Les saisonsMaurice Pons1965

Synopsis

Siméon, "jeune encore, mais si laid, et d'une laideur si pathétique, qu'on ne lui donnait plus d'âge", débarque, après ce qui semble être un long et douloureux périple, dans une sorte de bourg si miséreux, si oublié de tout, qu'il nous semble à peine possible que des humains l'habitent. Il y en a, pourtant, et d'à peu près aussi délabrés ou mutilés que Siméon lui-même : des gueux, inhospitaliers, brutaux, alcooliques, qui n'en forment pas moins une communauté, avec ses histoires, ses coutumes, son vocabulaire et son bistrot de rien, bouge infâme où, comme dans tout le village d'ailleurs, on ne trouve guère pour mets que de la lentille, et, pour alcool, que de la lentille... Siméon vient d'un lointain si aride qu'il s'y est brûlé comme à des flammes : ici, pour seul climat, on ne connaît que des saisons de quarante mois, deux terribles saisons que se partagent les pluies, avec leur cortège de boues, de miasmes et de maladies, et la neige, qui pétrifie les corps, condamne à la réclusion, parfois à la mort - et on vient les déposer, ces morts, que l'on tire par les pieds, que l'on porte à même le dos ou dans des brouettes, au pied de la Croix de Sépia, sur les hauteurs du village, là où d'ordinaire les habitants aiment à venir déféquer. Ce n'est pas même un purgatoire, puisqu'au purgatoire les âmes peuvent au moins espérer se purifier : plutôt une sorte d'arrière-cuisine de l'enfer - à moins que cela soit précisément cela, l'enfer.

Siméon est l'étranger. Celui qui doit montrer patte blanche ; celui qui, de toute façon, quels que soient les efforts, quelle que soit la durée du séjour, ne sera jamais qu'un souffre-douleur. Il y a bien quelques moments de rémission - mais appelons plutôt cela des espérances déçues. Tout le monde n'est pas mauvais, non, il y a bien quelque chose à soutirer, à sauver, de ces âmes frustes. La veuve Ham, après tout, le nourrit, de temps à autres - comme, négligemment, on remplirait la gamelle d'un chien. Et puis il y a le Croll, borgne, "géant hirsute et dépenaillé", bonhomme à "forte haleine", rebouteux du village ; parfois, il éprouvera un peu d'affection pour Siméon. Il y a aussi Louana, une gamine rieuse et lubrique. Puis Clara, que par accident Siméon aura entraperçue, nue, de dehors, un soir à travers les fenêtres : de cette seule vision naîtra l'amour, car lui n'a pour seul souvenir de la nudité féminine que celui du corps de sa petite soeur, morte avec tant d'autres "cadavres décharnés que les prêtres tiraient par les pieds hors du camp et faisaient jeter dans les fosses." Bref, Siméon a tout pour être un des leurs : du moins a-t-il en partage avec eux d'être misérable et de n'avoir, de la vie, jamais connu que la part d'horreurs. Une chose pourtant le distingue : "... les épreuves et les souffrances abominables qu'il avait subies, il ne les avait assumées que comme une expérience enrichissante, comme une matière première à partir de laquelle il élaborerait un jour une oeuvre. C'est en quoi il s'était, dès l'enfance, singularisé d'entre toutes les victimes : c'est ce regard sur lui-même, et cet espoir, qui lui avaient permis de survivre. En toute conscience, il se reconnaissait le droit de se considérer comme un écrivain, et d'autant qu'il n'avait jamais envisagé d'exercer un autre métier."

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4 éditions pour ce livre

1975 Française Editions Christian Bourgois

214 pages

25 septembre 1992

ISBN : 9782267011357

1965 Française Editions Julliard

219 pages

ISBN : .

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3 commentaires

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  • avatar Fantômette_bouquine
    16 / 20 Le 09 Février 2025 à 20:47 Fantômette_bouquine

    Une fable oppressante qui ne peut que mal se terminer. L'histoire nous plonge dans un village perdu où quelques humains survivent en se nourrissant de lentilles. Point de repères de temps, lieu, juste une alternance de saisons une de 16 mois de pluie puis 40 mois de gel. Ces villageois un peu déjantés ont des moeurs bien bizarres.L'arrivée de Siméon fait ressortir le meilleur ou le pire de chacun.

  • avatar lydls
    18 / 20 Le 05 Septembre 2023 à 20:14 lydls

    Difficile de résumer en quelques mots cette œuvre ! Sur un ton absurde, drôle et caustique, toute la bêtise humaine y est exposée dans une fable oscillant entre le drame et la comédie.

  • avatar Livrepoche.fr (Nicolas)
    18 / 20 Le 23 Août 2020 à 19:33 Livrepoche.fr (Nicolas)

    Oeuvre unique, inclassable, viscérale, drôle et puissante.