#963 06 Avril 2025 11:45:43
Le diable tout le temps de Donald Pollock
Avec un tel titre, on peut se douter qu’il ne s’agira pas d’une romance à la guimauve ; effectivement, ce n’est pas le cas. Mais de là à imaginer une telle galerie de tordus, il y a un pas. Un shérif corrompu, c’est quasiment habituel. Un couple de tueurs sadiques, ça peut arriver, des prédicateurs pédophiles également. Un pasteur friand de jeunes filles en fleurs, ça s’est déjà vu. Les folies extrêmes auxquelles conduit le délire religieux n’ont rien de neuf. Ni les suicides quand il n’y a plus d’espoir. Tout cela mis ensemble pourrait devenir indigeste, mais pas ici, car l’auteur a si bien su amalgamer ses histoires que rien ne semble ni gratuit ni exagéré. Reste que le tout est d’une noirceur totale, limite dérangeante.
Pourtant j’ai aimé ce livre pour différentes raisons. D’abord l’auteur nous entraîne dans les très bas-fonds de l’âme humaine, sans concession, mais sans complaisance non plus. Les scènes glauques sont explicites, mais il ne s’y attarde pas ; heureusement, car on comprend vite… C’est comme si une certaine pudeur existait encore malgré ce qu’il nous conte. Les pervers personnages sont fascinants autant que répugnants et on se prend rapidement au jeu de deviner comment s’ils vont finir par rencontrer plus forts qu’eux. Et surtout, Pollock a su boucler la boucle de belle façon, même si le dénouement ne plaira sans doute pas à tout le monde. Pour amateurs de polars noirs et gore sur les bords, ce livre a certainement sa raison d’être et possède de belles qualités. Mais si ce n’est pas d’emblée votre genre, je crois qu’il vaut mieux passer son chemin.
Furie de Myriam Vincent
Enragée par le suicide de sa meilleure amie qui s’était fait violer, Marilyn se fait offrir de devenir « justicière », en clair de tuer des prédateurs sexuels de tout acabit. Ayant accepté et maintenant bien formée, elle passe à l’acte et y trouve un certain plaisir, d’autant plus que sa nouvelle profession lui procure une stabilité financière inespérée. Sauf que la solitude lui pèse, qu’elle décide de terminer son baccalauréat en littérature et que, malgré la réserve à laquelle elle s’astreint, se fait finalement une grande amie à laquelle il devient de plus en plus compliqué de lui cacher sa nouvelle vocation. Réussira-t-elle à concilier son travail de tueuse avec une vie sociale le moindrement normale ?
J’ai apprécié les questions existentielles de l’héroïne, son tiraillement entre une vie normale et cette vocation de redresseur de torts ; on peut trouver qu’elle hésite beaucoup, mais qui ne le ferait pas à sa place ? L’autrice pose aussi de bonnes questions sur l’incapacité des systèmes judiciaires à traiter adéquatement les plaintes d’agressions sexuelles et, plus largement, sur l’indifférence sociétale face à ce qu’elle nomme « la culture du viol ». Il n’y a pas là de prêchi-prêcha par contre, juste quelques diatribes bien senties. Je déplore cependant un certain tic d’écriture qui l’amène à truffer les dialogues de mots et d’expressions anglaises, ce qui dépasse de beaucoup la langue parlée qu’elle veut recréer, surtout de la part d’étudiantes universitaires en littérature… Certains aspects sont aussi cousus de fil blanc, comme ce boss criminel qui tombe un peu du ciel. Mais au-delà de ces bémols, cette lecture m’a plu, a un côté original et frondeur, tout en s’adressant à un problème social qui reste d’actualité, bref ce livre vaut la peine !