai eu un réel petit coup de cœur !

    Bref, c’est une lecture avec quelques scènes à la limite du frisson (surtout pour les plus jeunes lecteurs), d’ailleurs on l’entame par une scène très dure, mais de façon générale c’est plein de bons sentiments (même chez les super-vilains), et franchement, pour le peu que je connais à cette littérature SFFF destinée à la « jeunesse », j’ai l’impression que c’est un petit ovni, car il est plein de tendresse cachée au tournant de chaque page, alors que tant d’autres du genre ont quand même tendance à être parfois bien plus glauques. De plus, comme je le relevais plus haut, il est aussi porteur d’un message sociétal pas si anodin que ça, à lire à un 2nd niveau alors, qui s’adresse autant aux jeunes qui se posent des questions, qu’à n’importe quel adulte qui aurait ce livre entre les mains.





    La fabuleuse histoire de cinq orphelins inadoptables de Hana Tooke
    Un autre joli 17/20, qui n'a guère d'influence sur la moyenne (16,3), mais on reste dans un livre que la majorité trouve au minimum "bon" ;)

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    Synopsis : ORPHELINAT LA PETITE TULIPE
    RÈGLEMENT POUR L'ABANDON DES BÉBÉS
    RÈGLE N°1 : Le bébé doit être enveloppé dans une couverture de coton.
    RÈGLE N°2 : Le bébé doit être déposé dans un panier en osier.
    RÈGLE N°3 : Le bébé doit être laissé sur la marche la plus haute.
    Elinora Gassbeek dirige d'une main de fer l'orphelinat de La Petite Tulipe depuis des années. Et, durant tout ce temps, pas une seule fois le Règlement pour l'abandon des bébés n'a été enfreint. Jusqu'à l'automne 1880, où cinq bébés sont abandonnés selon un mode opératoire qui rompt scandaleusement avec toutes ses règles.
    Douze ans plus tard, ces enfants ont bien grandi et forment une bande inséparable. Mais ils évitent chaque fois l'adoption. Trop c'est trop ! Bien décidée à se débarrasser de ses cinq inadoptables, la directrice passe un accord avec un sinistre négociant qui compte les embarquer de force sur son navire. Une seule solution pour les cinq amis : s'enfuir...


    Mon avis :
    Encore un livre qui n’était pas du tout prévu dans ma liste à lire du mois (ni d’avril, mois durant lequel je l’ai entamé, ni mai où je l’ai tout juste terminé), mais qui m’a attiré l’œil, d’abord en lecture d’une copine dans un challenge, puis dans le catalogue des nouveautés de ma bibliothèque. Il était en tout cas suffisamment intrigant pour que je m’y attarde… et disponible immédiatement, alors j’ai foncé !

    Et j’avoue : lors des toutes premières pages, j’ai presque regretté cet emprunt compulsif. C’est que ça commence comme un conte tristounet, avec des orphelins plus malheureux et étranges les uns que les autres – ça fait penser à tant d’autres histoires du même genre, l’exemple qui me vient en tête est l’un de ceux que j’ai lus le plus récemment : « Une seconde avant Noël » de Romain Sardou. Oh ! j’avais bien aimé, mais là pour le coup, je n’avais pas envie d’un nouveau truc à la Dickens qui va faire pleurer dans les chaumières. Certes, ici c’est présenté avec une pointe d’humour qui ressort d’emblée, mais quand même : qu’avais-je donc été emprunter ?!

    Et puis peu à peu, on entre dans l’histoire, et immanquablement on est séduit ! C’est que les aventures de ces cinq orphelins deviennent très vite trépidantes ! Elles suivent un schéma assez classique de passages pleins de débrouillardise qui conduisent à l’une ou l’autre réussite pour ces cinq orphelins, aussitôt mise à mal par l’irruption de plusieurs méchants récurrents, qui agissent parfois seuls, parfois ensemble. Un certain nombre d’éléments se laissent deviner très tôt dans le livre, mais l’autrice sème juste assez d’indices pour renforcer les présomptions du lecteur, sans jamais rien révéler de suffisant, pour que ça reste une certaine surprise. Et cela n’empêche pas des retournements de situation souvent cocasses et inattendus… et on frissonne en même temps que ces enfants abandonnés de tous mais qui veulent s’en sortir coûte que coûte, et toujours ensemble.

    En effet, bien au-delà de ces aventures très rythmées, c’est aussi un roman positif plein d’espoir, qui laisse entendre qu’il ne faut jamais abandonner ses rêves et ses aspirations – à condition de s’en donner les moyens… et ensemble, c’est encore mieux ! Ainsi, l’autrice met en avant l’importance de la fidélité dans l’amitié – de façon sans aucun doute très « immédiate » et réaliste pour l’enfant lecteur, tandis que l’adulte ne manquera pas de se demander ce qu’il a fait de l’enfant qui vivait en lui, de ses amitiés disparues, et de ce qu’il attendait de la vie…

    Ainsi, les personnages sont très bien campés, pour certains à la limite de la caricature mais cela fait partie des effets habituels d’un conte – que serait une aventure du genre sans la méchante directrice de l’orphelinat ? ;) Le titre indique qu’il s’agit de l’histoire de cinq orphelins, tous reconnaissables grâce à l’un ou l’autre détail physique et/ou un don particulier bien développé, mais c’est Milou qui est sous les feux des projecteurs, c’est son histoire qui est contée de bout en bout, tandis que celle de ses quatre compagnons est à peine évoquée. Pourtant, même si on pourrait parler d’un personnage principal par-dessus quatre personnages un peu plus haut dans la hiérarchie que des secondaires, ils sont néanmoins constamment unis comme les doigts d’une main, et au final on ne peut les imaginer l’un sans l’autre, ce qui fait toute la force de ce roman, et accentue encore la valeur de l’amitié indéfectible (qui a pourtant quelques petits ratés) que l’autrice souligne avec art et conviction.

    Avec ça, la forme du livre est très sympa aussi, et je regretterais presque de l’avoir lu en version ebook telle que proposée par ma bibliothèque en ces temps de covid, alors que la version papier est sans aucun doute plus intéressante ! De nombreux chapitres se terminent ainsi par des extraits du carnet que tient Milou, avec toutes les théories qu’elle s’invente sur le pourquoi du comment de son abandon, et c’est alors présenté dans un tout autre caractère et une mise en page quelque peu différente : moi j’aime beaucoup ces « coupures » techniques qui font respirer le texte. De même, on a quelques (rares) illustrations qui agrémentent bien joliment l’ensemble !

    La seule petite question que je me pose finalement, c’est pourquoi la traductrice a cru malin de laisser çà et là quelques expressions en néerlandais, sans jamais daigner les traduire – ni dans le texte, ni même en note de bas de page ! Je vois dans l’extrait Kindle de la version anglaise que c’est pareil en VO : ces rares expressions sont aussi en néerlandais, et pas davantage traduites… et alors ? Le jeune lecteur anglophone pourra deviner – goedemorgen est proche de good morning, welkom de welcome ou kindjes de kids… mais pour le jeune lecteur francophone, c’est tout de suite moins évident ! (à moins d’avoir des notions d’une quelconque langue germanique suffisamment proche du néerlandais, mais ça ne court pas les rue) Or, je ne vois pas trop l’intérêt de laisser cela tel quel, sans la moindre explication – que ce soit une brève note de bas de page, un mini-lexique en fin de volume, ou même une mini-astérisque qui signalerait « en néerlandais dans le texte » ! Certes, une astérisque et plus encore une note de bas de page interrompent (brièvement) la lecture, mais rien de bien dramatique… et puis le jeune lecteur n’est pas plus bête que le lecteur adulte, et peut faire face à de telles « interruptions » qu’il trouvera de toute façon à foison dans ses lectures futures, quand il sera ado puis adulte…
    De même, l’autrice joue avec certains mots, qui peuvent peut-être faire sens par comparaison si on parle/comprend une langue proche du néerlandais, tandis que le jeune francophone passera complètement à côté ! Par exemple, le jeune anglophone comprendra directement ce qu’est ce fameux « Poppenmill » - car mill, en anglais comme en (vieux) néerlandais, veut dire moulin. Ce lieu que les cinq enfants découvrent dans la crainte porte donc le nom très poétique de « moulin aux poupées » - mais ce n’est pas expliqué une seule fois, ni par l’autrice (qui jouait sans doute sur la compréhension de son lectorat anglophone par analogie), ni par la traductrice (et ça, c’est à nouveau très dommage) !

    Mais bon, on est d’accord : ce ne sont là que des détails qui choquent quelque peu la traductrice qui est en moi, mais ce n’est pas du fait de l’autrice, et pour moi adulte qui parle anglais et néerlandais, ça n’a posé aucun problème (eh oui, je fais encore partie de cette génération de Belges qui devait apprendre le néerlandais en 1re langue étrangère… et pour ceux qui se poseraient la question : oui, le néerlandais des Pays-Bas est exactement la même langue que le flamand de Belgique, avec certes quelques différences régionales, et à l’oral, les mêmes différences qu’il y aurait entre le français parlé par un Liégeois ou un Bruxellois, et celui parlé par un Marseillais par exemple…). Je dirais même plus : ces jeux de mots notamment dans les noms ajoutent de la saveur au texte, et c’est un peu dommage de passer à côté, mais ce n’est pas bien grave.





    Et pour finir ce post-ci, je reviens avec mes chers policiers... mais je reste dans le "léger" comme promis (avant de passer aux thrillers ;) ):

    Hamish Macbeth, tome 1: Qui prend la mouche de M.C. Beaton
    Et encore un 17/20! et là je dénote de la majorité, qui ne l'a trouvé que moyen, et pourtant...

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    Synopsis : Policier du petit village de Lochdubh situé au beau milieu des Highlands en Écosse, Hamish Macbeth manque totalement d'ambition professionnelle mais il peut cependant compter sur son intuition naturelle pour mener à bien ses enquêtes. Ses qualités lui seront bien utiles quand le corps sans vie de Lady Jane Winters, langue de vipère notoire et participante au stage de pêche à la mouche du village, est retrouvé dans la rivière.
    Secondé par la délicieuse Priscilla Halburton-Smythe, Hamish s'immerge en eaux troubles pour démasquer l'assassin.


    Mon avis :
    Et voici le cosy mystery dans toute sa splendeur ! :) On m’a longuement parlé d’Agatha Raisin, dont j’ai au moins le tome 1 en PAL, mais c’est sur l’autre anti-héros (cela dit sans savoir si Agatha est « anti », mais c’est un autre sujet) de cette autrice que s’est porté mon premier choix, pour un autre challenge… et même plusieurs autres dans la foulée !

    Il n’y a pas de crime sanglant, pas de suspense haletant comme on pourrait trouver dans un polar aux accents de thriller par exemple. On est plutôt dans l’étude d’un microcosme particulier, l’autrice agissant presque comme le ferait un entomologiste avec une société d’insectes, à les analyser un par un sur son petit cheminement seul ou en groupe, dans ce décor majestueux des Highlands écossais (que je ne connais pas, mais espère bien découvrir un jour !), au sein d’un petit village perdu et à peu près oublié, si ce n’est son école de pêche à la mouche qui attire des stagiaires de tout le Royaume et même au-delà, chaque semaine. L’une des participantes cette semaine-là est imbuvable dès le tout début, et on se demande au fil des pages quand on va enfin la retrouver morte, si seulement quelqu’un finit par la tuer (car peu à peu ça devient improbable !) … car les sentiments que fait passer notre entomologiste à travers ses différents personnages bien typés, finissent par déteindre sur le lecteur ! Il faut pourtant attendre plus de 45% de lecture avant de trouver le corps. L’enquête qui en résulte ensuite semble presque décousue, partagée entre une équipe envoyée depuis la ville voisine, forte de ses certitudes mais assez peu efficace, et le policier local, notre fameux Hamish Macbeth.

    Ah ! ce personnage ! contrairement à ce que j’aurais pu craindre, après avoir lu certains commentaires et entendu certaines mises en garde, je l’ai trouvé extrêmement sympathique dès sa 1re apparition ! Certes, il ne paie pas de mine, et passe limite pour le simplet du village, même pas capable d’arrêter les braconniers. Mais il est surtout d’un solide bon sens tout campagnard, d’un immense réseau de relations grâce à une famille tentaculaire, d’un sens de la dérision qui ne l’empêche pas de souffrir de la méchanceté de certains sans le montrer pour autant ; bref, d’un côté « humain » tout simplement, un peu profiteur peut-être, mais tellement ouvert aux autres, à l’écoute sans se mettre en avant, agréable… on voudrait l’avoir comme meilleur ami !

    Ainsi donc, je ne vais pas le cacher : l’enquête n’a pas de véritable intérêt en tant que telle. Des indices sont semés mais tout le monde est suspect de toute façon, et ça se conclut de cette façon un peu abrupte où tout est révélé à la fin, comme dans le cas de ce que j’appelle un « mauvais policier ». Mais étonnamment, la résolution de cette enquête m’a bien moins intéressée, finalement, que toute cette étude des interactions entre ces inconnus qui se retrouvent à vivre en quasi-communauté pour une semaine, cette dynamique qui fait qu’on ne s’ennuie jamais, même dans les passages très descriptifs sur les techniques de pêche à la mouche – on ne peut pas dire que ça me passionne follement, mais c’était immanquablement, parfois même simultanément contrebalancé par la description de ces magnifiques paysages.

    Pour moi c’est donc un tout bon premier roman d’une série qui s’annonce prometteuse, j’ai passé un très bon moment avec cette lecture-détente absolument savoureuse.